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Hekima University College Ă  Nairobi (Kenya). Hekima University College Ă  Nairobi (Kenya). 

Hekima inaugure sa 42e année académique: entre rêves partagés et mission prophétique

Hekima University College, institution jésuite basée dans la capitale kényane Nairobi, a lancé samedi 16 août 2025 sa 42ᵉ année académique sur son nouveau campus. La cérémonie marquait un double tournant: l’ouverture d’une nouvelle étape dans la mission éducative de l’université et l’appropriation d’un espace devenu signe tangible de persévérance et d’espérance.

Camille Mukoso, SJ et Christian Kombe, SJ - Nairobi

En ouvrant la cérémonie, le père Marcel Uwineza, SJ, principal d’Hekima University College, a placé l’événement sous le signe de la gratitude et de la mémoire. Devant les invités, étudiants et professeurs réunis, il a rappelé que le nouveau campus, longtemps porté comme simple projet, est aujourd’hui une réalité palpable. «Si quelqu’un doutait de la force des rêves, qu’il regarde autour de lui: nous sommes en train de vivre un rêve devenu réalité», a-t-il déclaré.

Le père Uwineza a ensuite rappelé que le plan stratégique 2024–2030 inscrit Hekima comme un centre de référence en théologie, sciences sociales et études de la paix en Afrique. Excellence académique, innovation, transformation numérique et engagement social en constituent les piliers. Mais au-delà des chiffres et des infrastructures, le prêtre jésuite a souligné l’essentiel: former des femmes et des hommes profondément enracinés dans la tradition ignatienne, capables d’unir profondeur spirituelle et service du bien commun.

«Dream Deep and Fly High»: un programme de vie

Cette année, l’institution se place sous un nouveau mot d’ordre: Dream Deep and Fly High. Né des aspirations mêmes des étudiants et enraciné dans le plan stratégique 2024–2030, ce motto condense une vision audacieuse. Pour le père Marcel Uwineza, il s’agit d’abord d’enraciner ses ambitions dans une quête de sens où la foi, l’excellence et le service de l’humanité se rencontrent. Tel est le sens de rêver en profondeur. Mais, il est aussi question de s’élever ensemble, en refusant la médiocrité pour viser les sommets de la rigueur académique et de l’intégrité morale.

Enfin, rêver et voler ensemble signifie reconnaître que la fécondité d’un rêve ne naît que du partage. Le père Uwineza a insisté sur le fait que ce slogan n’est pas un ornement, mais un appel à la responsabilité collective: «Les rêves s’éteignent lorsqu’ils sont solitaires. Lorsqu’ils sont partagés, ils deviennent source de transformation», a-t-il indiqué.

Refuser de passer outre

Un autre temps fort de la journée fut la leçon inaugurale donnée par le père David Neuhaus, SJ sur le thème: «We refuse to simply pass you by: Prophets of hope in an increasingly divided world». À partir de son expérience personnelle, marquée par trois contextes de fracture – le nazisme en Allemagne, l’apartheid en Afrique du Sud et le conflit israélo-palestinien –, le père Neuhaus a rappelé combien l’histoire humaine est traversée par la tentation de l’indifférence. Trop souvent, face aux victimes laissées sur le bord de la route, le réflexe est de détourner le regard et de poursuivre son chemin. Or, a-t-il souligné, le prophète est précisément celui qui s’arrête, refuse de passer outre et se laisse saisir par la compassion.

Le père Neuhaus a ainsi proposé de voir dans le Bon Samaritain la figure prophétique par excellence. Être prophète ne consiste pas à prédire l’avenir, mais à discerner la crise comme un lieu où Dieu appelle à une réponse. Par son imagination, le prophète dévoile l’illusion d’un ordre établi présenté comme inévitable et ouvre la possibilité d’un monde différent. Dans ce chemin, l’espérance n’est pas un simple optimisme ni une fuite hors du réel.

