ĐÓMAPµĽş˝

L'Ă©glise grecque orthodoxe de Saint Élie,  dans le quartier de Dwelaa, après l'attentat-suicide du 22 juin 2025. L'Ă©glise grecque orthodoxe de Saint Élie, dans le quartier de Dwelaa, après l'attentat-suicide du 22 juin 2025.  (AFP or licensors)

Attentat dans une église de Damas: «une épreuve qui confirmera notre foi»

Un homme a ouvert le feu sur des fidèles, avant de se faire exploser, lors de la messe célébrée dimanche soir à l'église grecque-orthodoxe Saint-Elie, dans le quartier de Dwelaa, faisant au moins 25 morts et plus de 60 blessés. «Nous sommes un peuple fatigué, nous voulons vivre dans le calme, et voilà qu’un lieu de paix est devenu un lieu de peur», nous confie une religieuse sur place. Les autorités accusent un membre du groupe État islamique. «Seigneur, pardonne-leur», lance sœur Jihane.

Marie Duhamel et Myriam Sandouno - Cité du Vatican

Ce lundi 23 juin, sĹ“ur Jihane rejoindra des familles accablées qui patientent et pleurent depuis la veille au soir dans les couloirs de l’hôpital al Mujtahid. Elle se rend aux chevets de deux de ses élèves, blessés lors de l’attentat-suicide qui a visé les fidèles grec-orthodoxes de l’église Saint-Élie, dans le quartier de Dwelaa à Damas.

«Entre 350 et 400 personnes étaient à l’église pour la messe. Depuis l’extérieur, le kamikaze a commencé à tirer sur tous ceux qui se trouvaient devant lui», rapporte la religieuse, directrice de l’école chrétienne al-Riyaha à Damas. L’homme aurait avancé dans la nef, en menaçant de faire exploser une grenade qu’il tenait en main. Plusieurs fidèles se seraient alors précipités pour tenter de l’arrêter, avant qu’il active sa ceinture explosive. «Nos maris ont volé avec lui. Qu’est-ce qu'ils veulent de plus que ça ? Nos maris n’avaient jamais tué, ni même une fourmis. Pourquoi ? Nous sommes chrétiens, nous prions notre Dieu tous les jours. Nous ne sommes pas des mécréants. Qu’est ce qu'ils veulent ?», a expliqué en larmes la femme d’une victime à Manon Chapelain, notre correspondante à Damas.

Le reportage de notre correspondante Manon Chapelain à Damas.
Des forces de sécurité près de l'église Saint-Joseph, dans le quartier de Bab-Sharqi, au lendemain de l'attentat.
Des forces de sécurité près de l'église Saint-Joseph, dans le quartier de Bab-Sharqi, au lendemain de l'attentat.

Des messes suspendues

Les nouvelles autorités syriennes ont confirmé l’attentat-suicide commis selon elles par un membre affilié au groupe État islamique, qui a perdu le califat autodésigné de 2014 mais reste actif dans le désert syrien. Le président intérimaire syrien Ahmad al-Chareh a promis lundi de traduire en justice les personnes impliquées dans l'attentat «odieux». Hier, le ministre syrien des Affaires étrangères dénonçait «une tentative désespérée de saper la coexistence nationale et déstabiliser le pays», tandis que le patriarcat orthodoxe de Damas exhorte les nouvelles autorités de Damas à «assumer l'entière responsabilité» de cette attaque, les pressant d’assurer «l’inviolabilité des églises et la protection de tous les ressortissants du pays».

«On veut qu’il y ait une certaine pression pour qu’on ait la sécurité, un peu de paix. On a vécu tant d’année de guerre, le séisme, la pauvreté. On est un peuple plus que fatigué. Les gens vont à l’église, épuisés de tout. On prie pour la paix. Mais le lieu de paix est devenu un lieu de peur» déplore sĹ“ur Jihane. Elle se fait l’écho des craintes accrues qui commencent à envahir la communauté chrétienne.

Seigneur, pardonne-leur

«Avant, nous dit-elle, il y avait des attentats, des explosions, mais c’était dans la rue, pas comme aujourd’hui. Ici, les chrétiens étaient visés. Maintenant tout le monde à la frousse. Il y a des rumeurs indiquant que d’autres attentats pourraient avoir lieu visant des églises». Elle rapporte que les célébrations de messe ont été suspendues.

Mais, rappelle sĹ“ur Jihane, «notre Église est bâtie sur le sang des martyrs», et si les chrétiens vivent leur foi au quotidien, celle-ci se consolide dans les épreuves. «C’est l’épreuve, comme cet acte terroriste qui vérifie la qualité de notre foi», explique la religieuse citant saint-Paul. «Cela peut-être paradoxal mais c’est comme ça». Les chrétiens, assure-t-elle, continueront à espérer que la vie est plus forte que la mort, que «notre Dieu est le Dieu de la vie, de la résurrection et non le Dieu des morts». Elle invoque enfin les mots de Jésus, en demandant au Seigneur de pardonner à ceux qui sèment la terreur et font couler le sang. 

Le témoignage de sĹ“ur Jihane à Damas.

Condamnations internationales

Cette attaque a ému aux delà des frontières syriennes. L’émissaire de l’ONU pour la Syrie a exprimé son indignation et appelé à une enquête approfondie. La Turquie condamne l’attaque «perfide» visant à «semer le chaos». Les États-Unis qui viennent d’inaugurer leur nouvelle ambassade à Damas, dénoncent un «acte de lâcheté qui n’a pas sa place dans la nouvelle  société de tolérance et d’inclusion que les syriens sont en train de tisser». La France rappelle «son engagement en faveur d'une transition en Syrie qui permette aux Syriens et aux Syriennes, quelle que soit leur confession, de vivre en paix et en sécurité dans une Syrie libre, unie, plurielle, prospère, stable et souveraine». L'UE qui «condamne fermement» elle aussi l’attentat, estime qu’il «rappelle avec gravité la nécessité d'intensifier les efforts contre la menace terroriste et d'assurer la défaite durable de Daech et d'autres organisations terroristes».

Le groupe État islamique n’a pas revendiqué l’attentat-suicide, ce qu’il avait fait en mai alors qu’il s’en prenait pour la première fois aux nouvelles forces gouvernementales.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

23 juin 2025, 15:40