Voeux à la Curie: le texte intégral du discours du Pape François
Discours à la Curie Romaine
Noël 2017
Chers frères et sĆurs,
Noël est la fête de la foi dans le Fils de Dieu qui sâest fait homme pour redonner à lâhomme sa dignité filiale, perdue à cause du péché et de la désobéissance. Noël est la fête de la foi dans les cĆurs qui se transforment en mangeoire pour le recevoir, dans les âmes qui permettent à Dieu de faire germer, du tronc de leur pauvreté, le rejeton dâespérance, de charité et de foi.
Câest aujourdâhui une nouvelle occasion de nous échanger les vĆux de Noël et pour vous souhaiter à tous, à vos collaborateurs, aux représentants pontificaux, à toutes les personnes qui prêtent service à la Curie et à toutes les personnes qui vous sont chères un saint et joyeux Noël et une heureuse Année nouvelle. Que ce Noël nous ouvre les yeux pour abandonner le superflu, le faux, le mauvais, le factice, et pour voir lâessentiel, le vrai, le bon et lâauthentique. Vraiment, tous mes vĆux !
Chers frères,
Ayant parlé précédemment de la Curie ad intra, je désire cette année partager avec vous quelques réflexions sur la réalité de la Curie ad extra, câest-à-dire la relation de la Curie avec les Nations, avec les Eglises particulières, avec les Églises Orientales, avec le dialogue Ćcuménique, avec le Judaïsme, avec lâIslam et les autres religions, câest-à-dire avec le monde extérieur.
Mes réflexions se fondent certainement sur les principes canoniques de base de la Curie, sur lâhistoire même de la Curie, mais aussi sur la vision personnelle que jâai cherché à partager avec vous dans les discours de ces dernières années, dans le contexte de lâactuelle réforme en cours.
Et parlant de la réforme me vient à lâesprit lâexpression sympathique et significative de Mgr Frédéric-François-Xavier De Mérode : «faire les réformes à Rome câest comme nettoyer le Sphinx dâÉgypte avec une brosse à dents».[1] Ceci met en évidence combien il faut de patience, de dévouement et de délicatesse pour atteindre cet objectif, dans la mesure où la Curie est une institution ancienne, complexe, vénérable, composée dâhommes provenant de diverses cultures, langues et constructions mentales, et que, structurellement et depuis toujours, elle est liée à la fonction de primauté de lâEvêque de Rome dans lâEglise, câest-à-dire à lâoffice âsacréâ voulu par le Christ Seigneur lui-même pour le bien de tout le corps de lâEglise (ad bonum totius corporis).[2]
Lâuniversalité du service de la Curie provient donc et jaillit de la catholicité du Ministère pétrinien. Une Curie fermée sur elle-même trahirait lâobjectif de son existence et tomberait dans lâautoréférentialité, se condamnant à lâautodestruction. La Curie, ex natura, est projetée ad extra parce que et en tant que liée au Ministère pétrinien, au service de la Parole et de lâannonce de la Bonne Nouvelle : le Dieu Emmanuel qui naît parmi les hommes, qui se fait homme pour montrer à tout homme sa proximité viscérale, son amour sans limites et son désir divin que tous les hommes soient sauvés et parviennent à jouir de la béatitude céleste (Cf. 1Tm 2, 4) ; le Dieu qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants (Cf. Mt 5, 45) ; le Dieu qui nâest pas venu pour être servi mais pour servir (Cf. Mt 20, 28) ; le Dieu qui a constitué lâÉglise pour être dans être dans le monde, mais non pas du monde, et pour être un instrument de salut et de service.
