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Françoise Niamien – Cité du Vatican

Le 8 mai 2025, les 133 cardinaux électeurs réunis en conclave élisaient le cardinal Francis Robert Prevost pape, le 267e de l’histoire de l’Église universelle. Une élection intervenue après le décès du Pape François, le 21 avril 2025. À l’annonce de son élection au monde depuis la loge centrale de la basilique Saint-Pierre, les premiers mots du pape Léon XIV ont été un souhait paix: «La paix soit avec vous tous» avait-il lancé. Depuis lors, le nouveau Souverain pontife ne cesse de souligner son intérêt pour un monde pacifié pour les hommes et l’Église appelée à continuer sa mission d’évangélisation. Dans un entretien accordé à Vatican News, en analysant ce premier mois de pontificat de Léon XIV, le père Donald Zagoré, membre de la Société des Missions Africaines (SMA) et analyste politique ivoirien, y voit un pontificat dans les pas de son prédécesseur avec un accent mis sur la paix.

Quelles sont vos impressions au bout du premier mois de pontificat du Pape Léon XIV?

C’est un début de pontificat assez positif. On attendra de voir, comment son approche va être accueillie dans l’Église face à des questions de fond et quand celles qui fâchent vont se poser de manière frontale. De mon avis nous avons affaire à un Pape d’une grande discrétion, qui pour le moment est tout à son honneur. Il s’inscrit bien dans cette dynamique naturelle de continuité et discontinuité avec son prédécesseur. Le Pape Léon XIV est dans les pas du Pape François, bien évidemment avec sa particularité. Il a décidé de promouvoir un christianisme social, dans la perspective synodale du Pape François, de permettre aux femmes de prendre pleinement leur place dans la gouvernance de l’Église (S?ur Tiziana Merletti, comme secrétaire du dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique), et de garder la mission comme le cap de cette identité fondamentale de l’Église. Toutefois, il a une approche différente. On sent qu’il privilégie plus la discrétion et la prudence. Ce sont deux éléments importants pour la diplomatie. Je reste convaincu qu'au c?ur de son pontificat, la place de la diplomatie aura un rôle important. Et bien évidemment, une diplomatie qui se veut prophétique. C’est fondamentalement dans cette perspective que l’on a eu écho d’une proposition du Vatican d’accueillir des pourparlers entre la Russie et l’Ukraine. On aura sans doute un pontificat qui va tenter d’allier diplomatie et prophétisme.

Nous pouvons donc deviner aisément qu’une des lignes directrices du pontificat du Pape Léon XIV est son engagement pour la paix dans le monde. De ce fait quels sont les enjeux et les perspectives de cet engagement ?

C’est à juste titre parce que la guerre sévit partout dans le monde. Presque tous les continents sont affectés aujourd’hui par la guerre. On est en plein dans une guerre froide qui peut dégénérer en une troisième mondiale et qui sera fatale pour l’humanité, vu le fort degré de nucléarisation du monde. La question de la paix se pose comme une nécessité fondamentale. En ce sens, il serait juste pour le Pape Léon XIV de faire de la paix un des axes majeurs de son pontificat, cette nécessite de construire un monde de paix. Comme Jean XXIII avec Pacem in Terris, on pourra s’attendre à une autre encyclique sur la paix avec Léon XIV.

Quelles sont les armes dont il dispose pour mener le combat pour la paix?

La paix est un don de Dieu. La première arme du Pape Léon XIV est la prière, demander au prince de la paix, Jésus, de mettre la paix dans le c?ur des hommes. Qu’il donne au monde sa paix, la vraie paix. Après son élection les premiers mots de Léon XIV au monde ont été «la paix soit avec vous tous». Il n’y a que Dieu qui puisse donner sa paix au monde et cela passe par la prière. Après, comme je l’ai signifié, le Pape a la renommée d’un homme d’unité, il agit avec beaucoup de discrétion et beaucoup de prudence, ce qui laisse croire qu’il privilégie beaucoup la diplomatie. On pourrait naturellement penser que la diplomatie sera un instrument majeur dans son approche. Le plus important est de travailler à avoir une diplomatie prophétique, qui ne condamne pas mais qui ouvre des chemins de vie dans la vérité. Et c'est là que tout va se jouer.

Une mission qui pourrait être difficile?

Un des enjeux majeurs pour la paix est la résolution des conflits. Et pour cela il faut comprendre ce qui se joue réellement au c?ur des conflits. Il y a deux aspects. Nous avons d’une part toute la question des intérêts et d’autre part la question des passions. Si les conflits étaient seulement une affaire d’intérêts, les choses seraient beaucoup plus simples, parce que les intérêts transigent. Ce qui semble important aujourd’hui peut ne pas l’être demain. En ce sens, il est plus facile de faire des concessions. Le plus compliqué dans les conflits est la question des passions qui sont en jeu. Les passions ne transigent pas comme c’est le cas des intérêts, ce qui rend les choses complexes. Et quand on parle de passions, on fait allusion à la volonté de puissance. Par exemple, dans le conflit Russo-Ukrainien, la Russie ne lâche rien parce qu’elle veut montrer sa volonté de puissance. L’Ukraine et ses alliés occidentaux ne veulent en aucun cas apparaître faibles. Dans le fond, la question est comment canaliser les passions pour éviter le maximum de catastrophes. C’est pourquoi le Pape a vu juste en appelant à une paix «désarmée, et une paix désarmante, humble et persévérante».  L’enjeu, ce sont les égos. Le diagnostic du pape étant bon, on peut espérer des actions profondes qui pourront aider à des sorties de crises authentiques. C’est une mission de paix bien difficile mais pas impossible. C’est en cela que nous devons beaucoup prier pour et avec le Pape.  Il y a deux grands enjeux, et quand on a les intérêts et les passions qui sont en jeu, ce n'est pas toujours facile de trouver l'équilibre en vue d’une issue. Donc c'est pour ça qu'il faudra beaucoup prier. Nous les chrétiens, il est de notre devoir de prier pour notre pape, pour qu'il réussisse sa mission, et prier aussi pour que le Seigneur touche les c?urs et y mette la paix parce que le monde en a vraiment besoin.

Dans sa quête de paix on pourrait s’attendre à des voyages apostoliques dans des pays ou des parties du monde en guerre?

Il est possible pour le Souverain pontife de faire des voyages dans le but de rencontrer les parties en conflit dans le monde. On sait déjà par voie de presse que le Saint-Père a eu des contacts téléphoniques avec les présidents Zelensky et Poutine, bien évidement avec au c?ur des échanges la question de la paix. Je crois fermement et je le redis, la diplomatie sera au c?ur du pontificat du Pape Léon XIV. C'est un Pape diplomate. Petit à petit, il va construire sa stratégie, son mode de fonctionnement, et je suis convaincu qu’il y arrivera. Je reste également convaincu qu’on aura une encyclique sur la paix avec le Pape Léon XIV. Je ne veux pas me jouer le prophète, mais je crois qu'on aura une encyclique sur la paix, on aura des actes forts qui seront posés dans ce sens.

Quel est votre mot de la fin?

De ce premier mois de pontificat du Pape Léon XIV, je retiens qu'il avance tout doucement. Je pense que c'est une période assez importante, on essaie de mettre les mains dans les mains, afin de pouvoir construire quelque chose de bon et de beau. Et comme il le disait, «nous devons laisser l'Église et l'Évangile rayonner sur le monde». Donc on est bien lancé et on continue de prier pour notre Pape.