Comment Jorge Bergoglio est devenu François
Vatican News
Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, la capitale, en Argentine. Ses parents sont tous les deux immigrés italiens. Sa mère (deuxième génération) et son père (1ère génération) se sont rencontrés dans la paroisse salésienne d’Amalgro qui accueille les nouveaux arrivés italiens. Jorge est l’ainé de cinq enfants (trois garçons, deux filles). Sa grand-mère Rosa (membre de l’action catholique naissante en Italie) prend soin de lui dans sa prime jeunesse. Elle lui transmet la langue italienne et la foi, se charge de son éducation religieuse.
Vers 7 ans, Jorge Bergoglio demande à une petite voisine de l’épouser, sinon il deviendra prêtre. À 12 ans, alors qu’il est en pensionnat chez les salésiens, il se pose la question de sa vocation à la prêtrise. Au lycée, il aide ses camarades à faire leur devoirs, mais aussi propose de les accompagner quand ils n’ont pas été baptisés.
À 17 ans, l’appel en la solennité de saint Matthieu. Le 21 septembre 1953 alors qu’il s’apprête à rejoindre ses amis, il ressent le besoin de se rendre dans sa paroisse de San Jose à Flores. Il se confesse à un prêtre qu’il ne connait pas, il ressort différent. «Là, ma vie a changé. J’ai entendu cet appel à devenir prêtre et religieux».
Il confiera plus tard: «Dans les moments plus durs, la mémoire de cette première rencontre m’a beaucoup aidé, parce que le Seigneur nous rencontre toujours définitivement, le Seigneur n’entre pas dans la culture du provisoire: il nous aime pour toujours, il nous accompagne pour toujours.» (audience 18 sept 2015) Il suit des études secondaire en chimie dans l’agroalimentaire. Il apprend à travailler auprès d’une réfugiée politique paraguayenne, qui sera plus tard, une des premières mères de la place de mai.
Il doit interrompre sa première année d’étude au séminaire diocésain de Villa Devoto pour se faire opérer. On lui retire un lobe de poumon. Lors d’un séjour de repos chez les salésiens, il décide de se tourner vers la Compagnie de Jésus. Il entre au noviciat le 11 mars 1958.
«Trois choses m’ont frappé dans la Compagnie: le caractère missionnaire, la communauté et la discipline. C’est curieux parce que je suis vraiment indiscipliné de naissance. Mais leur discipline, la manière d’ordonner le temps, m’ont tellement frappé! Et puis la communauté est pour moi vraiment fondamentale.» (Itv accordée à Antonio Spadaro en septembre 2013)
La Compagnie l’envoie étudier au Chili où il découvre la «grande pauvreté». Dans une lettre adressée à sa petite sÅ“ur de 11 ans (ils viennent de perdre leur père), il parle de ses enfants de 8 ans à qui il donne des cours de catéchisme et qui arrivent parfois sans chaussure ou affamés. Il évoque une vielle dame qui rêve d’une couverture. «Et le pire de tout, c'est qu'ils ne connaissent pas Jésus. Ils ne le connaissent pas parce que personne ne leur en a parlé».
En 1963, il revient en Argentine, étudie la philosophie au collège jésuite de San Miguel avant de devenir lui-même professeur. Il enseigne les lettres et la psychologie à des adolescents au collège de l’Immaculée conception à Santa Fe, puis au collège du Sauveur à Buenos Aires. Il reprend ensuite ses études et se diplôme en théologie.
Le 13 décembre 1969, il est ordonné prêtre. « Je crois en mon histoire, qui a été traversée par le regard d'amour de Dieu. Et j'espère la surprise de chaque jour à travers laquelle se manifesteront l’amour, la force, la trahison et le péché, qui m’accompagneront jusqu’à la rencontre définitive avec ce visage merveilleux, dont j'ignore les traits, car il ne cesse de m'échapper, mais que je veux connaître et aimer», écrit-il alors dans sa profession de foi.
