杏MAP导航

Marie Duhamel - Cité du Vatican

«Les funérailles doivent avoir lieu avant la nuit, car il n’y a pas de frigidaire. Aussi, présume Mgr William Shomali, elles devraient être célébrées en ce moment», en fin d'après-midi ce jeudi. Certaines images circulent en effet sur les réseaux sociaux, mais impossible d'être plus précis. «Nous n’avons pas de télévision en direct», explique le vicaire pour la Palestine du patriarcat latin de Jérusalem. À la mi-journée, le patriarcat soulignait déjà combien il était difficile de communiquer avec Gaza, et en particulier après l’attaque de ce matin.

Vers 10h20, le complexe paroissial de l’Église de la Sainte-Famille qui se trouve dans le quartier de Zeitoun à Gaza-ville, a été attaquée par l’armée israélienne. L’assaut a fait 3 morts et dix blessés, dont certains dans un état grave, selon un bilan établi aux alentours de 18 heures. «Tous les blessés ont été transférés à l’hôpital anglican qui se trouve au nord de la ville, pas très loin de la paroisse. Hélas, ils n’ont sur place que des moyens rudimentaires, le strict nécessaire pour les premiers soins», déplore Mgr Shomali.

Ils dormiront avec un toit sur leurs têtes

Dans le drame, note-t-il cependant, seule l'église a été endommagée. L’école et ses salles de classe, où vivent des centaines de Palestiniens dont de nombreux enfants depuis le début de la guerre, sont épargnées. Leur refuge tient encore. Choqués, ils ont ce jeudi soir un toit sur leur tête, eux qui avaient trouvé dans l'église un sanctuaire, «espérant que les horreurs de la guerre pourraient au moins épargner leur vie, alors que leurs maisons, leurs biens et leur dignité avaient déjà été dépouillés», souligne un communiqué du patriarcat.

Sa chancellerie a contacté l’armée israélienne à la suite de l’attaque, «ils ont dit être conscients de ce qui est arrivé», ajoutant qu’ils doivent mener maintenant une enquête «pour savoir qui, comment, quand», mais «nous n’avons pour l’instant pas eu de réponse à notre demande» sur la motivation d’une telle attaque.

Une ultime menace?

Au patriarcat, le vicaire pour la Palestine, lui-même palestinien, s’interroge. «Très souvent, l'armée israélienne a donné des ordres à nos fidèles afin qu’ils évacuent le complexe de l'église de la Sainte-Famille. Le même ordre a été intimé aux réfugiés qui habitent le complexe de l’église orthodoxe de Saint-Porphyre. Cette fois encore, ils ont reçu des ordres d’évacuation, pour qu’ils aillent vers sud car, poursuit Mgr William Shomali, ils veulent vider tout le nord de l’enclave. Or, nos chrétiens n’ont pas répondu à ces ordres, car ils ont peur d’aller au sud. Là, il n’y aura ni nourriture, ni eau, ni médicaments. Ils seront dans l'anonymat parmi des dizaines de milliers de personnes affamées et sans moyens de survie». L’évêque se demande s’il peut y avoir une relation entre le fait que l’ordre ait été donné sans être respecté et l’attaque de ce jeudi. «Est ce que c'est un signal qu'il faut partir, autrement, le pire vous arrivera? Nous ne savons pas, mais un lien reste possible».

De son côté, le gouvernement Israélien a exprimé «son profond chagrin», par la voix de son ministre des Affaires étrangères, il a assuré que son pays ne vise «jamais des églises ou des sites religieux» et a dit «regretter tout dommage à un site religieux ou à des civils non impliqués».

Le 16 décembre 2023, l’église de la Sainte-Famille avait été encerclée par l’armée israélienne convaincue de la présence d’un lance-missile dans la paroisse. Une mère et sa fille avaient été tuées et cinq personnes avaient été blessées. En octobre 2023, l’église orthodoxe avait déjà perdu 17 des siens lors d’une frappe, qui avait provoqué l’effondrement total d’un bâtiment situé dans l’enceinte de Saint-Porphyre.

Appel du président Emmanuel Macron

Ce jeudi soir, au siège du patriarcat latin, dans la vieille ville de Jérusalem, les c?urs sont lourds. Mgr Shomali confie la tristesse de sa communauté alors qu’elle est en train «d'enterrer ses morts et de soigner ses blessés». Il réaffirme que le patriarcat se tiendra toujours à leurs côtés, promettant de tout faire pour les soutenir.

Mgr Shomali salue néanmoins les nombreux messages de solidarité arrivés jusqu’à eux ces dernières heures, de la part d’amis «de l’intérieur et de l’extérieur». Le Saint-Père a envoyé un télégramme; des figures politiques ont également manifesté leur soutien. Le président français a échangé une dizaine de minutes avec le cardinal Pizzaballa, en présence de Mgr Shomali. «Il a montré beaucoup de solidarité et promis de faire quelque chose pour soulager ceux qui souffrent à Gaza, surtout pour la nourriture».

La France condamne le bombardement «inadmissible» de l'église catholique «placée sous sa protection historique», a posté sur X le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Une souffrance partagée est une souffrance mieux supportée

La présidente du Conseil italien a également publiquement fustigé l’attaque de jeudi matin, comme toutes celles contre la population civile menées par Israël depuis des mois. Elles sont «inacceptables», estime Giorgia Meloni.

«Ces messages vraiment nous consolent car ainsi nous ne souffrons pas seuls. Notre souffrance est partagée. Et cela vraiment nous donne beaucoup de force. Une souffrance partagée est une souffrance mieux supportée», conclut le vicaire pour la Palestine du patriarcat latin de Jérusalem.