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Photo d'illustration. Photo d'illustration. 

Au Mali, l’Église s'inquiète de l’arrêt des subventions d’État aux écoles catholiques

Après un partenariat de 53 ans entre l’État et l’Église catholique, dans le domaine de l’éducation, l’État malien a mis fin à sa subvention annuelle aux écoles privées catholiques. Pour le directeur national de l’enseignement catholique, le père Edmond Dembélé, «cette décision a été accueillie dans un esprit de compréhension suite au contexte de crise sécuritaire dans le pays, bien qu’elle menace la stabilité du système éducatif, particulièrement en milieu rural».

Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican

La décision d’arrêt des subventions du gouvernement malien, entrée en vigueur le 30 juin, met en difficulté le réseau d’éducation de l'Église catholique. Une décision qui, selon le directeur national de l’enseignement catholique au Mali, le père Edmond Dembélé, aurait pour cause la situation sécuritaire qui prévaut dans ce pays. «En effet, notre pays traverse une période sécuritaire difficile depuis plusieurs années et le Mali, aujourd'hui, doit faire face à beaucoup d'urgences. Et je crois que ces urgences obligent l'État à choisir certaines priorités pour tenter de remédier à cette crise», a-t-il expliqué.

Toutefois, puisque l’éducation demeure l’un des secteurs fondamentaux d’un pays, de son présent et de son avenir, l’Église catholique au Mali demande à ce que la suppression de la subvention aux écoles catholiques se fasse dans un cadre de dialogue pour que celles-ci n’en sortent pas très affaiblies, d’autant plus que ces écoles «comptent un réseau de 138 établissements scolaires, accueillant environ 40 000 élèves et 1613 enseignants».

Suivre le père Edmond Dembélé, directeur national de l’enseignement catholique au Mali.

Comment avez-vous accueilli cette décision?

Nous l'avons accueilli dans un esprit de compréhension parce que nous savons que, dans le contexte actuel, l'État ne peut pas répondre à tous les besoins comme auparavant. C'est d’ailleurs dans cette optique que nous avons demandé à ce que la suppression de cette subvention se fasse dans un cadre de dialogue et d'échange afin que nos écoles n’en sortent pas très affaiblies, puisque l'éducation demeure un secteur prioritaire et important pour un pays, son présent et son avenir. C’est ainsi que la subvention, qui devrait prendre fin en décembre 2024, a été prolongée de quelques mois, afin de permettre aux responsables de l'enseignement catholique de se préparer correctement à cette rupture depuis le 30 juin dernier, et ce jusqu'à nouvel ordre.

Quelle pourrait être la portée de cette décision sur le fonctionnement du réseau des écoles catholiques au Mali?

Les conséquences de cette décision pourraient s’évaluer à trois niveaux. Tout d'abord, au niveau même des écoles catholiques, il y a le risque de fermeture de certaines d’entre elles, particulièrement celles en zones rurales. Et nous savons que dans ces zones, les parents ne disposent pas toujours des moyens suffisants pour inscrire leurs enfants dans les écoles. Ce qui faisait en sorte que beaucoup de nos écoles en milieu rural fonctionnaient grâce à la subvention de l’État malien.

Le deuxième niveau se situe au niveau des enseignants. A cause de l’arrêt de la subvention, ils ne bénéficieront plus du même traitement salarial que leurs homologues de l'enseignement public. Ce qui créera évidemment un déséquilibre dans les recettes de l'Église et aura, de ce fait, un impact sur la qualité du salaire que nous offrions à nos enseignants.

Présentement, nous avons engagé un processus de renégociation des contrats avec les enseignants. Et ce processus, d'ailleurs, nous a poussés à licencier certains afin de repartir à zéro, cette fois-ci, sans tenir compte de la subvention. En effet, dans la convention signée en 1972 et révisée en 1978, l'État malien avait décidé d'accorder 80% du salaire de chacun des enseignants à l'enseignement catholique. Ce qui signifie que cette responsabilité revient désormais à l'enseignement catholique. Et enfin, cette décision du gouvernement aura un impact considérable sur la scolarisation des enfants se retrouvant dans des zones rurales.


Cette rupture a été précédée par une phase de transition. Aviez-vous entre-temps trouvé des alternatives à cette coopération?

Oui, nous avons justement profité de cette année scolaire pour réfléchir à l'avenir de l'enseignement catholique de nos écoles. Tout d’abord, l'État a mis en place depuis le mois d'août dernier une commission de réflexion et de négociation. Cette commission, qui comprend des membres du ministère de l'Éducation nationale, du ministère des Finances et de l'Enseignement catholique, a travaillé à réfléchir à comment l'enseignement catholique pourrait continuer à servir les enfants du Mali. Et nous avons profité de cette période de transition pour discuter, dialoguer avec l'État.

Ensuite, au niveau de l'Église même, nous avons mis en place aussi une commission de refondation de l'enseignement catholique. En effet, la convention signée avec l'État avait défini beaucoup de conditions dans lesquelles l'enseignement catholique devait travailler, notamment en ce qui concerne le traitement salarial des enseignants. Donc, nous nous sommes dit qu'il faudra réorganiser tout le système, revoir nos textes, puisqu’ils ont été élaborés depuis 30, 40, 50 ans, en conformité avec la convention et certains aspects de celle-ci, et les adapter à notre nouvelle situation.

Selon vous, cette décision ne cache-t-elle pas un début de malaise entre l'État et l'Église au Mali?

À mon avis, non. Bien au contraire, nous avons travaillé ensemble avec le gouvernement et discerné sur les conséquences de cette décision afin de proposer des solutions communes. L’État est resté plutôt ouvert au dialogue et aux échanges, et nous a accordé la possibilité de sortir de cette subvention sans trop de dégâts. Donc, je ne pense pas que ce soit le début d'un malaise entre l'État et l'Église, mais qu’il s’agit d’une situation qui met en lumière le bon esprit de collaboration et de dialogue entre l’État et l’Église catholique au Mali.

Des élèves étudiant dans une école catholique au Mali.
Des élèves étudiant dans une école catholique au Mali.

Un dernier mot?

Mon dernier mot s’adresse à l'endroit de nos partenaires, et de tous ceux qui accompagnent l'enseignement catholique, tant à l'intérieur du Mali qu'à l'extérieur. Nous comptons énormément sur le soutien des uns et des autres, parce que l'éducation est chère à l'Église, au Mali comme ailleurs. Partout où l'Église est présente, elle essaie de faire de son mieux pour aider à l'éducation des enfants et des jeunes.

J’aimerais également rassurer les autorités et les parents du Mali, parents d'élèves, parce que nos écoles accueillent tous les enfants du Mali sans distinction, que nos écoles ouvriront à la rentrée scolaire prochaine. En dépit quelques réaménagements qui seront mis en place, nous travaillerons à ce que la qualité y soit toujours, et que nous continuions à donner un enseignement et une éducation aux jeunes, qui conviennent aux objectifs de notre pays et qui répondent aussi aux attentes des parents.

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26 juillet 2025, 10:42