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2024.03.12 La teologa congolese Jos¨¦e Ngalula 2024.03.12 La teologa congolese Jos¨¦e Ngalula  

La responsabilit¨¦ eccl¨¦siologique des femmes africaines ¨¤ l¡¯heure de la ²õ²â²Ô´Ç»å²¹±ô¾±³Ù¨¦ : entre fid¨¦lit¨¦ et cr¨¦ativit¨¦

Le 5 septembre 2025, lors de la deuxi¨¨me Conf¨¦rence des Th¨¦ologiennes Africaines organis¨¦e ¨¤ Hekima University College (Nairobi), la S?ur Jos¨¦e Ngalula a rappel¨¦ que l¡¯avenir de l¡¯?glise se joue dans la marche commune des femmes et des hommes. Relisant la parabole des talents, elle a appel¨¦ les femmes africaines ¨¤ d¨¦passer la peur, ¨¤ investir dans leur formation et ¨¤ devenir cr¨¦atrices de nouveaux r¨¦cits eccl¨¦siaux.

Camille Mukoso, SJ ¨C Nairobi

L¡¯avenir de l¡¯Église ne se joue pas uniquement dans ses structures, mais dans la capacité qu¡¯elle développe à marcher ensemble, hommes et femmes, à la lumière de l¡¯Évangile. Le Synode sur la synodalité représente précisément l¡¯un de ces moments décisifs où le visage ecclésial se redessine, en invitant à revisiter les fondements ecclésiologiques et pastoraux de la vie chrétienne. Dans ce débat, l¡¯une des voix africaines les plus significatives est sans doute celle de S?ur Professeure Josée Ngalula, SSA, Ph.D., qui, lors d¡¯une conférence à Hekima University College à Nairobi, au Kenya, a proposé une réflexion sur la responsabilité ecclésiologique des femmes africaines dans le contexte post-synodal de la synodalité.

L¡¯intervention de S?ur Josée Ngalula s¡¯est structurée autour de deux niveaux distincts mais complémentaires. D¡¯une part, la définition de la synodalité telle qu¡¯énoncée dans le document final du Synode (n°28), qui conçoit l¡¯expérience synodale comme une marche commune orientée vers la mission et enracinée dans le Royaume de Dieu. D¡¯autre part, une relecture de la parabole des talents, qui invite à dépasser les logiques de peur pour entrer dans une dynamique de créativité théologique et pastorale. Ces deux axes, pris ensemble, ouvrent la voie à une véritable réforme ecclésiologique dont les femmes africaines ne sont pas de simples bénéficiaires, mais les protagonistes incontournables.

La synodalité comme horizon ecclésiologique : marcher ensemble vers le Royaume

Dans cette perspective, S?ur Ngalula souligne que la synodalité se présente d¡¯abord comme une expérience communautaire. Elle n¡¯est pas une juxtaposition d¡¯individus isolés, mais un cheminement ecclésial où chaque baptisé, en vertu de sa dignité baptismale, est appelé à prendre part. Plus encore, la synodalité se profile comme une orientation missionnaire, en ce sens qu¡¯elle ne se réduit ni à une modalité de gouvernance ni à une simple organisation institutionnelle. Elle s¡¯inscrit dans la dynamique d¡¯un pèlerinage collectif tendu vers l¡¯annonce et le service du Royaume de Dieu. C¡¯est pourquoi, ajoute-t-elle, la synodalité possède intrinsèquement une portée universelle. C¡¯est dire que l¡¯union au Christ engage l¡¯ensemble de l¡¯humanité et convoque l¡¯Église à embrasser la diversité des cultures, des histoires et des expériences humaines, plutôt qu¡¯à se replier sur des cercles restreints. De ce point de vue, la place des femmes africaines apparaît non comme une concession à l¡¯esprit du temps, mais comme une exigence intrinsèque du mouvement synodal. En tant que baptisées, elles sont appelées à être actrices de la marche ecclésiale. Leur responsabilité ecclésiologique consiste à s¡¯inscrire dans cette dynamique de coresponsabilité, de discernement et de mission.

La parabole des talents : l¡¯appel à la créativité et le rejet de la peur

Revenant sur la parabole des talents (Mt 25, 14-30), S?ur Ngalula a fait remarquer que, dans ce récit, deux attitudes sont mises en contraste : celle des serviteurs créatifs, qui osent investir et multiplier les dons reçus, et celle du serviteur craintif, qui, paralysé par la peur, préfère enterrer son talent et demeure stérile. S?ur Ngalula interprète ce texte comme un paradigme ecclésiologique. Selon son analyse, le Christ se situe du côté de la créativité. Il est celui qui transgresse les logiques établies pour ouvrir des chemins nouveaux. Appliqué au contexte africain, ce message prend une dimension prophétique. Il ne s¡¯agit plus, pour les femmes, de se réfugier dans la plainte ni d¡¯attendre que d¡¯autres organisent leur avenir, mais de s¡¯engager résolument dans des initiatives qui transforment l¡¯Église.

Participantes à la Conférence des théologiennes africaines
Participantes à la Conférence des théologiennes africaines

L¡¯«auto-soin ecclésiologique» : investir dans la formation des femmes

Un point central de la conférence fut l¡¯appel pressant à ce que les femmes africaines assument une véritable auto-prise en charge ecclésiologique. Selon S?ur Ngalula, la qualité de la mission de l¡¯Église en Afrique dépend directement de la compétence et de l¡¯excellence des femmes qui la servent. Or, cette compétence ne peut s¡¯improviser. Elle suppose une formation solide, commencée dès les communautés locales et soutenue par des institutions de formation théologique et canonique.

