Tangaza University: foi et profondeur à l’ère numérique
Camille Mukoso, SJ - Nairobi
La cérémonie s’est déroulée dans le grand auditorium de Tangaza, en présence des étudiants, des professeurs, du personnel administratif ainsi que de plusieurs représentants des congrégations religieuses partenaires de l’université. L’assistance, composée de jeunes venus de plus de trente pays africains et au-delà, reflétait la diversité culturelle qui fait la richesse de Tangaza. Ce contexte multicolore a donné un relief particulier aux paroles du conférencier, qui invitait précisément à penser l’éducation comme un lieu de communion et de transformation.
Dès l’entame de son intervation, le père Uwineza a rappelé la responsabilité morale de toute institution éducative. L’histoire, a-t-il fait remarquer, nous avertit que le savoir peut devenir une arme lorsqu’il est détaché des valeurs humaines et spirituelles. Les juristes qui ont conçu les lois de l’apartheid, les ingénieurs qui ont planifié les camps nazis ou encore les médecins impliqués dans le génocide rwandais étaient tous des personnes instruites. «Une éducation sans foi ni conscience devient un instrument de mort», a-t-il martelé, exhortant Tangaza à refuser la tentation d’une excellence technique vide de sens.
Transformer, et pas seulement informer
Pour définir la mission de Tangaza à l’heure actuelle, le père Marcel Uwineza a proposé une vision audacieuse fondée sur six déplacements majeurs. Le premier appelle à dépasser la simple accumulation d’informations pour viser une formation intégrale, capable d’unir l’intelligence et le cÅ“ur. L’université, a-t-il rappelé, ne doit pas produire de simples experts, mais des femmes et des hommes ouverts, critiques et capables de discernement.
Il a aussi souligné l’importance de passer de la performance à la présence et du talent au caractère. Le succès ne se réduit pas à des notes ou à un classement, mais à la capacité d’être pleinement présent à soi, à Dieu et aux autres. De même, les compétences techniques ne suffisent pas si elles ne reposent pas sur une solide intégrité morale. Seule la droiture, nourrie de vérité et de justice, donne un poids durable aux dons reçus et les met au service du bien commun.
Enfin, le père Uwineza a invité à dépasser la logique de carrière pour découvrir une vocation, et à troquer la vitesse pour la profondeur. Dans un monde dominé par l’immédiateté et l’individualisme, il a plaidé pour la patience, l’intériorité et surtout la communion fraternelle. Tangaza, a-t-il insisté, est appelée à devenir un lieu où les étudiants apprennent à bâtir ensemble, faisant de l’éducation non seulement un espace de savoir, mais une véritable force de transformation pour la société.
Face aux défis de l’ère digitale
La conférence s’est ensuite tournée vers l’environnement numérique qui façonne désormais l’expérience humaine. Le père Uwineza a mis en garde contre les algorithmes qui orientent nos désirs et réduisent notre liberté intérieure. Dans un monde saturé d’informations, où l’attention est devenue «le nouvel or», l’université doit apprendre à ses étudiants l’art du discernement et de l’écoute véritable.
De ce point de vue, pour le père Uwineza, la mission de Tangaza aujourd’hui est claire: former des femmes et des hommes capables de maîtriser la technologie sans en être esclaves, de mettre l’intelligence artificielle au service de la justice, de la culture et de l’écologie intégrale. «La profondeur est le meilleur antidote à la superficialité numérique», a-t-il insisté.
Une pédagogie de la profondeur
Puisant dans la tradition ignatienne, le conférencier a plaidé pour une éducation qui unisse rigueur intellectuelle et enracinement spirituel. Il a rappelé que le monde actuel, en proie aux crises écologiques, politiques et culturelles, est «assoiffé de profondeur». Tangaza, a-t-il affirmé, doit être ce lieu où se forgent des personnalités solides, capables de résister à la médiocrité ambiante et de témoigner de la vérité. Avec une image forte, il a comparé l’étudiant de Tangaza à une girafe: «Comme elle, vous devez avoir des jambes solides, bien ancrées dans l’Évangile, et un long cou qui vous permette de voir loin dans l’espérance».
Une mission pour l’Afrique et au-delà
En conclusion, le père Uwineza a replacé la mission de Tangaza dans le contexte africain et mondial. L’université n’est pas un simple lieu d’instruction, mais une école de transformation sociale et spirituelle. Elle doit former non seulement des diplômés compétents, mais aussi des témoins de vérité, des bâtisseurs de justice et des prophètes d’espérance. «Notre monde n’a pas besoin de plus de diplômes, mais de plus de disciples», a-t-il affirmé, invitant chacun à inscrire son parcours académique dans une dynamique de service et de foi.
Une année sous le signe de l’espérance
Avec cette Lectio Brevis, Tangaza University a lancé une année académique placée sous le signe d’un renouvellement audacieux: conjuguer foi et modernité, tradition et innovation, rigueur intellectuelle et imagination prophétique. En ouvrant cette nouvelle étape, Tangaza s’affirme plus que jamais comme un laboratoire d’espérance pour l’Église et pour le continent.
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