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Unicef France: «Le sans-abrisme a un impact considérable sur le droit à l'éducation des enfants»

Ils sont plus de 2 000 à être sans-abri faute de places d’hébergement d’urgence disponibles, alertent le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef France) et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) dans un baromètre publié jeudi 28 août. Cette situation «dramatique et inacceptable» pèse lourdement sur la vie et le droit à l’éducation dont jouissent ces enfants, déplore Julie Lignon, chargée de plaidoyer lutte contre la ±è²¹³Ü±¹°ù±ð³Ùé à l'Unicef France.

Augustine Asta - Cité du Vatican

Selon le baromètre annuel de l'Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité, dévoilé jeudi 28 août 2025, les enfants sont toujours plus nombreux à vivre dans la rue en France. Chaque soir, des familles qui n'ont nulle part où dormir tentent de trouver une place d'hébergement. Entretien avec Julie Lignon, chargée de plaidoyer lutte contre la pauvreté à l’UNICEF France.

À quelques jours de la rentrée scolaire, Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité dénoncent la forte hausse depuis plusieurs années du nombre d’enfants à la rue en France…concrètement quelle est l’ampleur de la situation?

Le baromètre que nous avons publié jeudi 28 août avec la Fédération des acteurs de la solidarité dévoile des chiffres en augmentation, un nombre croissant d'enfants qui sont restés sans solution d'hébergement après leurs appels au 115, le numéro d'urgence pour les personnes sans-abri. Et il se trouve que ces enfants sont sans solution d'hébergement et donc potentiellement contraints de dormir dans la rue ou dans d'autres lieux non prévus pour l'habitation, comme des squats, des bidonvilles, etc. Ce chiffre s'élève à 2 159 enfants et est en hausse de 6 % par rapport à l'an dernier et de 30 % par rapport à 2022. C’est une hausse très importante, et ce, malgré le fait que le gouvernement ait pris l'engagement de ne plus avoir aucun enfant à la rue en 2022.

Comment expliquer cette forte augmentation du nombre d'enfants à la rue en France?

Plusieurs facteurs cumulés l’expliquent. Le premier, c'est la hausse de la pauvreté. La pauvreté aujourd'hui en France, touche près de 3 millions d'enfants. C'est près de 21 % des enfants qui sont touchés par la pauvreté. Donc un enfant sur cinq. Et on constate que cette pauvreté a des effets sur directement sur le droit au logement, sur l'accès et le maintien dans le logement. On a des enfants qui sont en situation de pauvreté et qui ont des difficultés dans l'accès au logement, mais on a aussi une crise du logement qui vient constituer une barrière supplémentaire puisqu'aujourd'hui, en France, comme dans de nombreux pays de l'Union Européenne, on est dans une situation où on manque énormément de logements abordables, donc de logements sociaux. 2,8 millions de ménages sont en attente d'un logement social. Et l'on constate également des difficultés pour les familles pour se maintenir dans le logement une fois qu'elles y ont accès, avec énormément d'expulsions locatives. Quatrième et dernier facteur qui explique ce chiffre, c'est bien sûr la saturation des dispositifs d'hébergement, donc le dernier filet de sécurité qui ne fonctionne plus puisque ces dispositifs sont complètement saturés. Le nombre de places, qui est pourtant à un niveau historique de 203 000 places, n'est absolument pas suffisant pour répondre à l'ensemble des besoins. Et aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où les services intégrés d'accueil et d'orientation - les services qui se chargent de l'orientation des personnes sans abri vers les dispositifs d'hébergement- sont dans l'obligation de faire du tri dans les vulnérabilités et ne peuvent accepter tout le monde et notamment des enfants.

C’est un véritable cri d’alarme que vous avez donc lancé, d’autant plus que cette «aggravation silencieuse» du nombre des enfants sans-abri est enregistrée quasiment sur tout le territoire français...

En effet, tout le territoire français est affecté par la crise du logement. Certaines régions présentent des chiffres plus élevés. C'est notamment le cas de la région Ile-de-France, de la région Auvergne Rhône-Alpes et de la région Occitanie. Et en parallèle, on peut aussi mentionner que les chiffres relatifs aux territoires ultramarins sont largement sous-estimés dans notre baromètre. En réalité, ils ne viennent pas montrer l'ampleur du phénomène du mal-logement dans ces territoires où on estime qu'il y a d'autres chiffres. Près de trois habitants sur dix y sont touchés par le mal-logement, qui ne sont pas forcément sans domicile, mais en tout cas qui sont mal logés.

La situation est inquiétante surtout en cette veille de rentrée scolaire…

C'est particulièrement alarmant. À quelques jours de la rentrée scolaire, on a plus de 2000 enfants qui ne savent pas où ils vont dormir la veille de la rentrée. Et il faut savoir que le sans-abrisme a un impact considérable sur le droit à l'éducation des enfants, parce que de nombreux enfants sans domicile ne parviennent pas à accéder à l'école pour des raisons de refus d'inscription scolaire. Ce qui est complètement illégal. On observe aussi que les enfants ont des difficultés à se maintenir dans l'école et à poursuivre une scolarité continue. Puisqu'ils sont très mobiles, ils changent. Ils vont de squat en squat, d'hôtel en hôtel, de lieu en lieu, dans la rue. Donc c'est très difficile pour eux de poursuivre un parcours scolaire classique. Et puis c'est aussi les conditions de vie à la rue ou à l'hôtel, puisqu'on compte aussi le nombre d'enfants qui vivent à l'hôtel, donc qui sont hébergés, mais dans des conditions particulièrement dégradées pour ses enfants. Ce sont des conditions d'apprentissage qui ne sont absolument pas favorables, avec le manque d'espace pour faire les devoirs. Une exposition au bruit, à l'insalubrité qui vient bouleverser leur sommeil et qui vient affecter leur santé. Des difficultés pour s'alimenter correctement, etc.

Dans l'urgence, quelles recommandations formulez-vous?

Avec la Fédération des Acteurs de la solidarité et d'autres organisations, notamment le Collectif des Associations pour le logement, nous portons plusieurs recommandations. La première, c'est que dans l'urgence, nous demandons une loi de finances rectificative pour abonder le budget de l'hébergement d'urgence, de 250 millions d'euros, pour maintenir le parc d'hébergement à hauteur de 203 000 places, qui est l'engagement du gouvernement. Ensuite on recommande, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, qui sera discuté à l'automne au Parlement, de créer 10 000 places d'hébergement supplémentaires pour que plus aucun enfant et plus aucune famille ne dorment à la rue en France. Et puis enfin, parce que l'hébergement n'est pas une solution viable sur le long terme et que le logement, l'accès au logement doit rester une priorité, on recommande de mettre en place une programmation pluriannuelle de l'hébergement et du logement, de prévoir des moyens sur plusieurs années pour construire davantage de logements sociaux, pour engager une transformation qualitative de l'hébergement, améliorer la qualité des dispositifs d'urgence dans lesquels sont accueillis les enfants et enfin renforcer l'accompagnement des familles dans une inclusion durable. 

Entretien avec Julie Lignon, chargée de plaidoyer lutte contre la pauvreté à l’UNICEF France.

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29 août 2025, 12:16