Pensant, justement, à cette finalité ministérielle, pétrinienne et curiale, câest-à-dire de service, en saluant récemment les Pères et les Chefs des Églises Orientales Catholiques[3] jâai eu recours à lâexpression de âprimat diaconalâ, renvoyant tout de suite à lâimage chère à Saint Grégoire le Grand de Servus servorum Dei. Cette définition, dans sa dimension christologique, est avant tout expression de la ferme volonté dâimiter le Christ, lequel a pris la condition de serviteur (Cf. Ph 2, 7). Benoît XVI, quand il en a parlé, a dit que sur les lèvres de Grégoire cette phrase nâétait pas «une formule pieuse, mais la manifestation véritable de son mode de vivre et dâagir. Il était intimement frappé par lâhumilité de Dieu, qui en Christ sâest fait notre serviteur, qui a lavé et lave nos pieds sales».[4]
Une attitude diaconale analogue doit caractériser aussi tous ceux qui, à des titres divers, travaillent dans le cadre de la Curie romaine laquelle, comme le rappelle également le Code de Droit Canonique, agissant au nom et avec lâautorité du Souverain Pontife «accomplit sa fonction pour le bien et le service des Églises» (CIC c. 360 ; cf. CCEO c. 46).
Primat diaconal ârelatif au Papeâ ;[5] et tout autant diaconal, par conséquent, est le travail qui sâaccomplit à lâintérieur de la Curie romaine, ad intra, et à lâextérieur, ad extra. Ce thème de la diaconie ministérielle et curiale me renvoie à un ancien texte de la Didascalia Apostolorum où lâon affirme : «Que le diacre soit lâoreille et la bouche de lâEvêque, son cĆur et son âme»,[6] puisque à cette concorde sont liées la communion, lâharmonie et la paix dans lâÉglise, car le diacre est le gardien du service dans lâEglise.[7] Je ne crois pas que ce soit par hasard que lâoreille, organe de lâaudition, soit aussi celui de lâéquilibre ; et que la bouche, organe du goûter, celui de la parole.
Un autre texte ancien ajoute que les diacres sont appelés à être comme les yeux de lâEvêque.[8] LâĆil regarde pour transmettre les images à lâesprit, lâaidant à prendre les décisions et à diriger pour le bien de tout le corps.
La relation que lâon peut déduire de ces images est celle de communion dâobéissance filiale pour le service du peuple saint de Dieu. Il ne fait pas de doute, ensuite, que telle doit être aussi celle qui existe entre tous ceux qui travaillent dans la Curie romaine, des Chefs de Dicastères et des Supérieurs, aux officiers et à tous. La communion avec Pierre renforce et stimule la communion entre tous les membres.
De ce point de vue, lâappel aux sens de lâorganisme humain aide à avoir le sens de lâextraversion, de lâattention à ce quâil y a dehors. Dans lâorganisme humain, en effet, les sens sont notre premier lien avec le monde ad extra, ils sont comme un pont vers lui ; ils sont notre possibilité de nous mettre en relation. Les sens nous aident à percevoir le réel et également à nous mettre dans le réel. Ce nâest pas par hasard que saint Ignace a recours aux sens dans la contemplation des Mystères du Christ et de la vérité.[9]
Ceci est très important pour dépasser cette logique déséquilibrée et dégénérée des complots et des petits cercles qui, en réalité, représentent â malgré toutes leurs justifications et leurs bonnes intentions â un cancer qui conduit à lâautoréférentialité, qui sâinfiltre aussi dans les organismes ecclésiastiques en tant que tels, et en particulier chez les personnes qui y travaillent. Mais quand cela se produit, la joie de lâEvangile, la joie de communiquer le Christ et dâêtre en communion avec lui, se perd ; la générosité de notre consécration se perd (cf. Ac 20, 35 et 2Co 9, 7).
