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Joséphine Cordellier, responsable du rayonnement territorial de CetteFamille, et Josiane, résidente de la collocation de Cantaous. Joséphine Cordellier, responsable du rayonnement territorial de CetteFamille, et Josiane, résidente de la collocation de Cantaous.  Histoires d'Espérance

La colocation seniors, pour vivre mieux et sortir de l'isolement

Porté par sa foi, un jeune homme de 28 ans décide de lancer une entreprise en 2015 pour offrir aux personnes âgées une alternative à la maison de retraite ou à l'Ehpad. CetteFamille leur propose notamment de vivre en colocations, des habitations à taille humaine installées dans des villages, revigorant au passage les zones rurales.

Marie Duhamel – Cité du Vatican

«Avec cette chaleur, les tomates de monsieur Louis vont toutes devenir rouges d’un seul coup». En une phrase Josiane, 77 ans, se projette dans le futur; elle qui était jusqu’à présent terrassée par le présent. Son arrivée le 21 juillet dernier dans la colocation de Cantaous, une commune rurale de 400 habitants dans les Hautes-Pyrénées, a changé sa vie. 

«D'abord, quand je suis arrivée, j'ai senti qu'il y avait beaucoup de gentillesse de la part de tout le monde». Une voisine de tablée lui propose de jouer au domino, on lui tend un mouchoir quand elle éternue. Josiane a une liste dans son sac, elle contient les noms qu’elle veut mémoriser, celui de son kiné ou de la professeur de gymnatisque.

«Ici, explique-t-elle, on peut demander, on nous aide et ça compte beaucoup. Et je dors! Avant, je dormais peut-être deux ou trois heures par nuit, mais je ne voulais pas d'autres médicaments, pas question. Je commence même deux jours après, à bien manger. J'ai perdu 18 kilos. C’était très dur là où je me trouvais. Je veux l'oublier. Je veux être dans cette maison pour me remonter». La vieille dame y a même fait le premier gâteau au yaourt de sa vie. Sa famille en voyant la photo n’y croira pas. Et c’est ainsi, les mains dans la farine que Joséphine Cordellier, 31 ans, découvre Josiane. Son témoignage l’émeut.

Josiane, les mains dans la farine.
Josiane, les mains dans la farine.

Un accompagnement respecteux 

«On est souvent contraint d'aller en EHPAD», souligne la jeune femme qui mesure la culpabilité des aidants lorsqu’ils constatent n’avoir pas d’autre choix que d’y envoyer leurs parents. «Je veux pouvoir enlever ce poids à tout le monde. On a pas à être coupable de vouloir prendre soin de ses parents». Elle-même élevée par ses grands-parents, la jeune femme a décidé de s’engager dans l’habitat collectif, inclusif et adapté, pour les personnes en perte d’autonomie… le projet de CetteFamille. Elle est aujourd’hui en charge du rayonnement territorial de l’entreprise sociale et solidaire, créée en 2016 en Normandie pour proposer justement une alternative à l’Ehpad ou à la maison de retraite traditionnelle.

Pierre et Monique, 98 et 96 ans, ne pouvaient plus rester chez eux, mais «il était inenvisageable pour eux de partir dans une structure médicalisée, sans identité. Ils avaient peur d’y perdre leur intimité et leur façon de vivre au quotidien puisqu'ils ont leurs petites habitudes», raconte Joséphine Cordellier. Ils ont fait le choix de la collocation et viennent d’y célébrer leurs 73 ans de mariage. «Ce sont nos jeunes mariés». La jeune femme se fait aussi l’écho de l’histoire «des trois cousines» de la collocation de Montaigu en Vendée. «Elles ont 96 ans et sont toutes nées à huit jours d’écart dans le village. Pour rien au monde elles ne voulaient le quitter. Aujourd’hui, elles sont réunies et peuvent continuer à vivre leur vie normalement, participer aux tâches ménagères du quotidien, à la sélection des menus, à la cuisine, ou aux animations».

Vie spirituelle

La dimension spirituelle est aussi très importante dans les collocations de CetteFamille, sans que la foi catholique ne soit une condition d’entrée. Parce qu’il est difficile pour les personnes en perte d’autonomie de se déplacer «et d’être à l’heure à la messe du dimanche matin», des prêtres se sont rendus disponibles pour venir célébrer directement dans la collocation, ils se tiennent à leur disposition. Quand on vient de perdre sa moitié, «simplement le fait d'avoir une présence, une main sur l'épaule, de prier ensemble, c’est précieux», souligne Joséphine Cordellier.

Elle-même portée par la foi, la jeune femme se dit fière du travail accompli jusqu’à présent dans leurs colocations partagées, forte de la conviction que «lorsque quelqu'un s'occupe de nous avec amour et avec attention, qu’on mange bien, qu'on boit bien et qu'on est dans de bonnes conditions de vie, a priori, on peut rajouter de la vie aux années». Leurs doyens ont plus de cent ans, se réjouit-elle.

Moins de précarité pour les auxiliaires de vie

Dans leur colocation où vivent en moyenne entre huit et dix personnes, le suivi des personnes âgées est personnalisé, «nous offrons un accompagnement aux petits soins», explique Joséphine Cordellier, et cela est possible en raison de la présence 24 h sur 24 et sept jours sur sept d’auxiliaires de vie. Cette continuité permet un certain confort à ces personnels de santé qui, malgré «la valeur» de leur travail, opèrent «habituellement dans des conditions complexes». Fini les longs trajets en voiture pour une toilette ici et un déjeuner là-bas. «Cela permet également de recréer des emplois sur une petite commune», souligne la responsable du rayonnement territorial de CetteFamille.

Du souffle pour les villages

Car ces logements à taille humaine sont situés dans des localités à taille humaine, quasi exclusivement «au cÅ“ur de la ruralité», ce qui donne un nouveau dynamisme à des villages des quelques centaines d’habitants. La plupart de leurs nouveaux projets de CetteFamille seraient issus d'une demande des collectivités qui disposent d'une ancienne école, d’une ancienne bibliothèque, d’une ancienne gare. «Des logements dont la commune ne peut plus s'occuper car c'est une grande charge financière», en outre explique Joséphine, réhabiliter un bien existant est «plus beaucoup plus viable économiquement que de construire du neuf. Or les Ehpads tels qu'on les connait sont souvent des unités de 40 à 60 lits, qui coûtent des millions d'euros à la collectivité».

Aujourd’hui, les colocations se multiplient. De Béthune à Tarbes, CetteFamille propose 70 collocations, destinées aux personnes en perte d’autonomie physique ou cognitive. Deux habitats partagés sont par ailleurs dédiés aux personnes porteuses de handicap, notamment des jeunes atteints d'autisme.

Vue de la terrasse de la collocation de Cantaous.
Vue de la terrasse de la collocation de Cantaous.

 

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26 juillet 2025, 10:42