Floribert Bwana Chui: les t¨¦moignages de sa famille et des proches
Stanislas Kambashi, SJ ¨C Cité du Vatican
Après la reconnaissance de son martyre par le Pape François le 25 novembre 2024, le jeune laïc congolais, désigné comme martyr «de l¡¯honnêteté et de l¡¯intégrité morale», sera béatifié à Rome ce dimanche, en la solennité de la Sainte-Trinité. La nouvelle de cette béatification a été reçue avec une grande joie par l¡¯Eglise du Congo et par la communauté de Sant¡¯Egidio dont il était membre. La République Démocratique du Congo, son pays d¡¯origine, sera doublement représentée, par des évêques, prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs; ainsi que par une délégation du gouvernement. Parmi les prélats congolais, sont annoncés le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et Mgr Willy Ngumbi, évêque de Goma, diocèse d¡¯origine de Floribert Bwana Chui. La communauté congolaise de Rome se prépare également à ce grand événement.
Mourir, plutôt que mettre la vie des autres en danger
Floribert Bwana Chui Bin Kositi a été enlevé le 7 juillet 2007, avant que son corps sans vie ne soit retrouvé deux jours plus tard devant l¡¯Université Libre des Pays Grands Lacs (ULPGL), à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu. C¡¯est son refus de céder à la corruption qui lui a valu cette atrocité. Jeune commissaire au sein de l¡¯Office Congolais de Contrôle (OCC), organisme de l'autorité nationale de contrôle des douanes et des marchandises, ce jeune congolais était chargé d¡¯évaluer la conformité des produits passant la frontière Est de la République Démocratique du Congo. Dans l¡¯exécution de sa mission, il est confronté au problème moral d¡¯autoriser l¡¯entrée en RDC de denrées alimentaires venant du Rwanda voisin, et qui n'avaient pas obtenu les autorisations compétentes pour leur commercialisation et leur consommation. Selon des témoignages, «Bwana Chui a préféré mourir en refusant de faire passer de la nourriture qui aurait pu empoisonner un grand nombre de personnes». Son honnêteté et son intégrité morale lui ont donc valu le martyre.
La joie de Gertrude Kamara Ntawiha, mère de Floribert Bwana Chui
La famille Kositi a reçu la nouvelle de la béatification de leur fils avec beaucoup de joie et de satisfaction. Gertrude Kamara Ntawiha, la mère biologique de Floribert, rend grâce car cette nouvelle de joie la sort de l¡¯affliction dans laquelle elle était plongée depuis la disparition tragique de son fils. «Floribert, témoigne la maman, était assassiné au nom de sa foi chrétienne, pour avoir refusé une proposition de corruption visant à faciliter l¡¯entrée des denrées alimentaires pouvant mettre en danger la santé publique sur le territoire congolais. Il a clairement fait son choix pour Dieu jusqu¡¯à la fin et a choisi de mourir pour vivre dans le Christ». Maman Gertrude demande aux jeunes de suivre l¡¯exemple de Floribert, qu¡¯ils ne se laissent pas corrompre et suivent les valeurs de l¡¯Évangile. Aux Autorités congolaises, elle demande la paix, particulièrement dans la région Est de la RDC où Floribert fut tué et où la population vit depuis plus de trois décennies un calvaire, sous la menace des groupes armés et l¡¯agression de certains pays voisins.
Trésor Kositi: le combat de Floribert Bwana Chui Bin Kositi n¡¯a pas été vain
Par son honnêteté et son intégrité morale, Floribert Bwana Chui bin Kositi est un modèle, non seulement pour les jeunes de la RD Congo, mais aussi pour ceux du monde entier, souligne Trésor Kositi, petit frère de futur bienheureux. «Pour moi, je trouve que son combat n¡¯a pas été vain, il a gardé sa liberté. Cela est un exemple pour nous, chrétiens, catholiques, jeunes à travers le monde entier, et particulièrement ceux du Congo où la pratique de la corruption doit être encore combattue», déclare le jeune congolais. La béatification de son frère, estime-t-il, doit interpeller le monde face à cette réalité malheureuse qui devient un mode opératoire pour obtenir des gains disproportionnés. L¡¯exemple de Floribert peut nous aider à «être plus justes et plus cohérents, car l¡¯argent ou les biens de ce monde ne peuvent pas toujours avoir le dessus», souligne Trésor.
