Birmanie: une semaine après le sĂ©isme, la ˛ő´Ç±ôľ±»ĺ˛ą°ůľ±łŮĂ© internationale se renforce
Augustine Asta – Cité du Vatican
De retour d’une mission à Mandalay où il a passé 36h, un expatrié français qui a requis l’anonymat, a pu observer et toucher du doigt la réalité sur le terrain. Une semaine après le violent séisme de magnitude 7,7 sur l'échelle de Richter, qui a secoué la Birmanie la situation reste encore à ce jour «très compliquée», confie-t-il, mais «on commence à y voir un peu plus clair sur les dégâts et sur les victimes», poursuit-il.
L’ampleur des dégâts, une semaine après
«Quand on est arrivé à Mandalay, on a été frappé de voir que la situation est en réalité assez contrastée», fait savoir l’expatrié. S’il est vrai que «certains bâtiments sont abîmés, craquelés», ce n'est pas non plus «un champ de ruines», fait-il savoir. En revanche, explique t-il, c'est dans la partie ouest que les pertes les plus importantes sont à relever. «Il y a des bâtiments de sept à huit étages qui ont été complètement réduits à quelques mètres de gravats, prenant au piège plusieurs dizaines de personnes», note-il.
La communauté musulmane particulierement touchée
À Mandalay, la communauté musulmane a été particulièrement touchée par cette catastrophe sismique. C’est en effet elle qui a payé le plus lourd tribut. «Le séisme a eu lieu à l'heure de la prière. À la veille de l'Aïd, et donc toutes les mosquées de la ville étaient relativement pleines». Le problème detaille-t-il, c’est qu’au cours des dernières décennies, «il y a eu tout un arsenal de restrictions des autorités birmanes vis à vis de la communauté musulmane qui rendait assez difficile la rénovation des mosquées et l'entretien un peu lourd, un peu structurel des mosquées et de ce fait, un certain nombre de mosquées à Mandalay étaient structurellement relativement fragiles et elles n'ont pas tenu le coup». D’ailleurs, note-il encore, «certains chiffres indiqués dans les médias, parlent de 700 morts au sein de la communauté musulmane, c'est à dire 50 % de tous les morts relevés dans la ville de Mandalay».
Outre Mandalay, «des dégâts spectaculaires» sont aussi répertoriés dans d'autres zones au sud du pays. «Des villes plus petites ont été touchées. Des gens ont perdu leurs maisons, leurs magasins. Il y a eu plusieurs centaines de morts», précise-t-il. «On a pu rencontrer plusieurs missions étrangères de secours qui s'affairaient dans les décombres. Ils étaient tous assez pessimistes sur les chances de trouver des survivants et les odeurs de cadavres en décomposition ont laissé entendre que les espoirs étaient relativement minces».
Une solidarité agissante
En Birmanie, «il y a une longue tradition d'entraide, de solidarité, de charité bouddhique, chrétienne, très vivace». Du coup, une forme de générosité s’organise à l’échelle locale. «Les habitants dorment dehors parce qu'ils ont peur de rentrer chez eux, mais cuisinent sur un grand feu de bois de la nourriture pour 600 personnes, qu'ils vont ensuite mettre sur une camionnette pour aller distribuer dans les camps de déplacés qui émergent dans le dans le dans la ville». Même en cette période difficile, ils sont donc nombreux à prendre le temps et l'énergie pour se consacrer aux autres. «Je trouve que c'est quand même assez inspirant», lance-t-il, avec admiration.
Mandalay, deuxième plus grande ville du pays, avec ses 1 million et demi d'habitants, a vu dans les premières heures qui ont suivi le séisme, les acteurs humanitaires mobilisés. Le réseau d'organisations de charité et les ONG ont été très réactifs. Ils ont été en quelque sorte «le fer de lance» de la réponse humanitaire. «Les grands donateurs internationaux, que ce soit les gouvernements ou les Nations unies, ont immédiatement envoyé des fonds à ces acteurs de terrain», rapporte l’expatrié français joint au téléphone. Des convois très importants de camions chargés d'aide ont convergé des quatre coins du pays vers Mandalay. «On a fait la route de Mandalay à Rangoun lundi dernier et on a croisé littéralement des centaines de véhicules, des dizaines d'ambulances. Des équipes chargées d'eau, de nourriture, de médicaments qui affluaient vers Mandalay», a-t-il indiqué. Et puis, sur le long terme, un second rideau avec «les levées de fonds des Nations unies en dizaines de millions de dollars» va fournir une réponse plus en profondeur et plus dans la durée à cette catastrophe sismique.
