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Le pr¨¦sident syrien ¨¤ l'ouverture de la conf¨¦rence nationale de dialogue ¨¤ Damas, 25 f¨¦vrier 2025 Le pr¨¦sident syrien ¨¤ l'ouverture de la conf¨¦rence nationale de dialogue ¨¤ Damas, 25 f¨¦vrier 2025  Les dossiers de Radio Vatican

Entre enthousiasme et prudence, la Syrie ¨¤ un tournant de son histoire

Depuis le 8 d¨¦cembre, jour de la fuite ¨¤ Moscou de Bachar al-Assad, la Syrie essaie de s¡¯engager vers un nouvel avenir. Le pr¨¦sident autoproclam¨¦ issu d¡¯un groupe islamiste radical joue la carte du rassemblement. Dans les faits cependant, le discours est confront¨¦ ¨¤ une r¨¦alit¨¦ emprunte de profondes incertitudes. Le t¨¦moignage de l¡¯archev¨ºque syriaque catholique de Homs, Mgr Jacques Mourad.

Jean-Charles Putzolu ¨C Cité du Vatican

Voilà presque trois mois que le régime syrien est tombé, trois mois que le nouveau président Ahmed al-Charaa tente de convaincre qu¡¯une nouvelle Syrie est possible, intercommunautaire et interconfessionnelle. C¡¯est dans cet objectif qu¡¯une conférence de deux jours sur le dialogue national s¡¯est ouverte lundi 24 février à Damas avec pour ambition de représenter tous les Syriens, alors que pendant quatorze ans il se sont opposés dans le sang entre soutiens au régime alaouite du parti Baas de Bachar al Assad, les différentes factions rebelles, les combattants kurdes et les mouvements islamistes radicaux dont est issu le nouveau chef de l¡¯État autoproclamé.

Entretien avec Mgr Mourad

Mais la réalité, vue de l¡¯intérieur, présente encore une grande fragilité accompagnée d¡¯incertitudes. Alors que les nouvelles autorités tentent de rassembler, l¡¯esprit de vengeance rode encore et l¡¯ombre de la loi islamique plane sur le pays. Pour l¡¯archevêque syriaque catholique de Homs, «la période que nous traversons est délicate parce que la Syrie se trouve dans un état de faiblesse totale» et dans un certain «chaos aussi, surtout au niveau de la sécurité». Mais «nous gardons encore l'espérance pour le futur de notre pays et de nos peuples», assure Mgr Jacques Mourad.

Des défis considérables à relever

La joie des premières heures de la «libération du régime», début décembre, est encore bien présente. Cela «a changé tous les c?urs» et donné de la force pour affronter les énormes défis que le pays est appelé à relever. La Syrie doit se doter d¡¯une justice transitionnelle, d¡¯une nouvelle constitution, réformer ses institutions et son économie, garantir l'unité du territoire syrien, ainsi que les libertés publiques, individuelles et politiques. Dès le 1er mars, un nouveau gouvernement reflétant la diversité du peuple syrien, devrait voir le jour. Signe encourageant, l¡¯Union européenne a décidé en début de semaine de lever une partie des sanctions dans les secteurs bancaires, de l¡¯énergie et des transports. Elles étaient en vigueur depuis le début de la guerre civile en 2011.

Attention aux faux prophètes

Le peuple syrien «aime la vie et prend ses responsabilités», dit encore l¡¯archevêque qui veut rester confiant dans la capacité des forces vives à s¡¯engager pour le développement et le renouvellement du pays. Vu de l¡¯extérieur, le discours officiel est rassembleur. «En de nombreuses occasions, [les nouvelles autorités] ont exprimé leur engagement et leur désir que nous fassions partie de cette nouvelle Syrie», souligne l¡¯archevêque de Homs tout en observant qu¡¯au quotidien, le terrain est encore accidenté. Malgré les assurances reçues et renouvelées par Ahmed al-Charaa, Mgr Mourad regrette que les faits ne correspondent pas aux promesses: «La charia et toutes les lois fanatiques ne sont pas vraiment le signal d¡¯une Syrie ouverte à tous, mais juste une Syrie pour les fanatiques musulmans». Or, continue Jacques Mourad -qui connait bien les islamistes radicaux pour avoir été retenu en otage pendant cinq longs mois en 2015-, les Syriens n¡¯ont jamais adopté un mode de vie compatible avec la charia. «Ce n¡¯est pas dans l¡¯habitude des femmes de porter le hijab, c¡¯est hors de notre logique», insiste-t-il. Tout comme les Syriens n¡¯ont jamais vécu séparés entre hommes et femmes dans les lieux publics ou dans les transports. «Ils ont déjà imposé ça, mais jusqu'aujourd'hui, contraints, les gens obéissent, mais ils ne sont pas contents, ils ne sont pas convaincus».

Des chrétiens victimes de violence

Dans certains villages, détaille le religieux, des chrétiens ont été pris à partie, même si «il n'y a aucune comparaison avec les alaouites», dit-il aussitôt dans une référence au courant musulman dont était issu le président déchu Bachar al-Assad. Il ne peut cependant pas dire avec certitude si ces violences sont des effets collatéraux liés aux mouvements radicaux qui ne répondent pas à l¡¯appel au rassemblement intercommunautaire de l¡¯ancien chef des HTS (Hayat Tahrir al-Sham) et aujourd¡¯hui président syrien, ou s¡¯il s¡¯agit d¡¯une politique gouvernementale qui est en train de se mettre en place. «Ce n'est pas encore clair», avoue-t-il. Ce flou l¡¯empêche de faire confiance à qui que ce soit, «ni au gouvernement, ni aux groupes liés au gouvernement». Puis il précise: «comme il n'y a pas vraiment de distinction entre ces groupes et le gouvernement, je ne peux pas séparer la responsabilité du gouvernement de tous ces actes violents qui se vérifient dans certaines régions, surtout dans notre région de Homs».

Un contexte peu favorable au retour des réfugiés

Il est clair qu¡¯un tel climat d¡¯incertitude et les violences sporadiques alliées parfois à un esprit de vengeance vis-à-vis des collaborateurs du régime des Assad, et en l¡¯absence d¡¯un système judiciaire opérationnel, le climat ne favorise pas le retour des millions de Syriens qui se sont expatriés. «Il faut que certaines conditions soient réunies pour que les déplacés et les chrétiens reviennent», estime Mgr Mourad. Il établit une liste: «En premier lieu, il nous faut un État représentatif de toutes les communautés et de toutes les confessions»; ensuite, «nous avons besoin d'une constitution stable, claire, acceptée par tous. Si la constitution se base sur la loi islamique, alors seuls les sunnites reviendront, et pas tous». Autre question cruciale, la justice: «ça reste un rêve pour nous parce qu'il n'y a pas de vraie justice en Syrie, il y a toujours cette tentation de revanche qui est loin d¡¯encourager les gens à revenir et surtout les chrétiens».

Confiant malgré tout

Mgr Jacques Mourad rappelle que dans son histoire, la Syrie a toujours été un exemple de coexistence pacifique et d'harmonie entre les communautés, les ethnies et les religions. Il faut qu¡¯il en soit ainsi dans l¡¯avenir, affirme-t-il, «malgré toutes les difficultés, tous les défis à surmonter qui font monter la tension». Les gens sont «bons et généreux», et «la politique n'a pas la force de changer le c?ur du peuple syrien».

 

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25 f¨¦vrier 2025, 14:49