Permettez-moi de dire ici deux mots sur un autre danger, celui de ceux qui trahissent la confiance ou de ceux qui profitent de la maternité de lâEglise, câest-à-dire les personnes qui sont choisies soigneusement pour donner une plus grande vigueur au corps et à la réforme, mais â ne comprenant pas la hauteur de leur responsabilité â se laissent corrompre par lâambition ou par la vaine gloire ; et lorsquâelles sont délicatement renvoyées sâauto-déclarent faussement martyres du système, du âPape qui nâest pas informéâ, de la âvieille gardeâ⊠au lieu de dire le âmea culpaâ. A côté de ces personnes, il y en a ensuite dâautres qui travaillent encore à la Curie, à qui lâon donne tout le temps pour reprendre le juste chemin, dans lâespérance quâelles trouvent dans la patience de lâEglise une chance pour se convertir et non pour en profiter. Cela, évidemment, sans oublier la très grande majorité des personnes fidèles qui y travaillent avec un louable engagement, fidélité, compétence, dévouement et aussi beaucoup de sainteté.
Il est opportun, alors, revenant à lâimage du corps, de mettre en évidence que ces âsens institutionnelsâ, auxquels on pourrait dâune certaine manière comparer les Dicastères de la Curie romaine, doivent opérer de manière conforme à leur nature et à leur finalité : au nom et avec lâautorité du Souverain Pontife, et toujours pour le bien et le service des Eglises.[10] Ils sont appelés à être dans lâEglise comme de fidèles antennes sensibles : émettrices et réceptrices.
Antennes âémettricesâ en tant quâhabilitées à transmettre fidèlement la volonté du Pape et des Supérieurs. Le mot âfidélitéâ[11] pour tous ceux qui travaillent près le Saint-Siège «assume un caractère particulier, du moment quâils mettent au service du Successeur de Pierre une bonne partie de leurs énergies, de leur temps et de leur ministère quotidien. Il sâagit dâune grave responsabilité mais aussi dâun don spécial, qui, avec le temps, développe un lien affectif avec le Pape, de confiance intérieure, un sentir avec naturel, qui est bien exprimé par la parole âfidélitéâ».[12]
Lâimage de lâantenne renvoie aussi à lâautre mouvement, inverse, celui du ârécepteurâ. Il sâagit de recueillir les requêtes, les questions, les demandes, les cris, les joies et les larmes des Eglises et du monde pour les transmettre à lâEvêque de Rome afin de lui permettre dâassurer plus efficacement son devoir et sa mission de «principe et fondement perpétuel et visible dâunité de la foi et de communion»[13]. Par cette réceptivité, qui est plus importante que lâaspect de donner des préceptes, les Dicastères de la Curie Romaine entrent généreusement dans ce processus dâécoute et de synodalité dont jâai déjà parlé.[14]
Chers frères et soeurs,
jâai eu recours à lâexpression âprimat diaconalâ, à lâimage du Corps, des sens et de lâantenne pour expliquer que pour atteindre vraiment les espaces où lâEsprit parle aux Églises (câest-à-dire lâhistoire) et pour réaliser le but de lâagir (le salus animarum) il sâavère nécessaire même indispensable, de pratiquer le discernement des signes des temps[15], la communion dans le service, la charité dans la vérité, la docilité à lâEsprit et lâobéissance confiante aux Supérieurs.
Il est peut-être utile de rappeler ici que les noms mêmes des différents Dicastères et des Bureaux de la Curie romaine laissent entendre quelles sont les réalités en faveur desquelles ils doivent opérer. Il sâagit, à bien regarder, dâactions fondamentales et importantes pour toute lâÉglise et je dirais pour le monde entier.
LâĆuvre de la Curie étant vraiment très vaste, je me limiterai cette fois à vous parler génériquement de la Curie ad extra, câest-à-dire de quelques aspects fondamentaux, sélectionnés, à partir desquels il ne sera pas difficile, dans un proche avenir, dâénumérer et dâapprofondir les autres domaines de lâaction de la Curie.
La Curie et le rapport avec les Nations :
Dans ce domaine joue un rôle fondamental la Diplomatie vaticane qui est la recherche sincère et constante de faire en sorte que le Saint Siège soit un constructeur de ponts, de paix et de dialogue entre les Nations. Etant une Diplomatie au service de lâhumanité et de lâhomme, de la main tendue et de la porte ouverte, elle sâengage à écouter à comprendre, à aider, à soulager et à intervenir rapidement et avec respect dans nâimporte quelle situation pour rapprocher les distances et pour tisser la confiance. Lâunique intérêt de la Diplomatie vaticane est celui dâêtre libre de nâimporte quel intérêt mondain ou matériel.
