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Des chars isra¨¦liens ¨¤ l'entr¨¦e de la bande de Gaza, le 1er septembre 2025. Des chars isra¨¦liens ¨¤ l'entr¨¦e de la bande de Gaza, le 1er septembre 2025.   ?ditorial

Sur les projets pour un ?nouveau Moyen-Orient? sans peuple palestinien

Toute action dans la bande de Gaza implique le respect du droit international et l¡¯obligation de prot¨¦ger la population civile. Le d¨¦placement forc¨¦ de la population serait contraire au droit.

Andrea Tornielli*

Le conflit israélo-palestinien a toujours été source de discussions et de polarisations. Le conflit en cours à Gaza et les polémiques qui l'accompagnent ont rendu ce phénomène encore plus extrême, si cela était possible. Des polarisations vives, parfois même radicales, traversent une grande partie de la société civile dans de nombreux pays du monde. Comme toujours, les instrumentalisations, les simplifications et les approximations ne manquent pas, qui, dans un contexte aussi complexe, risquent d'induire en erreur et de faire du mal. Nous retrouvons ce phénomène dans le langage utilisé, dans l'approche extrêmement émotionnelle, dans l'incapacité de se mettre à l¡¯écoute de l¡¯autre.

À l'horreur de ce qui s'est passé il y a maintenant deux ans, l'attaque perpétrée par le Hamas, qui reste un acte terroriste inhumain à condamner sans réserve, a suivi la réaction prévisible d'Israël. Une réaction disproportionnée, qui a largement dépassé les limites éthiquement acceptables, comme le reconnaissent non seulement de très nombreuses autorités internationales, mais aussi de nombreuses voix au sein même d'Israël et, plus généralement, du monde juif.

Si l'on analyse la guerre déclenchée à Gaza en tenant compte de ce qui se passe dans le reste de la Palestine, dans ce qui était autrefois appelé la Cisjordanie, on ne peut s'empêcher de penser que derrière la réaction au massacre du 7 octobre, se cachent d'autres objectifs. L'expansion des colonies, les agressions continues et impunies des colons, les déclarations publiques de certains ministres du gouvernement israélien qui souhaitent la fin de l'Autorité palestinienne, l'annexion de tous les territoires et la déportation des Palestiniens, nous amènent en effet à penser que l'objectif va bien au-delà de l'élimination du Hamas ou de la garantie de la sécurité de l'État d'Israël. L'actualité récente fait état de l'approbation d'une nouvelle colonie dans la zone E1, divisant pratiquement en deux ce territoire, ainsi que de la menace d'annexion de la zone C des territoires palestiniens, d'ailleurs déjà sous le contrôle total d'Israël sans avoir jamais été officiellement annexée.

Dans ce contexte de plus en plus tendu, des «plans» pour un «nouveau Moyen-Orient», une sorte de nouvel ordre dans lequel il ne semble toutefois pas y avoir de place pour le peuple palestinien, sont publiés les uns après les autres, d'abord discrètement, puis de manière de plus en plus ouverte. Le dernier en date est le plan proposé pour le développement futur de Gaza, dont il est question ces jours-ci. Un plan qui prévoit la construction de villes «intelligentes» et de complexes touristiques de luxe. Il prévoit ce qui est significativement appelé «l'évacuation volontaire» des Palestiniens qui pourront, s'ils le souhaitent, revenir un jour (sic!). Et pour ceux qui ne veulent pas partir, des «zones spéciales» sont prévues. C'est un plan qui se commente de lui-même. On aurait pu penser qu'il s'agissait d'un récit de science-fiction, d¡¯un scénario de film fantastique. Mais il semble que ce soit malheureusement une réalité.

La faiblesse de la communauté internationale et des organismes multilatéraux, incapables d'arrêter cette dérive, à laquelle s'ajoute le fait d'ignorer volontairement toute convention internationale, le respect des règles et des comportements moraux, est une triste constatation. Le seul langage qui reste est celui de la violence verbale, avant même l'action militaire.

L'Église n'a pas d'armes et n'a pas le pouvoir d'imposer quoi que ce soit. Sa seule arme est la prière et la force de l'Évangile, qui nous oblige cependant à dire clairement la vérité sur l'homme et sur la vie dans le monde. On ne peut construire aucun avenir fondé sur la force, sur le manque de respect pour la vie de l'homme, sur son aspiration à une existence digne et sûre. Nous le souhaitons ¨Cet nous le réaffirmons avec conviction¨C pour les Israéliens, en continuant à demander la libération immédiate de tous les otages encore piégés dans les tunnels de Gaza, comme l'ont fait dans leurs appels le Pape François puis le Pape Léon XIV. Nous le souhaitons également pour les Palestiniens. Nous demandons que les otages soient traités de manière digne et humaine, et que les Palestiniens de Gaza soient également traités de manière digne et humaine. Nous espérons que des zones de non-combats, véritables zones franches sous protection internationale, seront établies dans toute la bande de Gaza, où les malades, les personnes fragiles et les civils sans défense pourront être accueillis.

Les «évacuations volontaires», c'est-à-dire les déplacements forcés; la destruction totale; les morts sans fin; les hôpitaux touchés; les meurtres quotidiens de ceux qui font la queue pour un morceau de pain; le blocage de toute perspective politique claire visant à donner au peuple palestinien une dignité et un foyer sur sa propre terre, ne pourront jamais construire le futur équilibre du Moyen-Orient. Ce qui se passe actuellement est malheureusement destiné à créer la prochaine génération de haineux et risque d'être le prélude à une nouvelle vague de violence.

Certaines propositions de développement, qui imposent aux Palestiniens un avenir décidé pour eux et peut-être même sur eux, ou pire contre eux, ne sont qu'une preuve supplémentaire d'arrogance et d'aveuglement. L'avenir des Palestiniens ne peut et ne doit être décidé qu'avec eux, jamais sans eux.

L'Église, comme elle le fait déjà, continuera à se pencher sur les blessures de tous. Elle continuera à tendre la main à tous ceux qui veulent contribuer à la création de contextes alternatifs de vie et de dignité. Elle ouvrira toujours les portes à ceux qui ne cèdent pas à la logique de la haine et de la guerre, mais qui cherchent des voies praticables pour parvenir à la paix. Depuis plusieurs années déjà, le Saint-Siège a officiellement reconnu l'État de Palestine et nous ne pouvons rester silencieux aujourd¡¯hui. Nous faisons nôtres une fois de plus les paroles de Léon XIV, en demandant que cesse la barbarie de la guerre, qu'une solution pacifique au conflit soit trouvée, que le droit humanitaire soit respecté, que l'obligation de protéger la population civile soit respectée, que les punitions collectives, l'usage indiscriminé de la force et le déplacement forcé de la population soient interdits.


*directeur éditorial des médias du Vatican

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02 septembre 2025, 14:55