Après une année de retraite en Espagne, il prononce ses vÅ“ux perpétuels le 22 avril 1973. On lui confie le noviciat des jésuites à San Miguel. Il enseigne à la faculté de théologie.
Le 31 juillet 1973, à seulement 36 ans, il est élu provincial des jésuites d’Argentine. Il le sera pendant 6 ans à une période difficile: manque de vocation, manque d’argent, divisée sur la théologie de la libération, et surtout il y a le coup d’état en 1976.
Il prend des décisions fermes, et admet avoir géré ses troupes de manière «autoritaire». Il décide de vendre des bâtiments, de renoncer à la faculté de Cordoba et de recentrer la mission de sa province, non sur l’enseignement mais sur l’évangélisation. Il prend toutefois ses distance avec la théologie de la libération et demande aux séminaristes d’accompagner les populations pauvres, en se tenant éloignés de toute organisation syndicale ou politique.
Orlando Yorio et Franz Jalics: le nom de deux prêtres qui ont été torturés pendant trois mois à l’ESMA (école supérieur de mécanique et de la marine). Un détracteur de Jorge Bergolgio, proche des Kirchner a accusé le Pape au lendemain de son élection de les avoir livrés aux miliaires. Conviction partagée par Yorio, mais plus par Jalics. Refusant de prendre des distances avec des militants de leur bidonville, les deux jésuites ont voulu créé leur ordre… ce qui a été refusé. Bergoglio les a avertis à plusieurs reprises avant qu’il ne se fasse à leur tour enlever. Il se serait mobilisé pour obtenir leur libération. Demandant des audiences aux autorités et substituant même le prêtre de Jorge Rafael Videla pour lui parler directement. 3 mois plus tard, les deux prêtres ont été retrouvés vivants, ce qui n’est pas le cas de tant des personnes alors portées «disparues».
Ses décisions et sa gestion de la province n’ont pas laissé indifférents, provoquant de vives animosités autant qu’un vif enthousiasme.
Après 6 ans à la tête de la province des jésuites. Il est nommé recteur de San Miguel, entre 1980 et 1986. Dans un article paru en 1985 dans le journal El Littoral, la journaliste Virginia Carreño parle des «miracles du père Bergoglio». A San Miguel, les vocations se sont multipliées. Il fait étudier l’histoire de l’Argentine et la religiosité populaire à ses séminaristes. Ces derniers doivent étudier, mais aussi nourrir les cochons qui, à terme, seront servis le dimanche aux enfants pauvres des environs à qui ils font le catéchisme, pour qu’ils mangent de la viande. Au terme de son rectorat, il n’y a plus une mais 5 paroisses. Jorge Bergoglio est recteur mais il reste le curé de la paroisse Saint Joseph, et prend part aux tâches ménagères ou de cuisine. A San Miguel, il crée une des plus grandes bibliothèques de théologie d’Amérique latine. Son rectorat s’achève par une grande conférence sur l’évangélisation et l’inculturation des peuples. Le cardinal Quarracino y prend part.
En 1986, Jorge Bergoglio se rend en Allemagne pour terminer sa thèse de doctorat sur Romano Guardini, un théologien italien naturalisé allemand spécialiste du mouvement liturgique et de l’action pastorale. Il fut le professeur de Joseph Ratzinger à Munich.
En Allemagne, Jorge Bergoglio découvre dans une église de Bavière la Vierge qui défait les nÅ“uds. La représentation ne le quittera plus. Il la fait reproduire en Argentine, grave des médailles et l’imprime sur son livret d’ordination épiscopale.
De retour en Argentine, il devient simple professeur au collège du Sauveur à Buenos Aires, pour quelques mois. La Compagnie de Jésus l’envoie à Cordoba où il devient directeur spirituel et confesseur.
Le jésuite publie Meditaciones para religiosos (1982), Reflexiones sobre la vida apostólica (1986) et Reflexiones de esperanza (1992).