Le Saint-Siège est donc présent sur la scène mondiale pour collaborer avec toutes les personnes et les Nations de bonne volonté et pour toujours rappeler lâimportance de garder ânotre maison communeâ de tout égoïsme destructeur ; pour affirmer que les guerres apportent seulement mort et destruction ; pour retenir du passé les enseignements nécessaires qui nous aident à mieux vivre le présent, à construire de manière solide lâavenir et à le protéger pour les nouvelles générations.
Les rencontres avec les Chefs des Nations et avec les différentes Délégations, ainsi que les Voyages apostoliques en sont le moyen et lâobjectif.
Voilà pourquoi a été constituée la Troisième Section de la Secrétairerie dâEtat, avec la finalité de montrer lâattention et la proximité du Pape et des Supérieurs de la Secrétairerie dâEtat au personnel diplomatique di ruolo et aussi aux religieux et aux religieuses, aux laïcs/laïques qui travaillent dans les Représentations pontificales. Une Section qui sâoccupe des questions afférentes aux personnes qui travaillent dans le service diplomatique du Saint-Siège ou qui sây préparent, en étroite collaboration avec la Section pour les Affaires Générales et avec la Section pour les Relations avec les Etats[16].
Cette attention particulière se base sur la double dimension du service du personnel diplomatique di ruolo : pasteurs et diplomates, au service des Eglises particulières et des Nations où ils agissent.
La Curie et les Eglises particulières :
La relation qui lie la Curie aux diocèses et aux éparchies est de première importance. Ceux-ci trouvent dans la Curie romaine le soutien et le support nécessaire dont ils peuvent avoir besoin. Câest une relation qui se base sur la collaboration, sur la confiance et jamais sur la supériorité ou sur lâadversité. La source de cette relation est dans le décret conciliaire sur le ministère pastoral des évêques, où est expliqué plus amplement que le travail de la Curie est mené âà lâavantage des Églises et au service des pasteurs sacrésâ[17].
La Curie romaine, donc, a comme point de référence non seulement lâévêque de Rome, dont elle tire son autorité, mais aussi les Eglises particulières et leurs pasteurs dans le monde entier, pour le bien desquels elle Ćuvre et agit.
Jâai fait référence à cette caractéristique de âservice du Pape et des évêques, de lâEglise universelle, des Eglises particulièresâ et du monde entier, au début de nos rencontres annuelles, quand jâai souligné que «dans la Curie romaine on apprend, âon respireâ de manière spéciale cette double dimension de lâEglise, cette compénétration entre lâuniversel et le particulier» et jâai ajouté : «je pense que câest une des expériences les plus belles de celui qui vit et travaille à Rome»[18].
Les visites ad limina apostolorum, en ce sens, représentent une grande opportunité de rencontre, de dialogue et dâenrichissement réciproque. Voilà pourquoi jâai préféré, en rencontrant les évêques, avoir un dialogue dâécoute réciproque, libre, confidentiel, sincère qui va au-delà des schémas protocolaires et de lâéchange habituel de discours et de recommandations. Le dialogue entre les évêques et les différents dicastères est également important. Cette année, en reprenant les visites ad limina, après lâannée du Jubilé, les évêques mâont confié quâils avaient été bien accueillis et écoutés par tous les dicastères. Cela me réjouit beaucoup, et je remercie les Chefs de Dicastères ici présents.
