L'ancien parlementaire congolais Juv¨¦nal Munubo au Jubil¨¦ des gouvernants
Fabrice Bagendekere, SJ ¨C Cité du Vatican
Comment vivre les valeurs chrétiennes en tant que politique, dans un contexte où la corruption est «enracinée dans la mentalité courante et capable de toutes les violences», comme l¡¯a souligné le Pape Léon XIV, lors de son audience avec les pèlerins venus à Rome pour la béatification de Floribert Bwana Chui, jeune congolais reconnu martyre de l¡¯honnêteté et de l¡¯intégrité morale? C¡¯est l¡¯une des interrogations à laquelle doivent répondre aujourd¡¯hui les gouvernants et administrateurs, tandis que se célèbre leur jubilé ces 21 et 22 juin. Juvénal Munubo, député national honoraire du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, rappelle que la politique devrait être saisie par les chrétiens comme un «¡®¡®kairos¡¯¡¯ pour faire charité à un plus grand nombre des personnes».
Cet ancien membre de la Caritas et de la commission justice et paix de Goma et proche du nouveau bienheureux plaide pour la création des classes moyennes dans son pays et sur le continent africain, pour espérer surmonter le déséquilibre social engendré par un système inégalitaire riche-pauvre, entretenu par la classe politique.
Être chrétien c¡¯est aussi savoir traduire son identité chrétienne dans ses positions
Le cas de la République Démocratique du Congo est très criant. Dans ce pays, en effet, les écarts entre les différentes classes sociales sont plus que significatifs, non-seulement concentrant la répartition de la richesse et du pouvoir entre les mains de quelques individus, mais aussi et surtout l¡¯accès aux services de base tels que l¡¯éducation, la santé et l¡¯eau potable. Cela est occasionné, explique l¡¯honorable Munubo, par des budgets «qui se diluent dans les institutions publiques», c¡¯est-à-dire, «largement consommés par les institutions».
Dans un tel contexte, le rôle du parlementaire chrétien serait de «promouvoir des budgets prosociaux», affirme l¡¯ancien membre de justice et paix de Goma. «Les parlementaires ont un grand rôle à jouer lors de l'examen et du vote du budget», rappelle-t-il. Il s¡¯agit essentiellement de veiller à la «bonne répartition, aux bonnes affectations et allocations budgétaires, en lieu et place des intérêts égoïstes», explique-t-il. Sans ce souci, soutient l¡¯ancien député, «on ne pourrait pas se dire chrétiens», car l¡¯identité chrétienne doit se traduire par les trois vertus théologales: la foi, l¡¯espérance et la charité, qui ne vont jamais l¡¯une sans l¡¯autre.
Les leaders religieux représentent une grande autorité morale au sein des nations
Ces impératifs sont valables, pas-seulement pour les chrétiens, mais aussi pour tous les croyants, insiste l¡¯honorable Munubo, su qu¡¯aucune religion n¡¯omette la charité et l¡¯attention à l¡¯autre, surtout aux démunis, dans les obligations des fidèles. Aussi, insiste-t-il sur la nécessité d¡¯entretenir le dialogue interreligieux dans le pays pour une promotion commune des orientations et actions sociales, sachant que les leaders religieux représentent une grande autorité morale au sein des nations. C¡¯est ici qu¡¯il loue l¡¯initiative du «Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en République Démocratique du Congo et dans la Région des Grand Lacs», portée par les Églises Catholique et Protestante du pays. Selon l¡¯ancien parlementaire, «au-delà de la politique politicienne, le Pacte social est aujourd¡¯hui reçu unanimement par les congolais que c¡¯est la solution sage à la guerre et de toute autre forme d¡¯instabilité dans leur pays».
L'Église a toujours été présente aux côtés de la population
L'expérience du Congo, montre que «quand les acteurs politiques se rencontrent, la finalité a été souvent de se partager le pouvoir», soutient l¡¯honorable Munubo. Il évoque les divers dialogues dans lesquels se sont engagés les différents acteurs et partis politiques par le passé, au sommet desquels le fameux dialogue de San City, qui était supposé mettre en ?uvre un nouveau départ pour un Congo réconcilié et pacifié. Cela, affirme-t-il, constitue le signe d¡¯un «manque de perspectives clairement établi» des politiques de leur pays. Dans ce contexte, soutient-il, «l'Église a toujours été présente et du côté des populations congolaises et ne les a jamais abandonnées». Il évoque les différentes prises de position et manifestations de l¡¯Église contre les abus du pouvoir public tout au long de l¡¯histoire du pays.
Dans la situation de crise qui est celle du Congo actuellement, l¡¯ancien parlementaire souhaite qu¡¯avec l¡¯aide du Pacte social, «on ne refasse plus les erreurs du passé, mais que l¡¯on parviennent réellement à calmer les tensions internes et externes, à resserrer les liens, asseoir la cohésion interne du pays».
Avoir le courage de rejeter les compromis
Être parlementaire, c¡¯est aussi «être capable de sanctionner un mandataire étatique qui a pratiqué la corruption ou qui a pratiqué le détournement». Ce requis du bon fonctionnement démocratique semble être absent dans les ordres du jour parlementaires dans plusieurs pays africains, notamment en RDCongo, affirme l¡¯honorable Munubo, qui dénonce «la complaisance de beaucoup de parlementaires avec les gouvernements et autres intermédiaires publiques». Dans un tel contexte, clame-t-il, «un politique chrétien devrait avoir le courage de rejeter les mauvais compromis, qui ne font qu¡¯appauvrir la population et multiplier les appels à l¡¯application de la loi». Il ne s¡¯agit pas nécessairement de «faire une révolution outre mesure mais simplement de faire les choses autrement», insiste le député honoraire. Aussi, affirme-t-il, «Il ne manque pas de modèle au Congo et en général dans tous les pays».
Bwana Chui, une nouvelle figure qui doit inspirer les hommes d¡¯Etat congolais
Une des figures qui interpelle aujourd¡¯hui les hommes d¡¯État du Congo et de l¡¯Afrique est le nouveau bienheureux Floribert Bwana Chui, que l¡¯honorable Munubo a connu personnellement et avec qui il a fait ses études supérieures. «Il avait lui-même des ambitions politiques», affirme l¡¯ancien parlementaire. Une des choses qu¡¯il retient de lui, «en plus de son engagement ecclésial», dit-il, c¡¯est qu¡¯«il avait des valeurs morales» et donc qu¡¯«il ne pouvait pas se laisser balloter par n¡¯importe quel vent». «Il est mort parce qu'il avait refusé de céder à une pression de la corruption ¡ On voulait qu'il cède, qu'il autorise les marchandises avariées à être commercialisées, au grand dam de la population, puisque c'est la santé des milliers de gens qui allait en pâtir. Il avait des convictions morales fortes, voilà pourquoi il n'a pas voulu faire passer cette cargaison».
En offrant ce témoignage, l¡¯honorable exprime le souhait que le nouveau bienheureux inspire aux politiques congolais et africain « le courage de résister et de lutter contre la corruption, les détournements et toute autre forme d¡¯abus de pouvoir».
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