Floribert Bwana Chui, désormais bienheureux
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Floribert Bwana Chui est désormais bienheureux! La messe de béatification présidée par le cardinal Marcello Semeraro, préfet du Dicastère des Causes des Saints, a été concélébrée par des cardinaux et évêques, dont le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et Mgr Willy Ngumbi, évêque de Goma; ainsi que de nombreux prêtres venus du Congo, de Rome et d’ailleurs. La basilique papale Saint-Paul-Hors-les-Murs était plus que pleine de monde: des congolais, des fidèles d’Italie et d’autres pays, une forte délégation de la Communauté de Sant’Egidio de Goma et d’autres pays, ainsi qu’une délégation du gouvernement congolais ont participé avec joie et ferveur à la célébration de l’eucharistie.
Le rite de la béatification
Après l’acte pénitentiel est advenu le rite de la béatification. Mgr Willy Ngumbi, l’évêque de Goma, diocèse d’origine de Floribert et le postulateur de la cause de béatification, le père Francesco Tedeschi de la Communauté de Sant’Egidio, se sont avancés vers le cardinal Semeraro, représentant le Saint-Père, pour faire la pétition, c’est-à-dire demander à ce que l’on procède à la béatification du serviteur de Dieu Floribert Bwana Chui Bin Kositi. Après la pétition de l’évêque, le postulateur a lu la biographie du serviteur de Dieu. Le cardinal Semeraro a, ensuite, lu en latin la lettre apostolique du Saint-Père Léon XIV, autorisant la béatification de Floribert Bwana Chui. Après, le portrait du nouveau bienheureux a été dévoilé, sous la joie et les ovations de l’assemblée de fidèles, certains agitant des drapeaux bleus, or et rouge de la RD Congo; d’autres tenant en main des drapelets blancs avec des inscriptions de la Communauté de Sant’Egidio ou de l’OCC, l’Office congolais de Contrôle, organisme congolais de la douane où travaillait Floribert jusqu’à sa mort. C’est justement dans le cadre de son travail qu’il a dit non à la corruption, en bloquant le passage d’une cargaison de riz impropre à la consommation malgré des pots de vin proposés, qu’il a été enlevé, torturé puis tué. Après le dévoilement de son portrait, une relique du bienheureux Floribert Bwana Chui, la veste qu’il portait le jour de son martyre, a été portée et placée devant l’autel. Elle a été ornée de fleurs et entourée des lumières des bougies. Le cardinal Semeraro s’est ensuite approché pour encenser et vénérer la relique, pendant que l’une des chorales exécutait l’hymne au bienheureux Floribert Bwana Chui. Enfin, l’évêque de Goma, le postulateur, la mère de Floribert, Gertrude Kamara Ntawiha et le président de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo, ont prononcé un mot de remerciement au Saint-Père, représenté par le cardinal Semeraro, pour la proclamation du nouveau bienheureux. Toute l’assemblée a exprimé sa joie par des acclamations et des milolo - cris de joie de la RD Congo.
Le courage qui provient de la puissance de la foi en Dieu
La célébration en italien s’est poursuivie avec le gloria, chanté en lingala, l’une des quatre langues nationales de la RDC, par la chorale de l’aumonerie congolaise de Rome. Le cardinal Marcello Semeraro a introduit son homélie en reprenant les mots de l’apôtre Paul aux Romains: «L'espérance ne déçoit pas, car l'amour de Dieu a été répandu dans nos cÅ“urs par le Saint-Esprit qui nous a été donné» (Rm 5, 5). Ces mots, «que nous entendons aujourd'hui presque se répéter de sa propre voix alors que, près de sa tombe, nous célébrons la Sainte Eucharistie», ont été repris par le Pape François dans la bulle d'indiction de l'année jubilaire en cours, nous rappelant que, comme il l’avait fait avec les Romains, avec ces paroles, «l'Apôtre veut aussi nous insuffler du courage». Et nous, nous répondons en devenant des témoins de l’amour répandu en nos cÅ“urs par l’Esprit Saint, comme saint Paul qui, après avoir épousé le Christ, a poursuivi sa course jusqu’au martyre. Ces paroles, a souligné le prélat, ont également été prononcées par le pape Léon XIV dans la basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs le 20 mai dernier, en reconnaissant «d'avoir, parmi les premiers actes de son ministère pétrinien, signé le décret de béatification de Floribert Bwana Chui».