Permettez-moi aussi ici, en ce moment particulier de la vie de lâÉglise, dâattirer notre attention sur la prochaine XVème Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, convoquée sur le thème âLes jeunes, la foi et le discernement vocationnelâ. Appeler la Curie, les évêques et toute lâEglise à porter une attention spéciale à la personne des jeunes, ne veut pas dire les regarder seulement eux, mais aussi mettre au point un thème central pour un ensemble de relations et dâurgences : les relations intergénérationnelles, la famille, les domaines de la pastorale, la vie sociale⊠Le Document préparatoire lâannonce clairement dans son introduction : «lâÉglise a décidé de sâinterroger sur la façon dâaccompagner les jeunes à reconnaître et à accueillir lâappel à lâamour et à la vie en plénitude. Elle souhaite également demander aux jeunes eux-mêmes de lâaider à définir les modalités les plus efficaces aujourdâhui pour annoncer la Bonne Nouvelle. À travers les jeunes, lâÉglise pourra percevoir la voix du Seigneur qui résonne encore aujourdâhui. Comme jadis Samuel (cf. 1 S 3,1-21) et Jérémie (cf. Jr 1, 4-10), certains jeunes savent découvrir les signes de notre temps quâindique lâEsprit. En écoutant leurs aspirations, nous pouvons entrevoir le monde de demain qui vient à notre rencontre et les voies que lâÉglise est appelée à parcourir» [19].
La Curie et les Églises Orientales :
Lâunité et la communion qui dominent la relation de lâÉglise de Rome et des Églises orientales représentent un exemple concret de richesse dans la diversité pour toute lâÉglise. Celles-ci, dans la fidélité à leurs propres Traditions bimillénaires et dans lâecclesiastica communio font lâexpérience et réalisent la prière sacerdotale du Christ (cf. Jn 17)[20].
En ce sens, au cours de la dernière rencontre avec les Patriarches et les Archevêques majeurs des Eglises orientales, parlant du âprimat diaconalâ, jâai souligné aussi lâimportance dâapprofondir et de revoir la question délicate de lâélection des nouveaux Évêques et Éparques qui doit correspondre, dâune part, à lâautonomie des Églises orientales et, en même temps, à lâEsprit de responsabilité évangélique et au désir de renforcer toujours plus lâunité avec lâEglise catholique. «Tout cela, dans lâapplication la plus sincère de cette authentique pratique synodale, qui distingue les Églises dâOrient»[21]. Lâélection de tout Evêque doit refléter et renforcer lâunité et la communion entre le Successeur de Pierre et tout le collège épiscopal[22].
La relation entre Rome et lâOrient est dâun enrichissement spirituel et liturgique réciproque. En réalité, lâÉglise de Rome ne serait pas vraiment catholique sans les inestimables richesses des Églises orientales et sans le témoignage héroïque de tant de nos frères et sĆurs orientaux qui purifient lâÉglise en acceptant le martyre et en offrant leur vie pour ne pas renier le Christ[23].
La Curie et le dialogue Ćcuménique :
Il y aussi des domaines dans lesquels lâÉglise catholique, spécialement après le Concile Vatican II, est particulièrement impliquée. Parmi ceux-ci lâunité des chrétiens qui «est une exigence essentielle de notre foi, une exigence qui naît du plus profond de notre identité de croyants en Jésus Christ»[24]. Il sâagit bien dâun âcheminâ mais, comme cela a été répété plusieurs fois aussi par mes prédécesseurs, câest un chemin irréversible et non en marche arrière. âLâunité se fait en marchant, pour rappeler que quand nous marchons ensemble, câest-à-dire quand nous nous rencontrons comme des frères, quand nous prions ensemble, quand nous collaborons ensemble dans lâannonce de lâÉvangile et dans le service des derniers, nous sommes déjà unis. Toutes les divergences théologiques et ecclésiologiques qui divisent encore les chrétiens ne seront dépassées que le long de ce chemin, sans que nous sachions aujourdâhui comment et quand, mais cela aura lieu selon ce que lâEsprit Saint voudra suggérer pour le bien de lâÉglise»[25].