La réponse humanitaire
Face à l’urgence, la réponse humanitaire semble ne pas avoir de difficulté à atteindre les zones qui ont été touchées par le séisme, à quelques exceptions près. «On n'a pas entendu parler de mission onusienne ou d'ONG ou de groupes de charité qui ont été véritablement bloqués sur le terrain». Toutefois, «il y a eu un incident avec un convoi de la Croix-Rouge chinoise qui a fait l'objet de tirs de semonce de la part de l'armée. Mais d'après ce qu'on entend, c'est plus des incidents isolés qui sont plus liés à des manques de communication, des manques de coordination, voire qui sont plus liés à de l'imprudence de la part des équipes concernées qu'un véritable blocage systématique de la part des autorités», déclare-t-il.
Pour l'instant, insiste-t-il, la junte militaire «ne semble pas véritablement s'opposer à l'aide qui afflue à travers le pays». Pour preuve «les convois de camions, de camionnettes, de véhicules individuels qui acheminent de la nourriture ou de l'eau vers Mandalay et les autres régions affectées peuvent bouger avec une relative fluidité». En revanche «ce sont les experts internationaux, que les ambassades ou les agences onusiennes essaient de faire venir, eux, qui ont pas mal de difficultés à obtenir leur visa. Le régime bloque aussi les visas de journalistes. Ils veulent garder un certain contrôle sur la communication».
La détresse psychologique et la peur
Heureusement, une semaine après le séisme, la situation commence à «revenir progressivement à la nornale». «La téléphonie mobile commence à s'améliorer et l'électricité qui était absente commence à revenir par bribes». Aussi «les gens qu'on a rencontrés ne manquent pas vraiment d'eau, ni de nourriture parce qu'il y a toutes ces donations qui affluent très vite de la part de tout le pays», affirme l’expatrié français. Par contre, ce qui est visible et palpable dit-il, c’est «la détresse psychologique de tous ces gens-là, qui ont peur de renter chez eux à cause des répliques qui continuent à se succéder au cours de la journée. Et donc les gens préfèrent dormir dehors». Une détresse psychologique davantage accentuée par une guerre civile en cours depuis quatre ans. Et «c'est très difficile pour tout le monde», souligne-t-il, puisqu'«il y a une véritable violence d'État qui est institutionnalisée depuis février 2024. Les autorités birmanes ont recours au recrutement forcé de jeunes gens et la région de Mandalay, au cours du mois de mars a été l'objet d'une intense campagne de recrutement forcé de la part des autorités». Et donc, pour ces populations «qui avaient peur de la police, du recrutement forcé, de l'extorsion, et qui vivaient aussi dans une précarité à cause du coup d'État et de la crise économique», ce tremblement de terre a été véritablement «l'incident de trop».
La résilience des populations birmanes
La population, déjà très fragilisée et vulnérable, a dû encore une fois faire preuve «d'une grande résilience, d'un grand courage et d'une grande solidarité». Sur place, «les gens se remettent au travail. Les familles et les populations sont mobilisées pour déblayer les décombres à mains nues». Dans le même temps, «les magasins, les restaurants, les salons de thé et les marchés rouvrent. Les gens ont très vite fait l'effort de rebondir et de reprendre leur activité». En réalité, tient-il à preciser, c'est parce «qu'ils n'ont pas le choix». Car «il y a une véritable crise économique qui traverse le pays depuis la crise sanitaire du covid 19 et depuis le coup d'État de 2021», a-t-il estimé.
Ce vendredi 4 avril, le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing est à Bankgok pour un sommet régional sur la coopération économique. Des manifestants se sont réunis pour dénoncer les crimes de guerre de la junte. Mercredi dernier, l’armée birmane annonçait un cessez-le-feu temporaire afin de faciliter les opérations de secours. Mais selon les Nations unies, l’armée birmane poursuit ses attaques et frappes aériennes dans les zones frappées par le séisme.
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