Cacao : les pays producteurs veulent reprendre la main
Marine Henriot - Cité du Vatican
C鈥檈st une première dans l鈥檌ndustrie cacaoyère鈥 Deux pays africains, les deux premiers producteurs mondiaux, la Côte d鈥橧voire à l鈥檕rigine de 40% de la production globale, et le Ghana 20%, veulent s鈥檃llier afin de peser sur les prix. L鈥檕bjectif affiché est d鈥檃tteindre un prix plancher de 2600 dollars la tonne, avec la promesse de mieux rémunérer les planteurs. Pour faire pression, les deux leaders mondiaux se sont retirés un temps du marché et ont obtenu un premier gain de cause : 400 dollars par tonne seront octroyés aux gouvernements lorsque le cours dépasse ce prix.
Mais le chemin vers la création de 鈥渓鈥橭PEP du cacao鈥 est long. La Côte d鈥橧voire et le Ghana sont deux pays rivaux dans la production, entre lesquels la communication n鈥檈st pas toujours facile, nous explique François Ruf, économiste au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et spécialiste du cacao. Cette première coopération est une grande étape, mais «reste à savoir si cela va durer. Il y a toujours eu de la méfiance entre les deux pays», en Côte d鈥橧voire, les «planteurs, les chefs de familles peuvent se méfier» de ceux de l鈥檃utre côté de la frontière ghanéenne.
Près de six millions de personnes vivent du cacao en Côte d鈥橧voire, un des piliers de l鈥économie du pays. Cependant, plus de la moitié des planteurs-cultivateurs vit sous le seuil de pauvreté avec moins d鈥檜n euro par jour. Des producteurs qui n鈥檕nt aucun pouvoir sur les prix des cabosses. Il n鈥檈xiste aucune organisation entre les planteurs, souligne François Ruf. Et pour cause, bien souvent ceux-ci sont issus de la migrations, ou d'ethnies différentes et ne parlent pas la même langue. L鈥économie du cacao est basée sur une rencontre entre une population autochtone qui vit, en faible densité, dans la forêt, et l鈥檃rrivée en masse de migrants qui viennent apporter leur force de travail : une rencontre qui ne se déroule pas toujours sans accroc. Ensuite, «pas un seul régime depuis 50 ans n鈥檃 tellement envie que les planteurs s鈥檕rganisent et s鈥檃ssocient, ils préfèrent faire la cuisine en interne à Accra ou Abidjan.».
La politique du cacao
Cette décision des gouvernements ghanéen et ivoirien arrive un an avant les élections présidentielles de 2020. Derrière l鈥économie, le spécialiste du cacao parle d鈥檜ne tactique politique, les deux États ayant tout intérêts à augmenter le prix aux producteurs avant cette échéance électorale. «En caricaturant, le cacao c鈥檈st presque de la politique, et la politique, c鈥檈st le cacao.»
L鈥檌ndustrie cacaoyère est donc au coeur d鈥檈njeux sociaux, politiques mais également environnementaux. En 2018, les parties prenantes de la filière signaient la déclaration de Berlin, reconnaissant qu鈥檜ne «nouvelle vision est nécessaire pour parvenir à une véritable durabilité sectorielle». En l鈥檃bsence de transformations profondes, les experts du secteur estiment qu鈥檜ne pénurie pourrait être à craindre dès 2050. Au Ghana, plus de 110 000 hectares de parcs naturels ont été défrichés entre 2001 et 2014. Une destruction des forêts pour la production de cacao qui crée un cercle vicieux : sur le court terme cela permet une hausse de la production, mais sur le long terme, cette extension provoque des changements climatiques qui diminuent les rendements.
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