Enfin, le conférencier a élargi son propos au rôle des universités jésuites. Il a rappelé qu’une institution comme Hekima ne peut se contenter d’être un lieu de savoir. Elle est appelée à devenir un espace prophétique, capable de «voir comme Dieu voit», en se tenant aux côtés des marginalisés et en refusant de passer outre. En cela, a-t-il confié à l’assemblée, Hekima est invitée à former des femmes et des hommes qui, nourris de discernement et de recherche de vérité, deviennent à leur tour des prophètes d’espérance pour l’Afrique et pour le monde.

Quelques étudiants de Hekima University College.
Quelques étudiants de Hekima University College.

Appel à une théologie de la compassion

Le père Deshi Ramadani, SJ, réagissant à la leçon inaugurale du père Neuhaus, a proposé une méditation personnelle sur l’imagination prophétique. Reprenant l’image du Bon Samaritain, il a réitéré l’appel à «ne pas passer outre», soulignant que s’arrêter devant la souffrance est déjà une prophétie en acte. Il a relié cette dynamique aux Psaumes des montées, où l’expérience de l’exil et de l’aliénation culmine dans la joie de la fraternité retrouvée, en contraste avec le prêtre et le lévite de la parabole, prisonniers de rituels vidés de compassion.

Le père Deshi a ensuite interpellé la théologie chrétienne, trop souvent centrée sur le péché au détriment du cri de la souffrance, et a mis en garde contre la tentation de transformer ceux que nous aidons en «trophées moraux». Il a aussi évoqué les défis africains, notamment le tribalisme, comme une forme d’aveuglement qui empêche de reconnaître l’autre comme frère.


Rêver en profondeur, s’élever ensemble

Dans la continuité de cette réflexion, le président de la Conférence des Jésuites d’Afrique et de Madagascar, le père José Minaku, SJ, a proposé deux images fortes: celle d’un arbre déraciné par la tempête, signe de sociétés fragilisées par la violence, et celle d’un oiseau englué dans une marée noire, symbole d’une humanité prisonnière de sa propre décadence. Pour lui, rêver en profondeur signifie retrouver l’âme d’un monde menacé de superficialité, renouer avec la dignité, la beauté et l’ouverture au mystère.

S’élever ensemble, c’est refuser l’enfermement dans le relativisme et la fragmentation pour choisir la vérité et la liberté intérieure. Hekima, a-t-il affirmé, est appelée à devenir ce lieu où racines solides et envol audacieux s’unissent pour former une école de liberté et de conscience.

Mgr Rodrigo Mejía Saldarriaga, SJ, vicaire apostolique émérite de Soddo, présidant la messe d'ouverture de la 42e année académique de Hekima University College.
Mgr Rodrigo Mejía Saldarriaga, SJ, vicaire apostolique émérite de Soddo, présidant la messe d'ouverture de la 42e année académique de Hekima University College.

Une année placée sous l’Esprit

 La messe du Saint-Esprit, présidée par Mgr Rodrigo Mejía Saldarriaga, SJ, vicaire apostolique émérite de Soddo, est venue sceller la journée dans la prière. Dans son homélie, l’évêque jésuite a repris les grandes lignes de la cérémonie: être prophètes d’espérance, garder des racines solides et oser un envol commun. Mais il a aussi souligné que ces appels n’ont de force qu’enracinés dans le Christ. «C’est Lui qui, par son Esprit, unit nos rêves, purifie nos désirs et transforme nos projets en mission», a-t-il affirmé.


Vers un avenir fécond

En inaugurant sa 42ᵉ année, Hekima University College a fixé une feuille de route exigeante: conjuguer projets concrets et radicalité des rêves, recherche académique et profondeur spirituelle, fidélité à la tradition et audace de l’avenir. Plus qu’un établissement, Hekima se veut un lieu où les rêves deviennent projets, où les projets s’incarnent en mission, et où la mission, vécue ensemble, ouvre un horizon d’espérance pour l’Église et pour l’Afrique.

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18 août 2025, 12:49