La Russie joue sa carte en Libye
Entretien réalisé par Xavier Sartre ¨C Cité du Vatican
Dimanche 24 novembre une délégation américaine a rencontré le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle l¡¯Est de la Libye. Elle en a profité pour dénoncer la présence de deux cents à trois cents mercenaires russes travaillant pour la société privée Wagner, connue pour ses contrats dans plusieurs pays comme la Syrie ou la République centrafricaine, et a mis en cause la Russie qui nie tout lien avec ces hommes armés. Washington, pour sa part, soutient «pleinement la souveraineté et l¡¯intégrité territoriale de la Libye» et demande ainsi au maréchal Haftar de travailler à une solution pacifique et politique du conflit en cours et au départ de ces troupes étrangères.
Ce n¡¯est pas la première fois que les Américains abordent le sujet de la présence russe aux côtés du gouvernement de l¡¯ancien général du colonel Kadhafi, précise Moncef Djaziri, professeur à l¡¯Université de Lausanne et spécialiste de la Libye. La destruction d¡¯un drone américain au-dessus de Tripoli a été attribué par les forces américaines aux mercenaires russes, même si l¡¯armée du maréchal Haftar a reconnu une erreur, semblant exonérer les paramilitaires. De cet incident, sont reparties les récriminations de Washington.
La Russie joue sur les deux tableaux
Pour Moncef Djaziri, plus que l¡¯engagement de ces troupes de Wagner, c¡¯est la présence officielle cette fois, d¡¯experts et de conseillers militaires russes auprès du maréchal Haftar qui est préoccupant. Cette aide montre bien l¡¯intérêt que le gouvernement russe nourrit pour la Libye, un intérêt bien antérieur au renversement du colonel Kadhafi par la coalition internationale. «La Russie a deux fers au chaud» explique le chercheur. D¡¯un côté elle soutient tout comme le restant de la communauté internationale le gouvernement de Fayez al-Sarraj, de l¡¯autre elle apporte une assistance au camp opposé, se montrant volontiers comme la seule puissance capable de faire dialoguer les deux parties.
En s¡¯investissant ainsi de la sorte, Moscou veut se positionner pour obtenir de futurs contrats liés à la reconstruction du pays et à ses ressources énergétiques, précise Moncef Djaziri. Il veut aussi obtenir un gain stratégique, la Russie cherchant depuis longtemps à prendre pied sur la rive méridionale de la Méditerranée en s¡¯assurant au moins un port comme en Syrie.
Mais cette présence ambivalente de la Russie n¡¯est pas la seule, nuance le professeur de l¡¯Université de Lausanne. La Turquie a ainsi signé mercredi un nouvel accord militaire avec le gouvernement libyen d¡¯union nationale. Les liens entre les deux armées seront renforcés selon les autorités des deux pays. Ce qui n¡¯est pas moins inquiétant estime Moncef Djaziri.
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