«Chez ce jeune homme, comme chez saint Paul et dans la multitude innombrable des martyrs qui s'étend jusqu'à nos jours, se révèle la puissance de la foi en Dieu qui justifie», a déclaré le cardinal Semeraro.
L’amour de Dieu était la boussole de la vie de Floribert Bwana Chui
Parlant de la solennité de la Sainte Trinité, le préfet du Dicastère a également rappelé les réflexions de Benoit XVI, «qui, déjà pape émérite, méditant sur ce mystère, disait que c'est en lui que nous trouvons le sens de la véritable unité qui est amour», qui «implique toujours un moi, un toi et un nous». C’est dans la lumière de cet élan d’amour que nous pouvons également «comprendre le témoignage de Floribert, fidèle laïc de l'Église de Goma et membre responsable de la Communauté de Sant'Egidio». Ce jeune s’est totalement donné, en s’ouvrant à cet amour dans lequel il s’est laissé façonner en profondeur, au point «d'en faire la boussole qui guidait ses choix». Les témoignages recueillis au sujet de sa vie le démontrent: «à chaque occasion de la vie, Dieu était sa référence, et la copie de sa Bible conservée à Rome, dans le sanctuaire des Nouveaux Martyrs à San Bartolomeo all'Isola, en offre la preuve, car elle permet de constater les traces d'une lecture constante», a constater le cardinal Semeraro.
«Prière, pauvres et paix»: trois piliers de la spiritualité de Sant’Egidio
Cette spiritualité qui caractérisait la vie de Floribert est celle qui est vécue dans la Communauté de Sant'Egidio, a observé le prélat. Le Pape François, a-t-il souligné, a ainsi caractérisé la spiritualité de la Communauté lorsqu'il lui a rendu visite dans la basilique romaine de Santa Maria in Trastevere, le 11 mars 2018, à l'occasion du 50e anniversaire de sa fondation: «Prière, pauvres et paix : tel est le talent de la Communauté, mûri en cinquante ans», avait dit le défunt pape. Cette spiritualité, a poursuivi le cardinal Semeraro, est ce que Bwana Chui a découvert, en écoutant la Parole de Dieu à la lumière de la prière, car «Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir». C’est aussi «de là que naît son attention aux pauvres de Goma, en particulier aux plus méprisés et marginalisés, c'est-à-dire les enfants des rues». À ces enfants, déracinés, sans orientation et sans famille, il a voulu «donner de l'espoir et un avenir, et c'est aussi pour cela qu'il [s’est engagé] avec eux dans l'École de la Paix».
«Tout le monde a droit à la paix»
En parlant de la paix, le préfet du Dicastère des Causes des Saints a invité à réécouter ce que disait le nouveau bienheureux: «Tout le monde a droit à la paix dans son cÅ“ur!» À une époque marquée par les guerres et les violences de toute sorte, «où tant de personnes en République démocratique du Congo et ailleurs recherchent la paix, ces paroles nous touchent plus que jamais!», a observé le prélat. Si la béatification de Floribert Bwana Chui a eu lieu à Rome, «c'est parce que, malheureusement, les conditions de sécurité et de tranquillité font défaut à Goma» son diocèse d’origine. Floribert, a fait savoir le cardinal, espérait faire un pèlerinage à Rome. «Son souhait s'accomplit en quelque sorte spirituellement avec la célébration d'aujourd'hui», a-t-il déclaré. Goma, sa ville, connaissait un climat tendu, situation qui s’est empirée, car la capitale du Nord-Kivu se trouve actuellement sous occupation du groupe politico-militaire AFC-M23. Les habitants de cette ville congolaise décrivent un climat sombre et d’un «mal-être» généralisé.
