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SÅ“ur Mumbi Kigutha, Présidente de Friends in Solidarity, fondatrice et coordinatrice du réseau Watawa wa taa («femmes consacrées de lumière») SÅ“ur Mumbi Kigutha, Présidente de Friends in Solidarity, fondatrice et coordinatrice du réseau Watawa wa taa («femmes consacrées de lumière») 

Sœur Mumbi Kigutha: «Quand l’Église écoute ses filles, elle retrouve vitalité»

Amplifier la voix des femmes en ³Ù³óé´Ç±ô´Ç²µ¾±±ð et consolider la dynamique de la synodalité au cÅ“ur de l’Église en Afrique: tel était l’objectif de la deuxième Conférence internationale des ³Ù³óé´Ç±ô´Ç²µ¾±±ðnnes africaines, qui s’est tenue à Nairobi du 3 au 6 septembre 2025. SÅ“ur Mumbi Kigutha, CPPS, a confié à Vatican News son parcours, les défis actuels de la vie consacrée sur le continent et ses espérances quant à la contribution unique des femmes à l’édification d’une Église véritablement synodale.

Christian Kombe, SJ – Nairobi

«Quand la voix des femmes est réduite au silence, l’Église s’affaiblit. Mais quand elle écoute ses filles, elle retrouve vitalité et espérance», affirme SÅ“ur Mumbi Kigutha, Présidente de Friends in Solidarity, fondatrice et coordinatrice du réseau Watawa wa taa («femmes consacrées de lumière»), co-organisateur de ces assises aux côtés de l’Université jésuite Hekima.
Ce constat résonne comme le fil rouge de la deuxième Conférence internationale des théologiennes africaines, qui vient de se tenir dans la capitale kényane. Ces assises ont rassemblé des chercheuses et des consacrées venues de tout le continent et de la diaspora, sous le thème: «Synodalité en action: émergence de nouvelles ecclésiologies, vitalité des femmes et discernement du leadership pour le XXIe siècle». La religieuse de la Congrégation du Précieux Sang, dont la maison-mère est située dans l’Ohio (États-Unis), y a joué un rôle central en tant que fondatrice et coordinatrice du réseau Watawa wa taa, qui a co-organisé l’évènement avec Hekima University College.  

 «Je suis une femme kényane, profondément africaine». Malgré de nombreuses années passées à l’étranger, SÅ“ur Mumbi insiste sur ce lien: elle se sent pleinement kenyane et célèbre son africanité, une perspective qui éclaire son engagement et sa vision pour la vie consacrée en Afrique. Celle qui se considère également comme une digne fille de Mère Maria Anna Brunner, fondatrice des SÅ“urs du Précieux Sang, décrit cette famille religieuse comme une part essentielle de son identité. Son expérience au sein de sa congrégation, où elle a vu s’épanouir ses dons et sa vocation, souligne-t-elle, l’a aussi préparée à être lucide sur les défis de la vie consacrée et à impulser des initiatives nouvelles au service des femmes consacrées et de l’Église tout entière.

Watawa wa Taa: des femmes consacrées de lumière

En décembre 2023, SÅ“ur Mumbi fonde Watawa wa Taa, un réseau destiné à favoriser l’échange, la réflexion et la collaboration entre femmes consacrées africaines. Le projet prend racine dans des conversations franches entre religieuses africaines confrontées aux tensions intergénérationnelles, aux questions de pertinence des ministères et aux défis de durabilité. «Nous parlions des tensions», se souvient SÅ“ur Mumbi. «Des tensions intergénérationnelles entre les sÅ“urs aînées et les plus jeunes. Des questions comme: nos ministères sont-ils toujours pertinents dans le monde d’aujourd’hui? Travaillons-nous pour servir, ou simplement pour nous maintenir? » Ces questions, résonnant à travers différents pays et congrégations, ont révélé un besoin commun de renouvellement.


S’inspirant des processus de renouveau qui ont suivi Vatican II dans la vie consacrée en Occident et revisitant l’histoire de la vie religieuse en Afrique, SÅ“ur Mumbi notait un contraste frappant. Alors que les sÅ“urs occidentales revisitaient leurs charismes fondateurs et se réengageaient avec les besoins de la société, les instituts religieux en Afrique – beaucoup encore à leurs débuts dans les années 1960 – se concentraient sur leur établissement, et non sur la réforme. «L’Afrique traversait la période troublée des indépendances», explique-t-elle. «Les rapports de Vatican II ne nous parvenaient pas facilement. Très peu de délégués africains ont assisté au Concile. ‘Rome’ semblait encore un centre lointain où les choses se passaient sans vraiment nous atteindre». Aujourd’hui, alors que les congrégations religieuses implantées en Afrique mûrissent dans un monde en rapide évolution, Watawa wa Taa cherche à combler cet écart. Le réseau réunit des sÅ“urs de diverses générations et congrégations pour des dialogues mensuels sur les vÅ“ux, le leadership, la formation. Les conversations sont enregistrées, étudiées, puis diffusées pour nourrir la réflexion.