Le cardinal Antonio Quarracino, archevêque de Buenos Aires, le rappelle dans la capitale argentine. Il ira jusque Rome pour convaincre saint Jean-Paul II de le nommer évêque titulaire d’Auca et auxiliaire de Buenos Aires. Il sera ordonné évêque le 27 juin 1992. Mgr Bergoglio choisit comme devise Miserando atque eligendo et insère dans son blason le christogramme IHS, symbole de la Compagnie de Jésus.
Il est immédiatement nommé vicaire épiscopal de la zone Flores. Il «arpentera» les rues de son quartier d’enfance, à l’écoute de ses prêtres et de leur méthode d’évangélisation. Un an plus tard, il reçoit également la charge de vicaire général de l’archidiocèse (3 millions de fidèles). Le 3 juin 1997, il est promu archevêque coadjuteur de Buenos Aires. A la mort du cardinal Quarracino, moins de neuf mois plus tard, il lui succède le 28 février 1998 comme archevêque, primat d’Argentine et ordinaire pour les fidèles de rite oriental résidant dans le pays et dépourvus d’ordinaire de leur propre rite.
En tant qu’archevêque, il pense à un projet missionnaire centré sur la communion et sur l’évangélisation. Les quatre objectifs principaux sont: des communautés ouvertes et fraternelles ; participation active d’un laïcat conscient ; évangélisation adressée à tous les habitants de la ville ; assistance aux pauvres et aux malades. Il vise à réévangéliser Buenos Aires, «en tenant compte de ceux qui y vivent, de sa configuration, de son histoire».
Des jeunes se mettent au service des sans-abris pendant les Nuits de la Charité, la Caritas y travaille tout au long de l’année. Les catéchistes doivent accompagner les enfants et insuffler de l’espoir aux personnes âgées isolées et démunies. Quant aux prêtres, «leur téléphone ne doit jamais rester sur messagerie trop longtemps». Il leur recommande la miséricorde et le courage apostolique. Le dimanche, Mgr Bergoglio prend le bus pour ouvrir à ceux qui attendent aux portes du sanctuaire près de la capitale. Il visite les maisons de retraite, les malades, les prisonniers et se rend dans les bidonvilles de la ville, désertés des figures publiques.
«L’ombre de la dislocation sociale pointe à l’horizon», lance-t-il lors du Te Deum de 1999 devant le président Menem. Père de tous, il ne prend parti pour personne. Il entretient un rapport exigeant avec les politiques argentins, tous appelés à faire davantage pour servir le bien commun.
En 2001, lors du Consistoire du 21 février, Jean-Paul II le crée cardinal, lui assignant le titre de San Roberto Bellarmino. Il invite alors les fidèles à ne pas se rendre à Rome pour fêter sa barrette pourpre, et à destiner l’argent du voyage aux pauvres.
En octobre 2001, il est nommé rapporteur général adjoint à la Xe assemblée générale ordinaire du synode des évêques, consacrée au ministère épiscopal. Une tâche qui lui est confiée au dernier moment, l’archevêque de New York est contraint de rester dans son pays en raison des attaques terroristes du 11 septembre. Dans son intervention, il souligne la mission de l’évêque consiste à veiller sur son troupeau. «Je veux ici souligner cette profondeur que possède le fait de veiller par rapport au fait de superviser qui est plus général ou à une vigilance qui est plutôt quelque chose d’occasionnel. Superviser fait référence à la sauvegarde de la doctrine et des coutumes, par contre veiller cherche plutôt à ce qu’il y ait sel et lumière dans les cÅ“urs. La vigilance fait référence au fait d’être alerte face à un danger imminent, tandis que veiller fait référence au fait de supporter avec patience les processus dans lesquels le Seigneur met en gestation le salut de son Peuple.»
Lors du synode, il évoque déjà son attachement à saint Joseph, qui veille sur l’Enfant et la Mère, jusque même en songe, avec la tendresse du serviteur fidèle et discret qui joue le rôle du Père. Jorge Bergoglio confie ses tâches au saint Joseph dormant.