Les témoignages recueillis au sujet de Bwana Chui rapportent qu’il ne voulait pas la guerre et qu’il entendait, par son engagement, «réunir les jeunes de Goma comme dans une famille» et faire asseoir tous les peuples autour d’une même table. «Il rêvait d'être un homme de paix» et voulait contribuer à la paix sur sa terre, «qu'il aimait tant». «Aujourd'hui, nous faisons donc nôtre son aspiration à un Congo en paix, réuni autour de la même table comme une famille. Prions avec foi pour la paix, en communion avec l'Église qui habite toute la République démocratique du Congo, ici représentée de manière significative», a déclaré le cardinal Semeraro.
Le choix décisif du bienheureux Floribert Bwana Chui
La table est aujourd'hui pour nous l'autel liturgique, d’où le Seigneur nous parle et nous nourrit et par laquelle il sanctifie le monde dans le Christ, par le culte rendu au Père dans l'Esprit Saint, a déclaré le cardinal Semeraro. Comme Floribert, autour de cette table, nous apprenons «à ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour nous». «Pour ce jeune homme, a-t-il constaté, le moment du choix était vite arrivé: c'est lorsque, sous la menace et les flatteries de la corruption, on lui a demandé de faire passer à la douane des denrées alimentaires avariées qui auraient empoisonné les tables des habitants de Goma. Nourri de la Parole de Dieu et de l'Eucharistie, il s'est demandé: «Si je fais cela, est-ce que je vis dans le Christ? Est-ce que je vis pour le Christ?». «En tant que chrétien, se répondit-il, je ne peux accepter de sacrifier la vie des gens. Mieux vaut mourir que d'accepter cet argent». C’est le choix décisif qu’il a choisi d’opérer, en ce moment dramatique où il s’agissait de choisir entre vivre pour soi-même et vivre pour le Christ. Cela a un prix élevé, la grâce dont parlait Dietrich Bonhoeffer. «Dans notre contexte, a déclaré le prélat italien, la grâce à un prix élevé est la résistance au mal, jusqu'au bout, jusqu'à l'effusion du sang». Le cardinal Semeraro a rappelé les mots du Pape François au sujet Floribert Bwana Chui le 2 février 2023 en s’adressant aux jeunes au cours de son voyage en RDC. Le défunt pape rappelait comment ce jeune de 26 ans n’a pas voulu tirer profit de la corruption et a gardé les mains propres. Il avait présenté ce jeune de Goma comme modèle pour tous les jeunes pour ne pas se laisser «engloutir par le marécage du mal».
Que l’exemple du bienheureux Floribert Bwana Chui nous aide à résister au mal
«Le bienheureux Floribert, a dit le cardinal Semeraro, a compris que son âme... mais aussi la vie de son peuple étaient infiniment plus précieuses que l'argent et aujourd'hui, grâce à la fidélité de sa vie qui l'a conduit au martyre, l'Église le désigne comme un témoin et le propose comme un maître pour nous tous. Il l'est pour de nombreux jeunes Africains, à qui il enseigne à ne pas se laisser vaincre par le mal, mais à vaincre le mal par le bien». Il est un maître d'espoir pour de nombreux jeunes du monde entier qui peuvent, par son exemple, «découvrir la force du bien et faire le bien, en résistant aux sirènes d'une vie dominée par la peur et l'argent». Le cardinal Semeraro a conclu son homélie en priant pour que, par l'intercession du nouveau bienheureux Floribert Bwana Chui, le Seigneur puisse donner «aux jeunes et à tous les croyants de l'Église au Congo, en particulier à Goma, une nouvelle force pour poursuivre le bien et résister au mal». Il a aussi prié pour la Communauté de Sant'Egidio, afin que, encouragé par son exemple, elle puisse poursuivre «librement la triple voie de la prière, des pauvres et de la paix».
Avant la fin de la célébration, le cardinal Ambongo a dit un mot de remerciement au nom de l’Eglise du Congo, promettant de trouver des orientations pastorales pour lutter contre la corruption en RDC. Le fondateur de Sant’Egidio, Andrea Ricardi, a aussi exprimé sa gratitude au nom de la Communauté, soulignant que ce jeune bienheureux devient un témoin, une lumière et un guide pour les plus vieux et pour les plus jeunes, pour les Congolais et pour les membres de Sant’Egidio.
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