Prier pour que le «fléau de corruption, ce mal qui ronge le monde, puisse cesser»
De son grand frère, Trésor retient le souvenir d¡¯une personne modèle. «Il avait sa façon de vivre la vie chrétienne, il vivait dans la crainte de Dieu». Floribert était engagé dans plusieurs groupes et mouvements ecclésiaux, il avait été servant de messe à la cathédrale Saint-Joseph de Goma, il a fait partie de la chorale latine de la paroisse Saint-Esprit. «Il a davantage raffermi sa foi en partageant l¡¯Évangile dans la Communauté Sant¡¯Egidio où il était un ami et un frère, aux côtés des démunis, dont les enfants de la rue». Si Trésor avait un message à adresser à Floribert, il lui demanderait «d¡¯intercéder auprès du Créateur pour le Congo et pour le monde entier pour que ce fléau de la corruption, ce mal qui ronge le monde, puisse cesser; et que nous puissions marcher dans la justice». «Floribert a su conserver sa liberté et a ainsi vécu de manière cohérente sa vie de chrétien». Faisant siens les mots du Pape François sur son grand-frère, Trésor montre que Floribert aurait pu gagner beaucoup d¡¯argent, en cédant à ses tentateurs. Bien au contraire, «il a choisi d¡¯être honnête, de dire non à la saleté de la corruption morale. Je pense que ces mots du Pape François devaient inspirer aussi nos politiciens dans leur vie», affirme-t-il.
Floribert Bwana Chui, un jeune fonctionnaire et pieux
Désiré Pengele, fonctionnaire au Département du Commissariat d'Avaries de l'Office Congolais de Contrôle (OCC), a guidé Floribert Bwana Chui dans ses premiers pas au sein de cet organisme, à Kinshasa. A l¡¯époque, les jeunes nouvellement engagés à l¡¯OCC, affectés à ce département, lui étaient confiés pour l'encadrement, dans le cadre de leur ronde d'intégration. «Dans la vague de jeunes universitaires venus entre 2006 et 2007, figurait le tout jeune Floribert». Proche de leur bureau à Gombe, une commune de la capitale congolaise, se trouve la paroisse Sainte-Anne, qui organise deux messes chaque matin, la première pour les paroissiens, et la deuxième, «de 7h à 7h30' pour les chrétiens ayant quitté tôt leurs résidences, venus à la Gombe pour le travail, et qui profitent pour prier avant le boulot». «C'est donc là où nous commencions notre journée avec Floribert et faisions les pieds de là jusqu'au bureau», témoigne Désiré Pengele.
Une «amitié spirituelle», au-delà des relations du travail
Cette «amitié spirituelle» était ainsi née, et allait au-delà de la simple relation de travail. «Floribert avait toujours des bouquins sur lui et lisais beaucoup, il était discret et apprenait beaucoup, me demandant souvent tel ou tel document». Il continua avec ce rythme quand il repartit à Goma, de suite d¡¯une mutation pour convenance personnelle, où il mourut. Le week-end ayant précédé sa mort, Désiré témoigne avoir fait un rêve, «dans la nuit de dimanche à lundi», où «Floribert me disait, par trois fois: "Pengele, tiens fort''». N¡¯ayant rien compris du tout, le lundi, tôt le matin, l¡¯ancien encadreur tenta d¡¯appeler par son numéro de téléphone, «pensant qu'il pouvait être dans le besoin d'un document ayant trait au travail, comme il le faisait de temps en temps. Mais hélas! Le téléphone ne sonnait pas». Arrivé au bureau, Désiré révéla son rêve «à un proche qui est encore avec nous au Département». Pendant la journée, ce collègue viendra lui dire que Floribert avait été enlevé à Goma depuis le weekend et qu¡¯il était introuvable. «Et près d'une heure après, le même collègue était revenu vers moi larmoyant et m'annonçant que Floribert avait été retrouvé mort à Goma» se souvient-il.
Seul, le chef du Département fit le déplacement de la capitale du Nord-Kivu pour assister aux obsèques. Les autres collègues demandèrent une messe à son intention. «J'ai eu à le revoir je pense deux fois en rêve. Et finalement, c'est fut à ma grande joie d¡¯apprendre que le Saint Père François l¡¯avait élevé au rang de Serviteur de Dieu, et après, qu'il sera béatifié». «Au bureau ou à la cité, j'ai toujours parlé de Floribert. Que Floribert prie pour notre pays, pour notre jeunesse et pour notre entreprise l'Office Congolais de Contrôle», qui a récemment demandé une messe pour lui, conclut Désiré Pengele.
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