En Argentine, l’année 2001 est celle de la faillite de l’État. L’Église est appelée à l’aide ; elle sera garante de la «table de dialogue» réunissant les acteurs sociaux et politiques. L’archêveque de Buenos Aires, «en s’abstenant avec modestie d’occuper le devant de la scène», fut une des «figures providentielles», des «personnalités gigantesques», qui ont permis d’éviter une «dislocation totale» du pays, affirmera plus tard le président Duhalde.
En décembre 2002, en pleine seconde intifada, il réunit deux amis dans la cathédrale pour une accolade symbolique: le rabbin Abraham Skorka, recteur du séminaire rabbinique latino américain, et Omar Abboud de l’Institut pour le dialogue interreligieux de Buenos Aires.
En 2004, un incendie coûte la vie à 194 jeunes réunis pour un concert de rock dans la capitale argentine. Le cardinal Bergoglio passe la nuit à proximité de la salle de concert, à consoler les victimes, à prier pour elles, à donner l’extrême onction.
A partir de 2005, il anime «Biblia, diálogo actual», une série de 30 émissions de télévision sur Canal 21, la chaîne de l’archidiocèse ; un temps de dialogue avec le rabbin Skorka et un ami protestant, Marcelo Figueroa, pour parler, à la lumière des Écritures, de la joie, du pardon, etc.
En Amérique latine, sa figure devient toujours plus populaire. Cependant, il ne perd pas la sobriété de son caractère et son style de vie rigoureux, que certains définissent presque «ascétique». C’est dans cet esprit qu’en 2002, il refuse la nomination comme président de la Conférence épiscopale argentine, mais trois ans plus tard, il est élu, puis reconfirmé pour un nouveau triennat en 2008.
Entre temps, en avril 2005, il participe au Conclave au cours duquel est élu Benoît XVI. Des voix se seraient portées sur son nom.
Lors de la Vème Conférence d’Aparecida, lancée en mai 2007 par Benoît XVI au Brésil, il reformule l’option préférentielle pour les pauvres en parlant pour la première fois de «périphéries géographiques, sociales et existentielles». Il défend un Église en sortie: «Nous ne pouvons pas rester tranquilles en espérant passivement dans nos temples, au contraire, il est urgent d’aller dans toutes les directions pour proclamer que le mal et la mort n’ont pas le dernier mot, que l’amour et plus fort, que nous avons été libérés et sauvés par la victoire pascale du Seigneur de l’histoire». (Document final d’Aparecida , n°547. Un tournant missionnaire est pris en Amérique latine.
En 2009, Il crée un vicariat pour les villas, pour encadrer le travail des prêtres dans les bidonvilles de Buenos Aires, et lance au niveau national la campagne de solidarité pour le bicentenaire de l’indépendance du pays: deux cents Å“uvres de charité à réaliser d’ici 2016. Il manifeste son soutien aux cartoneros ou aux victimes de la traite. Si l’on suit le Christ, l’on comprend que «piétiner la dignité d’une personne est un péché grave».
Lorsque Benoît XVI renonce au siège de Pierre, il salue la «grande beauté, la simplicité et la profondeur» de son magistère, prend acte de la décision «très réfléchie devant Dieu».
Jusqu’au début de la vacance du siège apostolique, le cardinal Bergoglio était membre des Congrégations pour le culte divin et la discipline des sacrements, pour le clergé, pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique ; du Conseil pontifical pour la famille et de la Commission pontificale pour l’Amérique latine.
Le 26 février, il s’envole pour Rome pour saluer Benoît XVI avant qu’il ne se retire en prière, et prendre part au Conclave. Celui-ci est précédé par 162 interventions en congrégations générales. Lors de sa prise de parole, le cardinal Bergoglio met en garde contre l’auto-référentialité qui asphyxie l’Église. «Entendons-nous Jésus frapper de l’intérieur pour qu’on le laisse sortir ?» Il propose une attitude missionnaire d’ouverture vers les périphéries.
Dans la chapelle Sixtine, son nom s’impose sous les applaudissements. Le 13 mars 2013, le jésuite argentin devient le premier Pape du continent américain de l’histoire, il choisit le nom de François, comme le poverello »å’A²õ²õ¾±²õ±ð.
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