La Curie agit dans ce domaine pour favoriser la rencontre avec le frère, pour défaire les nĆuds des incompréhensions et des hostilités, et pour lutter contre les préjugés et la peur de lâautre qui ont empêché de voir la richesse de la et dans la diversité et la profondeur du Mystère du Christ et de lâEglise qui reste toujours plus grand que nâimporte quelle expression humaine.
Les rencontres qui ont eu lieu avec les Papes, les Patriarches et les Chefs des différentes Eglises et Communautés mâont toujours rempli de joie et de gratitude.
La Curie et le Judaïsme, lâIslam et les autres religions :
La relation de la Curie romaine avec les autres religions se base sur lâenseignement du Concile Vatican II et sur la nécessité du dialogue. «Car lâunique alternative à la civilisation de la rencontre, câest la barbarie de la confrontation»[26]. Le dialogue est construit sur trois orientations fondamentales : «le devoir de lâidentité, le courage de lâaltérité et la sincérité des intentions. Le devoir de lâidentité, car on ne peut bâtir un vrai dialogue sur lâambigüité ou en sacrifiant le bien pour plaire à lâautre ; le courage de lâaltérité, car celui qui est différent de moi, culturellement et religieusement, ne doit pas être vu et traité comme un ennemi, mais accueilli comme un compagnon de route, avec la ferme conviction que le bien de chacun réside dans le bien de tous ; la sincérité des intentions, car le dialogue en tant quâexpression authentique de lâhumain, nâest pas une stratégie pour réaliser des objectifs secondaires, mais un chemin de vérité, qui mérite dâêtre patiemment entrepris pour transformer la compétition en collaboration»[27].
Les rencontres qui ont eu lieu avec les autorités religieuses dans les différents voyages apostoliques et dans les rencontres au Vatican en sont la preuve concrète.
Voilà seulement quelques aspects, importants mais non exhaustifs, de lâaction de la Curie ad extra. Aujourdâhui jâai choisi ces aspects liés au thème du âprimat diaconalâ, des âsens institutionnelsâ et des â fidèles antennes émettrices et réceptricesâ.
Chers frères et sĆurs,
Comme jâai commencé notre rencontre en parlant de Noël comme de la fête de la foi, je voudrais la conclure en mettant en évidence que Noël nous rappelle aussi quâune foi qui ne nous met pas en crise est une foi en crise ; une foi qui ne nous fait pas grandir est une foi qui doit grandir ; une foi qui ne nous interroge pas est une foi sur laquelle nous devons nous interroger ; une foi qui ne nous anime pas est une foi qui doit être animée ; une foi qui ne nous bouleverse pas est une foi qui doit être bouleversée. En réalité, une foi seulement intellectuelle ou tiède est seulement une proposition de foi qui pourrait se réaliser quand elle arrivera à impliquer le cĆur, lââme, lâesprit et tout notre être, quand on permet à Dieu de naître et de renaître dans la mangeoire du cĆur, quand on laisse lâétoile de Bethléem nous guider vers le lieu où se trouve le Fils de Dieu, non parmi les rois et le luxe, mais parmi les pauvres et les humbles.
Angelo Silesio, dans Il pellegrino cherubico, a écrit : «Cela dépend seulement de toi : Ah, puisse ton cĆur devenir une mangeoire ! Dieu naîtrait enfant de nouveau sur la terre»[28].
Avec ces réflexions, je renouvelle mes vĆux de Noël les plus fervents à vous et à tous ceux qui vous sont chers.
Merci !
Paroles du Saint-Père après le discours à la Curie
Je voudrais, comme cadeau de Noël, vous laisser cette version en italien de lâouvrage du Bienheureux Père Marie Eugène de lâEnfant-Jésus, Je veux voir Dieu : Voglio vedere Dio. Câest une Ćuvre de théologie spirituelle, elle nous fera du bien à nous tous. Peut-être pas en la lisant tout entière, mais en cherchant dans la table des matières le point qui intéresse plus ou dont jâai le plus besoin. Jâespère que cela sera profitable à nous tous.
