La papamobile, emblème de la papauté
Augustine Asta – Cité du Vatican
Il est 9h ce 18 mai, 5e dimanche de Pâques. Le temps semble avoir suspendu son vol. Léon XIV, debout et souriant à bord de sa papamobile, un tout petit véhicule blanc, se fraye un chemin dans les allées de la place Saint-Pierre et en territoire italien jusqu’à l’extrémité de la via della Conciliazione (conçue dans les années 1930) entre le Vatican et le château Saint-Ange. Le nouveau Souverain pontife de 69 ans est ainsi allé en papamobile au contact des fidèles et des pèlerins. Dans une atmosphère festive et joyeuse, il a salué et béni la foule qui, au passage, l’a acclamé et applaudi tout en criant parfois à gorge déployée son nom en italien «Leone… Leone… Leone…», agitant pour certains des drapeaux de leur pays d’origine avec à la clé des «viva il papa», en français «vive le Pape». La papamobile a ensuite disparu sous “l’arco delle campane” (l’arc des cloches, ndlr), le passage vouté à gauche de la basilique, pour rejoindre la sacristie.
Dix jours après son élection comme Successeur de Pierre, Léon XIV a donc effectué sa toute première immersion parmi les fidèles, peu avant la messe d'inauguration de son pontificat. Si le rite officiel ne prévoit pas de bain de foule avant la célébration, Léon XIV, tout comme son prédécesseur Jorge Mario Bergoglio (le 19 mars 2013), a aussi décidé d’effectuer un long tour de papamobile sur la place Saint-Pierre pour saluer les fidèles présents.
Les détails de la papamobile de Léon XIV
La papamobile utilisée par Léon XIV est une Mercedes de Classe G électrique construite à la main en une seule pièce et équipée de quatre moteurs électriques, un sur chaque roue. Ledit véhicule avait été offert à son prédécesseur, François, par Mercedes avant le début du Jubilé. À l'occasion de l'Année Sainte 2025, le constructeur automobile allemand avait alors remis au défunt Pape mercredi 4 décembre 2024, cette voiture découverte. L'équipe de spécialistes de différents sites de Mercedes avait travaillé pendant près d'un an avec des représentants du Vatican pour adapter la voiture aux exigences du Pape François. Une grande attention avait été accordée à l'absence d'émissions de dioxyde de carbone, le Vatican s'étant en effet fixé pour objectif de rendre chacun de ses véhicules totalement exempt d'émissions d'ici à 2030.
Des détails tels que le siège pivotant et le mobilier intérieur ont été façonnés à la main. Le concepteur avait soigné en particulier la partie arrière du véhicule, précisant qu’«il s'agit d'une pièce unique dotée de toutes les fonctions». Le véhicule est basé sur la nouvelle Classe G électrique à transmission intégrale. Il a été spécialement conçu pour une vitesse réduite. Par rapport à la Classe G classique, le toit a été supprimé. En cas de pluie ou de mauvaises conditions météorologiques, un toit rétractable protège les occupants. Sur le côté droit, le hayon a été transformé en charnières contrarotatives, tandis que le côté gauche a été entièrement soudé. Un seul siège pivotant et réglable en hauteur a remplacé la banquette à l'arrière, tandis que derrière le siège se trouvent deux sièges individuels pour d'autres passagers éventuels.
La papamobile, véhicule symbolique du Vatican
En effet, ce véhicule hors du commun, connu dans le monde entier, et qui porte le nom de son propriétaire, se reconnaît facilement grâce à sa couleur, généralement blanche, et à sa silhouette rehaussée d’un siège surélevé duquel l’évêque de Rome salue la foule. Véhicule symbolique du Vatican, la papamobile est donc l'une des nombreuses voitures papales spécialement aménagées permettant au Souverain pontife de parcourir d'immenses foules de sympathisants, place Saint-Pierre ou lors de ses visites officielles. Le seul point commun entre toutes ces voitures papales c’est la plaque d’immatriculation unique: «SCV 1», pour Status Civitatis vaticanæ, en latin, ou «Stato della Città del Vaticano, veicolo numero 1» en italien, ce qui signifie en français: «État de la Cité du Vatican, véhicule numéro 1». Car c’est la toute première voiture à avoir été immatriculée dans le plus petit État au monde. Dans ces véhicules d’un autre genre, le Pape peut ainsi s'asseoir ou se tenir debout durant un trajet, encadré par des agents de sécurité. La conception de la papamobile permet aux personnes présentes d'avoir une vue dégagée sur le Pape.
La papamobile: un véhicule chargé d’histoire
L’histoire de l’introduction de la papamobile dans la papauté est intéressante à conter aux amateurs d’automobiles mais aussi aux curieux et autres adeptes des anecdotes croustillantes. Bien avant l’ère des véhicules motorisés, les Papes se déplaçaient sur une sedia gestatoria, sorte de trône mobile porté par des palefreniers pontificaux. Les fidèles pouvaient ainsi apercevoir leur guide spirituel au-dessus de la foule lors des processions et des apparitions publiques. Des carrosses traditionnels aux véhicules modernes, chaque papamobile raconte une histoire, qui met en avant non seulement la personnalité du Pape mais aussi les circonstances politiques et sociales de son époque.
Pour remonter à la genèse de la papamobile, il faut aller en 1909. À l’époque, la toute première papamobile avait été offerte à Pie X. Cependant, il n’en fera aucun usage. À cette époque, le Vatican était encore en conflit avec l’Italie sur des questions de souveraineté, limitant les déplacements des Papes. Ce n’est qu’après les accords du Latran de 1929, reconnaissant l’État du Vatican, que les Papes ont pu sortir librement, inaugurant une nouvelle ère pour la papamobile. Il faudra ainsi attendre de longues années pour voir ce qui est considéré comme la première papamobile de l'histoire. C’est ainsi que le Pape Pie XI recevra dans les années 1930 un cadeau venant tout droit de Stuttgart. En effet, il s’agissait d’un modèle Nürburg 460 en édition Pullman, offert par le constructeur allemand Mercedes-Benz. Mais son successeur Pie XII (1939-1958), préféra faire appel en 1940 à Cadillac. Et c’est dans les années 1970, après le concile Vatican II, que Paul VI (1963-1978) opta pour la plate-forme surélevée, aménagée sur une Toyota Land Cruiser. Un peu plus tard, le Vatican adoptera, pour l’essentiel, la couleur blanche, celle de la papauté.
Le premier véritable exemplaire de papamobile, telle qu’on peut la voir aujourd’hui, fut donc la Toyota Land Cruiser, suivie par la Fiat Campagnola, associée cependant à l’attentat du 13 mai 1981 que subit le Pape Jean-Paul II place Saint-Pierre. Immédiatement après l’attentat, le niveau de sécurité et de protection du Saint-Père a été relevé, ainsi la papamobile se présenta dans une nouvelle version, blindée cette fois. Il s’agit notamment de la Land Rover Santana et de la Mercedes-Benz 230 GE qui, entrées en fonction respectivement en 1983 et en 1990, sont restées en service jusqu’en 2002. Cependant, contrairement à ses prédécesseurs, François tout comme le nouveau Pape Léon XIV a choisi un modèle sans vitre blindée, privilégiant ainsi la connexion directe avec les fidèles.
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