Les JMJ selon Jean-Paul II, une aventure proph¨¦tique vue par l¡¯un de ses acteurs
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
Le 2 avril 2005, il y a vingt ans, jour pour jour, à 21h37, les cloches de Saint-Pierre retentissaient, le monde retenait son souffle, le deuil était pour la première fois planétaire. Jean-Paul II s¡¯éteignait à 84 ans après 26 ans et demi de pontificat et une lente agonie. La nouvelle de la mort du Pape Jean-Paul II parvenait de Rome aux quatre coins du globe par les moyens de télécommunications encore limités de l¡¯époque. Peu après l¡¯annonce, 130 000 personnes étaient déjà rassemblées spontanément place Saint-Pierre, en larmes et en prière pour le Pape de tous les records. Au fil de ce second plus long pontificat de l¡¯histoire, Jean-Paul II a sillonné 129 pays et présidé dix JMJ. Retour sur cette création originale et visionnaire, épousant les signes des temps. Mgr Renato Boccardo, aujourd'hui archevêque de Spoleto-Norcia (Italie), était chargé auprès de Jean-Paul II, d¡¯organiser les JMJ de 1992 à 2001. Entretien.
Comment est née cette fabuleuse intuition du Pape polonais au crépuscule de la Guerre froide?
C'était lors du Jubilé extraordinaire de la Rédemption en 1983. Au milieu des nombreuses rencontres prévues, le Pape a souhaité qu'il y ait une rencontre internationale pour les jeunes, place Saint Pierre, le dimanche des Rameaux. La réponse des jeunes l¡¯a surpris et a dépassé toutes les attentes. Des milliers d¡¯entre eux se sont rassemblés à Rome pour proclamer leur foi.
Puis, en 1985, l'ONU avait lancé l'année internationale de la jeunesse et le Pape a voulu renouveler cette rencontre considérant que l'Église se devait d¡¯être présente auprès des jeunes. Une deuxième rencontre internationale à Rome a fait jaillir dans le c?ur du Pape l'idée des Journées mondiales. Il était conscient de cette attente dans le monde de la jeunesse. Il a ainsi créé les Journées mondiales de la jeunesse, annonçant un dimanche à la fenêtre, à l'Angélus, que les jeunes se rassembleraient quelque part dans le monde, et qu¡¯il irait avec eux.
Cela est né de l'intuition qu'il a eue en tant que jeune prêtre lorsqu¡¯il disait dans son livre «Entrez dans l'espérance»: «La jeunesse n'est pas simplement le temps du passage de l'adolescence à l'âge adulte, c'est le temps où l¡¯on fait les grands choix de la vie. La réussite ou l'échec de l'existence dépendent de quelques oui et de quelques non que l'on est capable de dire quand on est jeune». C'est donc à ce moment-là que l'Église doit prendre soin de la jeunesse et aider les jeunes à faire les grands choix.
L¡¯institution des JMJ est-elle l'un des faits les plus marquants du pontificat Jean-Paul II? Quelle en serait la fécondité persistante?
C¡¯est l'une des caractéristiques fondamentales de son pontificat. Il partait du principe missionnaire qu¡¯il y a une annonce explicite de Jésus-Christ à faire. Il y a la découverte de l'universalité de l'Église, se sentir part de ce grand peuple des croyants. Il terminait toujours les journées mondiales en disant aux jeunes: «En rentrant chez vous, racontez ce que vous avez vécu». Cela part de la première homélie de Jean-Paul II en 1978 quand il a dit «N'ayez pas peur, ouvrez, ouvrez les portes au Christ». Ces quelques mots synthétisent son pontificat. Les Journées mondiales de la jeunesse les incarnent.
En quoi était-ce une initiative prophétique? Et comment cette intuition manifeste-t-elle une Église, déjà en sortie, épousant les signes des temps?