Et puis le Cardinal Piacenza a été bien généreux en faisant, avec le travail de la Pénitencerie, et aussi de Mgr Nykiel, ce livre : La festa del perdono, comme résultat du Jubilé de la Miséricorde ; et il a voulu aussi lâoffrir. Merci au Cardinal Piacenza et à la Pénitencerie apostolique. Ils vous donneront cela à tous à la sortie.
Merci !
[Benédiction]
Et sâil vous plaît, priez pour moi.
[1] Cf. Giuseppe Dalla Torre, Sopra una storia della Gendarmeria Pontificia, 19 ottobre 2017.
[2] « Le Christ Seigneur, pour assurer au peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Eglise des ministres variés qui tendent au bien de tout le corps », Lumen gentium n. 18.
[3] Cf. Salut aux Pères et aux Chefs des Eglises Orientales Catholiques, 9 octobre 2017.
[4] Audience générale, 4 juin 2008.
[5] Cf. Jean-Paul II, Discours à la réunion plénière du Sacré Collège des Cardinaux, 21 novembre 1985, n. 4.
[6] Didascalia 2, 44 : (Funk, 138-166) : (cf. W. Rordorf, Liturgie et eschatologie, in Augustinianum 18 [1978], 153-161 ; Id., Que savons-nous des lieux de culte chrétiens de lâépoque préconstantinienne ? in LâOrient Syrien 9 [1964], 39-60)
[7] Cf. Rencontre avec les prêtres et les personnes consacrées, Solennité de lâAnnonciation du Seigneur, Cathédrale de Milan, 25 mars 2017.
[8] â Quant aux diacres de lâEglise, quâils soient comme les yeux de lâEvêque qui savent voir tout autour, examinant les actions de chacun de lâEglise, au cas où quelquâun soit sur le point de pécher : de cette manière, prévenu par lâavertissement de celui qui préside, peut-être nâira-t-il pas au bout [de son péché] â». (Lettre de Clément à Jacques, 12 : Rehm 14-15, in I Ministeri nella Chiesa Antica, Testi patristici dei primi tre secoli a cura di Enrico Cattaneo, Edizione Paolina, 1997, p. 696).
[9] Cf. Exercices spirituels, n. 121 : « La cinquième contemplation consistera à appliquer les cinq sens sur la première et la deuxième contemplation ».
[10] Dans le commentaire de lâEvangile selon saint Matthieu de saint Jérôme on trouve une curieuse comparaison entre les cinq sens de lâorganisme humain et les vierges de la parabole évangélique, qui deviennent folles quand elles nâagissent plus selon la fin qui leur est assignée (cf. Comm. in Mt XXV : PL 26, 184).
[11] Le concept de fidélité est très exigeant et éloquent car il souligne aussi la durée dans le temps de lâengagement pris, il renvoie à une vertu qui, comme lâa dit Benoît XVI, « exprime le lien très particulier qui sâétablit entre le Pape et ses collaborateurs directs, aussi bien dans la Curie romaine que dans les Représentations pontificales ». Discours à la Communauté de lâAcadémie Pontificale ecclésiastique, 11 juin 2012.
[12] Ibid.
[13] Lumen gentium, n.18.
[14] « Une Eglise synodale est une Eglise de lâécoute, avec la conscience quâécouter âest plus quâentendreâ. Câest une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, lâEvêque de Rome, chacun à lâécoute des autres ; et tous à lâécoute de lâEsprit Saint, lââEsprit de Véritéâ (Jn 14, 17), pour savoir ce quâil âdit aux Eglisesâ (Ap 2, 7) » Discours pour le 50ème anniversaire du Synode des évêques, 17 octobre 2015.
[15] Cf. Lc 12, 54-59 ; Mt 16, 1-4 ; Conc. Oecum. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n.11 : Le peuple de Dieu, mû par la foi selon laquelle il croit quâil est conduit par lâEsprit du Seigneur qui remplit le monde, sâapplique à discerner dans les événements, les requêtes et les aspirations auxquelles il participe avec les autres hommes de notre temps, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes chose dâune lumière nouvelle et nous fait connaître le plan de Dieu au sujet de la vocation intégrale de lâhomme, et oriente ainsi lâesprit vers des solutions pleinement humainesâ.
