Les femmes africaines «prises au piège» dans des industries de drone russe
Augustine Asta - Cité du Vatican
Depuis plusieurs mois, la Russie mène des attaques massives d’une ampleur inédite sur l’Ukraine. Dimanche 7 septembre, après une attaque aérienne russe, le siège du gouvernement à Kiev a été incendié. Moscou a ainsi tiré 810 drones et 13 missiles sur le pays, dont respectivement 747 et quatre ont été interceptés, selon l’armée de l’air ukrainienne.
Cette attaque aérienne la plus importante depuis le début de la guerre, est un «nouveau record» qui a été possible car la Russie a organisé son complexe militaro-industriel pour soutenir et accroître sa flotte de drones. Et c’est dans la zone économique spéciale d’Alabuga (ZES), près de Lelabouga, dans la République du Tatarstan -dans le sud-ouest de la Russie- que des milliers de drones d’attaque, de type Shahed, sont produits. D'après le Wall Street Journal près de 200 drones Shahed sont fabriqués tous les mois au Tatarstan.
Que se cache-t-il derrière l’économie des drones russes?
Un rapport établi par Global Initiative Against Transnational Organized Crime- l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI)- et publié au mois de mai dernier, affirme que la Russie a «recruté de centaines de jeunes femmes africaines pour assembler des drones kamikazes». Selon Julia Stanyard, chercheuse au sein de l'ONG et auteur du rapport, grâce à ces petites mains, principalement venues d’«Ouganda, du Mali, du Cameroun, de Sierra Leone, du Botswana, du Zimbabwe et du Nigeria ou encore du Soudan du Sud», Moscou a su développer très rapidement ses capacités de production. En se tournant vers ces jeunes femmes africaines, le Kremlin a ainsi pu intensifier ses frappes sur l’Ukraine ces derniers mois et faire face au «manque de main-d’œuvre», enregistré depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. «Beaucoup d'hommes ont été recrutés dans l'armée russe. Et ce projet d'embauche des femmes africaines vise à remplacer cette main-d'Å“uvre qu’ils ont perdu», affime Julia Stanyard.
Ces jeunes femmes africaines sont recrutés d’une manière «deceptive», regrette t-elle. Puisqu’«elles ne sont pas informées avant leur arrivée en Russie, qu'elles vont produire des drones pour l'armée russe», ajoute la chercheuse. Les usines russes attirent ces jeunes africaines âgées de 18 ans à 22 ans en leur promettant formation professionnelle et salaire avantageux, sans jamais mentionner la nature de l’emploi qui les attend. Surplace en Russie, elles se retrouvent donc «prises au piège». «Ces femmes se sont rendues en Russie, croyant que c'était un programme de travail et des études, mais ce n'est pas le cas. Elles travaillent de longues heures directement dans la production, l'assemblage de drones, sous surveillance constante», déplore-t-elle.
Aussi, ces jeunes femmes travaillent dans de conditions abusives et sont en contact avec les «produits chimiques qui sont très toxiques et affectent leur santé», préscise la chercheuse. À cela s’ajoute, la question de la securité de ces travailleuses. «Elles sont aussi une cible pour l'armée ukrainienne, parce qu’elles produisent des drones et les ukrainiens ont frappé l'usine où ces femmes travaillent plus qu'une fois», explique t-elle.
Une grande partie du recrutement de ces africaines, poursuit-elle, se fait en ligne, via des réseaux sociaux. «Des influenceurs, par exemple sur TikTok ou Instagram, font la promotion du programme». Les organisations locales parfois y contribuent aussi. Il s'agit notamment des «ONG qui sont politiquement alignées sur la Russie et font la promotion du projet». Grâce à ces offres «d'emploi frauduleuses», le rêve de nombreuses jeunes femmes africaines se transforme ainsi en cauchemar.
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