Nous disions déjà à l¡¯époque que les jeunes s¡¯éloignaient de plus en plus de l'Église. Jean-Paul II a voulu sortir pour aller à la rencontre des jeunes. On a vu que les jeunes attendaient, sans parfois même le savoir, quelque chose de semblable. Et ils ont répondu. On a parlé de la génération Jean-Paul II, c'est peut-être trop, mais en tout cas, la présence du Pape, son message, la proximité qu'il a exercée vis-à-vis du monde de la jeunesse a suscité un intérêt et une réponse.
J¡¯ai été personnellement témoin de plusieurs choix de vie qui en ont découlé: des jeunes qui se sont décidés pour le mariage, pour le sacerdoce, pour la vie consacrée, lors des JMJ. L'idée du Pape était de poser des questions. Il y a eu des réponses. Les jeunes ont toujours manifesté leur désir de se rencontrer, de se connaître évidemment, et même de faire une expérience d'universalité. On est en effet parfois renfermé un peu dans son petit monde et nous savons combien les jeunes rêvent de quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus exigeant même. Le Pape a interprété un besoin et une demande.
Quel souvenir auriez-vous de moments historiques des JMJ qui auraient marqué l'histoire de l'humanité?
C'est difficile à dire. J¡¯ai quelques souvenirs. Par exemple, quand le Pape leur a dit: «C'est vous qui devez transférer l'Évangile dans le troisième millénaire, c'est vous qui pouvez être artisans de la paix. C'est encore vous qui avez la responsabilité d'être proches des malheureux, des pauvres». Le Pape leur a fait confiance et toute une génération qui a grandi avec le pontificat de Jean-Paul II a pris des responsabilités au c?ur de la société et de l'Église. Il y a eu une contribution significative pour la paix, la justice, la solidarité, surtout pour la vision de l'homme et d'une société. Grâce aussi, pas exclusivement, mais grâce aussi aux JMJ.
Quelle relation entretenait Jean-Paul II avec la jeunesse? Quel était son rapport personnel aux jeunes?
Une anecdote: lors de la journée mondiale de Denver aux États-Unis en 1993, le Pape arrive. Il y avait la grande fête de l'accueil dans un grand stade. Il monte l'escalier pour rejoindre le podium, s'arrête et regarde intensément cette foule de jeunes qui chantaient et applaudissaient. On voit le Pape très, très ému. Le grand écran retransmettait donc ce premier plan où l¡¯on voyait qu'il avait les larmes aux yeux. Le lendemain, les journaux américains racontaient l'arrivée du Pape. Et un jeune Américain interviewé lance: «J'ai vu le Pape les larmes aux yeux. Michael Jackson n'a jamais pleuré pour moi». C¡¯est très fort. Les jeunes ont perçu qui il était, qu¡¯ils étaient, eux, importants pour le Pape et que le Pape les aimait. Le Pape leur faisait confiance. Cela les a touchés.
La prochaine édition des JMJ aura lieu à Séoul en Corée en 2027. Qu¡¯aurait pensé, selon vous, Jean-Paul II de ce choix, vous qui avez vécu ensemble les gigantesques JMJ de Manille en 1995, premières de l'histoire en Asie?
Jean-Paul II, lors des Journées mondiales de Manille justement, avait déclaré que le continent asiatique serait le continent du troisième millénaire. Si le christianisme s'est développé pendant le deuxième millénaire en Europe, en Afrique, le troisième millénaire sera dévolu à l'Asie. Alors pourquoi ne pas voir un lien entre Manille, Séoul avec la même intuition, la même perception? l'Asie, c'est peut-être le continent du futur. Je pense aussi au voyage apostolique de Paul VI en Asie. C'était une première. Paul VI avait dit lors de sa présence à Manille en 1970: «Je suis venu vous annoncer le Christ qui est la vie du monde». Il y a une attention qui se renouvelle, un geste de confiance. L¡¯Asie peut vraiment être le continent chrétien du troisième millénaire.
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