[16] Cf. Lettre pontificale, le 18 octobre 2017 ; Communiqué de la Secrétairerie dâEtat, le 21 novembre 2017.
[17] Christus Dominus, n. 9.
[18] Discours à la Curie romaine, le 21 décembre 2013 ; cf. Homélie de Paul VI pour son 80ème anniversaire, 16 octobre 1977 : âOui, jâai aimé Rome, dans lâobsession continuelle dâen méditer et dâen comprendre le secret transcendant, incapable certainement de le pénétrer et de le vivre, mais toujours passionné, comme je le suis encore, de découvrir comment et pourquoi « le Christ est romain » (cf. Dante Alighieri, La Divine Comédie, « le Purgatoire », XXXII, 102) ⊠que votre « conscience romaine » ait elle-même pour origine la citoyenneté native de cette Ville/lâUrbs fatidique, ou bien la permanence du domicile ou lâhospitalité dont vous y jouissez ; « conscience romaine » qui a elle-même une vertu dâinfuser le sens dâun humanisme universel à qui sait le respirerâ (Insegnamenti di Paolo VI, XV 1977, 1957)
[19] Synode des évêques, XVème Assemblée générale ordinaire : Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel, Introduction.
[20] Dâune part, lâunité qui répond au don de lâEsprit, trouve sa naturelle et pleine expression dans « lâunion indéfectible avec lâEvêque de Rome » (Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente, n. 40). Et dâautre part, le fait dâêtre insérés dans la communion du Corps du Christ tout entier, nous rend conscients de devoir renforcer lâunion et la solidarité au sein des différents Synodes patriarcaux, « privilégiant toujours la concertation sur des questions de grande importance pour lâEglise en vue dâune action collégiale et unitaire » (ibid.).
[21] Paroles aux Patriarches des Eglises Orientales et aux archevêques majeurs, 21 novembre 2013.
[22] Avec les Chefs et les Pères, les Archevêques et les Evêques orientaux, en communion avec le Pape, avec la Curie et entre eux, nous sommes tous appelés âà rechercher toujours « la justice, la piété, la foi, la charité, la constance et la douceur » (cf. I Tm 6, 11) ; [à adopter] un style de vie sobre à lâimage du Christ, qui sâest dépouillé pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9) ⊠[à] la transparence dans la gestions des biens et la sollicitude envers toutes les faiblesses et les nécessitésâ, (Paroles aux Patriarches des Eglises Orientales catholiques et aux archevêques majeurs, 21 novembre 2013).
[23] Nous âvoyons tant de nos frères et sĆurs chrétiens des Eglises orientales faire lâexpérience des persécutions dramatiques et une diaspora toujours plus inquiétante⊠Su ces situations, personne ne peut fermer les yeuxâ (Homélie à lâoccasion du centenaire de la Congrégation pour les Eglises orientales et de lâInstitut pontifical oriental, Basilique de Sainte Marie Majeure, le 12 octobre 2017). âSur ces situations, personne ne peut fermer les yeuxâ (Message pour le centenaire de la fondation de lâInstitut pontifical oriental, 12 octobre 2017).
[24] Discours à la Plénière du conseil Pontifical pour la promotion de lâUnité des Chrétiens, 10 novembre 2016.
[25] Ibid.
[26] Discours aux participants à la Conférence internationale pour la paix, à lâAl-Azhar Conférence Centre, Le Caire, vendredi 28 avril 2017.
[27] Ibid.
[28] Edizione Paoline, 1989, p. 170 ; [234-235] 170 : âEs mangelt nur an dich : Ach, könnte nur dein Herz zu einer Krippe werden, Gott würde noch einmal ein Kind auf dieser Erdenâ.
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