En s¡¯adressant explicitement aux hommes de l¡¯Église, la conférencière a déconstruit l¡¯illusion d¡¯une supériorité masculine considérée comme naturelle. Le sacerdoce, a-t-elle rappelé, n¡¯est pas le fruit d¡¯une essence masculine, mais le résultat d¡¯une formation spécifique. De même, les femmes, si elles veulent être compétentes et exercer une mission crédible dans l¡¯Église, doivent revendiquer et assumer leur droit à la formation. Cette exigence de formation n¡¯est pas secondaire : elle constitue une condition de possibilité pour que les femmes deviennent de véritables actrices pastorales et théologiques, capables de dialoguer avec les textes du Magistère, de contribuer aux débats ecclésiaux et de répondre aux défis de l¡¯Afrique contemporaine. Ainsi compris, l¡¯« auto-soin ecclésiologique » engage les femmes africaines à ne pas attendre passivement une reconnaissance institutionnelle, mais à se former, à s¡¯organiser et à bâtir les structures intellectuelles et spirituelles qui les rendront aptes à contribuer de manière décisive à la synodalité.

Changer le narratif : une exigence herméneutique et ecclésiale

L¡¯un des points saillants de la conférence réside dans l¡¯appel à changer le narratif. L¡¯histoire ecclésiale a souvent enfermé les femmes dans des images réductrices, tantôt négatives (Ève comme figure de la faute), tantôt instrumentalisées (Marie comme modèle d¡¯une féminité docile). De telles représentations pèsent sur la manière dont les femmes sont perçues et sur la place qui leur est accordée dans l¡¯Église. Changer le narratif signifie relire les Écritures et l¡¯histoire ecclésiale en mettant en valeur les figures féminines qui ont contribué à la mission et à la théologie. Cela suppose également d¡¯écrire de nouveaux récits, enracinés dans l¡¯expérience contemporaine des femmes africaines : récits de leadership, de service pastoral, de création théologique.

Ce changement de narratif est inséparable de la synodalité. Une Église qui prétend marcher ensemble doit d¡¯abord se demander : où allons-nous ? Vers quel horizon narratif, théologique et missionnaire conduisons-nous le Peuple de Dieu ? Sans une révision des récits qui structurent l¡¯imaginaire ecclésial, la marche commune risque de reproduire les asymétries et les exclusions du passé.

Une responsabilité pour l¡¯avenir

En articulant la définition de la synodalité et la parabole des talents, S?ur Josée Ngalula propose une vision lucide et exigeante de la responsabilité ecclésiologique des femmes africaines. La synodalité appelle à une marche commune vers le Royaume ; la parabole des talents appelle à transformer la peur en créativité ; l¡¯auto-soin ecclésiologique appelle à investir dans la formation pour garantir la compétence et l¡¯excellence.

L¡¯avenir de l¡¯Église en Afrique se joue dans la capacité des femmes à répondre à ce triple appel. Leur responsabilité consiste à investir dans leur formation, à renouveler les récits et à s¡¯engager activement dans la mission. Mais cette responsabilité engage également l¡¯ensemble de l¡¯Église : reconnaître, accompagner et intégrer la créativité féminine comme une ressource indispensable à la synodalité. En définitive, la conférence de S?ur Ngalula ne se contente pas de décrire une situation. Elle trace une orientation : savoir où l¡¯on va et marcher ensemble vers une Église qui, en assumant la créativité et l¡¯excellence des femmes africaines, devient plus fidèle au Christ et plus ouverte à l¡¯humanité.

Qui est S?ur Josée Ngalula ?

S?ur Josée Ngalula, née à Kinshasa en République Démocratique du Congo, est une religieuse de la Congrégation des S?urs de Saint-André et la première femme africaine nommée à la Commission théologique internationale du Vatican par le Pape François en septembre 2021. Cette nomination a marqué une étape historique pour la représentation féminine africaine dans cette instance pontificale. Docteure en théologie de l¡¯Université catholique de Lyon, où elle a soutenu une thèse sur la traduction dans la mission chrétienne, elle a également étudié la philosophie à Lubumbashi et l¡¯?cuménisme à Birmingham. Entrée chez les S?urs de Saint-André après le lycée, elle a prononcé ses v?ux perpétuels en 1993, attirée par leur spiritualité ignatienne. Professeure de théologie dogmatique et systématique à l¡¯Université catholique du Congo et dans d¡¯autres institutions africaines, elle explore des thématiques comme la lexicologie chrétienne en langues africaines, les théologies africaines, la synodalité et la violence liée à la religion, tout en dirigeant l¡¯Observatoire de la Violence et du Fondamentalisme Religieux à Kinshasa.


Depuis 2004, elle accompagne les victimes d¡¯abus sexuels dans l¡¯Église et s¡¯engage dans l¡¯autonomisation des femmes africaines, notamment à travers des réseaux comme l¡¯African Synodality Initiative et le Pan-African Catholic Theology and Pastoral Network. Autrice de plusieurs ouvrages, dont Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes (2005) et Le pardon chrétien en service de la réconciliation et de la paix (2009), elle est reconnue comme une théologienne majeure, ancrant sa réflexion dans l¡¯amour de Dieu et du prochain et apportant une perspective africaine et féminine aux débats théologiques mondiaux, saluée par La Croix comme l¡¯une des dix femmes marquantes de l¡¯Église en Afrique.

 

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06 septembre 2025, 15:16