ConfÉrence des théologiennes africaneS à Nairobi
ConfÉrence des théologiennes africaneS à Nairobi

Un appui décisif est venu de SÅ“ur Jane Wakahiu de la Fondation Hilton, qui a reconnu le potentiel de cette idée et encouragé à lier l’initiative à la recherche, confie SÅ“ur Mumbi. Le résultat fut une double approche: une recherche rigoureuse pour identifier les défis communs et un projet de narration appelé Living Ancestors (Ancêtres vivants). Cette initiative invite les sÅ“urs ayant plus de 30 ans de vie religieuse à partager leurs réflexions théologiques et leurs expériences vécues. «Le premier volume vient de sortir de presse», annonce-t-elle avec enthousiasme. «Il sera trilingue et gratuit, car nous voulons que tout le monde y ait accès facilement, puisse le télécharger sur son téléphone et le lire à son rythme. Ces témoignages sont vraiment magnifiques. »

Les dons des femmes africaines à une Église synodale

«Les femmes africaines savent ce que signifie l’oppression. Elles savent ce que c’est d’être mises à l’écart, ce que c’est d’être réduites au silence», affirme SÅ“ur Mumbi. En tant que l’une des organisatrices de cette conférence, elle voit les femmes africaines comme des contributrices vitales à une Église synodale marquée par l’écoute, la collaboration et une mission partagée. «Tant de dons naissent de la lutte et de l’oppression», observe-t-elle. «Ce n’est jamais un processus facile; c’est douloureux. Mais souvent, de grands dons émergent de cette expérience

Parmi ces dons figure un instinct naturel pour le réseautage, aiguisé par des siècles de survie communautaire. «Du niveau du village vers le haut, vous trouverez des femmes impliquées dans une forme de groupe: groupes d’épargne, associations pour les mariages ou les funérailles», dit-elle. Cet esprit collaboratif, associé à la patience et à l’endurance, équipe les femmes africaines pour naviguer des défis complexes avec résilience. SÅ“ur Mumbi se souvient d’une observation frappante de la sÅ“ur bénédictine Joan Chittister: «Quand les hommes décident d’entrer en guerre, les considérations sont souvent stratégiques et politiques. Mais une femme pensera immédiatement: une guerre déplacera les femmes et les enfants. Cela signifie qu’il faudra des vêtements, de la nourriture, des couches, du lait en poudre – des choses pratiques pour la survie.» Cette capacité à effectuer plusieurs tâches à la fois et à voir plusieurs dimensions d’une réalité est, pour SÅ“ur Mumbi, un don profond pour l’Église.

Participants à la Conférence des théologiennes africaines
Participants à la Conférence des théologiennes africaines

Repenser le leadership dans un monde blessé

L’un des sous-thèmes de la conférence porte sur le leadership dans des contextes de mauvaise gouvernance. SÅ“ur Mumbi voit les théologiennes et les femmes consacrées africaines comme des architectes d’un nouveau modèle de leadership. Elle remet en question le stéréotype selon lequel les femmes seraient leurs propres pires ennemies, pointant plutôt du doigt la misogynie intériorisée et la mentalité de rareté qui peuvent les diviser. «L’un des plus grands dons qu’une femme puisse recevoir est la chance d’examiner sa misogynie intériorisée, son patriarcat intériorisé», dit-elle. Sortir de cette vision n’est possible qu’en passant du temps avec d’autres femmes en tant qu’amies. Watawa wa Taa favorise cette transformation à travers des espaces sûrs où les sÅ“urs peuvent partager leurs vulnérabilités et affirmer les dons des autres, explique SÅ“ur Mumbi. «Nous reconnaissons le don des autres: je te vois comme une leader. Je pense que tu as fait le bon choix quand tu as pris cette décision». Ce modèle de leadership partagé, où le pouvoir est diffusé et les dons sont complémentaires plutôt que compétitifs, offre une alternative durable aux structures hiérarchiques. Le groupe ne dépend pas d’une seule personne.

Pour SÅ“ur Mumbi, la mauvaise gouvernance découle souvent de blessures non guéries. «Parfois, quand je regarde nos leaders, je vois des enfants blessés qui n’ont jamais traité leur douleur», réfléchit-elle. «Leur sentiment d’importance est juste une tentative de combler cette blessure au lieu de la guérir.» En favorisant la guérison et la réconciliation – avec soi-même, avec les autres et avec la création – les femmes africaines offrent un modèle de leadership enraciné dans la plénitude et la résilience, soutient-elle.

 

Un mouvement d’espérance

Alors que la conférence touche à sa fin, SÅ“ur Mumbi la voit comme un mouvement d’espérance et de renouveau, citant Dr Mercy Shumbamhini du Zimbabwe, l’une des intervenantes, qui a souligné le pouvoir du changement progressif. «Nous voici, en 2025, avec plus de quarante femmes africaines réunies, ayant pour la plupart des diplômes en théologie », s’émerveille SÅ“ur Mumbi. «Il y a vingt-cinq ans, cela aurait été impensable.» Ce rassemblement, croit-elle, ravive l’étincelle pour celles qui se sentent isolées dans leurs ministères. «Quand vous revenez d’un espace comme celui-ci, l’étincelle est rallumée», dit-elle. «Vous vous souvenez pourquoi vous devez continuer le bon combat.» L’impact s’étend au-delà de la salle de conférence. Grâce aux retransmissions en ligne, une jeune fille désabusée par l’Église, par exemple, peut voir qu’il existe des espaces où les femmes s’épanouissent au sein de l’Église.

Pour les prêtres et les séminaristes, les ressources de la conférence, comme le livre collectif qui rassemblera les diverses contributions, offrent une opportunité de s’engager avec les voix des femmes en théologie et dans les Écritures. «Si un séminariste lit cela, le prend à cÅ“ur et devient un prêtre plus attentif à la problématique de la synodalité, c’est toute une paroisse qui en profite.» En fin de compte, l’espoir de SÅ“ur Mumbi ne repose pas uniquement sur les efforts humains, mais sur la présence de Dieu. «Au fond de nos cÅ“urs, nous ressentons l’approbation de Dieu pour ce rassemblement», dit-elle. «Nous avons planifié, nous avons organisé, nous réfléchissons et partageons notre rêve d’une Eglise synodale, qui valorise la vitalité des femmes et leur leadership, mais le véritable travail de renouveau appartient à Dieu.»

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06 septembre 2025, 14:39