Les responsables religieux de France s’expriment sur la fin de vie
Paul Boyer – Cité du Vatican
L’intervention de Mgr Éric de Moulins Beaufort advient au lendemain d’une tribune de Conférence des responsables des cultes en France (CRCF) sur le projet de loi qui pourrait légaliser l’euthanasie et le suicide assisté sur le territoire français. Le Grand Rabbin de France s’est lui aussi exprimé pour défendre une position «humaniste».
S’exprimant vendredi matin sur RCF, le président de la CEF a choisi la fermeté face à un projet de loi qui représenterait une «transgression très grave». Après avoir rappelé le cadre actuel de la loi Claeys-Leonetti qui allie aux soins palliatifs la possibilité de la sédation profonde, il a tenu à bien la distinguer du projet actuel qui ferait du médecin ou d’un patient l’auteur de sa propre mort. Il ne s’agirait plus d’accompagner dans la mort, mais de faire mourir. Le communiqué de la CRCF a parlé de «rupture anthropologique», une «régression éthique, sociale, et médicale», et d’un «dévoiement de la médecine» que représenterait l’instauration de la mort comme solution médicale, dans un secteur dont l’essence même est le «soin, qui vise à soulager, sans jamais tuer».
Développer les soins palliatifs
Mgr de Moulins-Beaufort a aussi dénoncé la suppression du débat qu’engendre le président Emmanuel Macron, au nom de la «fraternité» et du moindre mal, et l’utilisation de mots qui biaisent la discussion. La mort n’est pas un «droit» mais une réalité, de même qu’il est «mensonger» de parler dans ce projet de loi d’une «mort naturelle». Il appelle à nommer l’euthanasie et le suicide assisté par leur nom. Cette clarté du débat, ainsi qu’une bonne information des Français sur la situation légale actuelle, sont les conditions de pertinence du référendum sur la fin de vie proposé par le chef de l’État français. Le président des évêques fait observer qu’il ne fallait pas oublier l’autre projet de loi sur les soins palliatifs, lui aussi en cours de discussion, pour lesquels il appelle à un investissement. Le président de la CEF défend une véritable application de la loi actuelle, «satisfaisante» selon lui, et appelle à une meilleure formation du corps médical à l’accompagnement de la fin de vie. Il rappelle qu'à l'heure actuelle, un département français sur cinq ne possède pas de soins palliatifs.
Chacun compte et mérite d’être accompagné
Mgr de Moulins-Beaufort a mis en avant le danger culturel que représente «l’aide à mourir», vocabulaire «euphémisant» selon la CRCF, qui remet en cause un fondement de la société bâtie sur l’interdiction de mettre à mort. Il dénonce aussi l'oubli dans ce débat de la dimension relationnelle de la personne humaine, qui nous relie les êtres entre eux et empêche de simplement abandonner celui qui veut mourir: «La prévention du suicide est une sorte de réflexe de nos sociétés depuis longtemps, et on est en train d’instituer la possibilité d’un suicide assisté. Il faut que nous développions une véritable fraternité». L’archevêque de Reims souligne à plusieurs reprises à quel point le «prétendu droit à mourir» risque de devenir une pression sur les personnes les plus fragiles, qui auront peur d'être un poids. «La société peut et doit dire “tu comptes”, “tu as du prix à nos yeux, et nous sommes prêts à l'accompagner», a-t-il dit.
Dans son communiqué de jeudi, la CRCF a aussi souligné la légèreté de la procédure au vu de l’enjeu irréversible qu’elle engage: «Le texte actuel permet à un seul médecin d’autoriser un acte létal, sans procédure collégiale, ni évaluation psychiatrique», avec un délai d’instruction de seulement 15 jours et de réflexion de 48 heures, «voire moins», allant à l’encontre de la recommandation de la Haute Autorité de santé.
Pour sa part, le président de la CEF a regretté la précipitation liée au fait qu’«un certain nombre de gens ont un projet sociétal sur le fait d’un droit supplémentaire à mettre fin à sa vie. […] Cela rend la société complice de cette volonté de mourir. C’est tout à fait différent d’accompagner jusqu’au bout ceux et celles qui souffrent jusqu'au bout dans la fin de leur vie», a-t-il conclu.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici