ÐÓMAPµ¼º½

Recherche

Mgr Pascal Gollnisch. Mgr Pascal Gollnisch. 

Mgr Pascal Gollnisch, 15 ann¨¦es pass¨¦es au service des chr¨¦tiens d'Orient

Ce 1er septembre, l'Oeuvre d'Orient a un nouveau secr¨¦taire-g¨¦n¨¦ral, le p¨¨re Hugues de Woillemont. Il succ¨¨de au p¨¨re Pascal Gollnisch qui fut durant 15 ann¨¦es ¨¤ la t¨ºte de l'organisation d'aide aux communaut¨¦s chr¨¦tiennes orientales. Mgr Gollnisch se retourne sur ces denses ann¨¦es, v¨¦cues au plus pr¨¨s de ces chr¨¦tiens. Des ann¨¦es tourment¨¦es mais aussi marqu¨¦es par l'esp¨¦rance.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

Ce lundi 1er septembre voit entrer en fonction le père Hugues de Woillemont au poste de directeur-général de l'?uvre d'Orient. Depuis près de 170 ans, l¡¯association est au service des chrétiens d¡¯Orient, dans 23 pays, de l¡¯Irak au Liban en passant par l¡¯Arménie, l'Ethiopie ou encore l¡¯Ukraine, particulièrement engagée dans l¡¯éducation, la santé ou l¡¯aide au plus démunis. Une présence essentielle auprès de communautés parfois très fragilisées. Après de longues années comme prêtre du diocèse de Paris, le père Pascal Gollnisch a été nommé en 2010 à la tête de l'association, devenant également vicaire-général de l¡¯Ordinariat des catholiques orientaux de France. Retour sur forme de bilan de ces nombreuses années passées sur le terrain auprès de ces communautés chrétiennes orientales, souvent fragilisées mais toujours debout. 

Entretien avec Mgr Pascal Gollnisch, ancien directeur de L'?uvre d'Orient

Quel bilan tirez-vous de ces quinze années de perpétuels changements au Moyen-Orient?

Ce Moyen-Orient est un peu désespérant, parce qu'on a l'impression de crises à répétition et que la population continue à souffrir sans parvenir à pouvoir prendre son destin en main. Ce qui m'a frappé durant ces quinze années, c'était après le synode à Rome sur les chrétiens du Moyen-Orient (en 2010, ndlr), il y a eu très vite l'attentat dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad puis, peu après, l'attentat dans la cathédrale orthodoxe d'Alexandrie. Donc, très vite après ce synode qui avait été tout de même un moment de rencontre, de communion, d'espérance et de perspectives, pour lequel le Pape Benoît XVI s'était beaucoup engagé, il y a eu ces drames. Ensuite, ça a été les mouvements du Printemps arabe qui ont été une vraie espérance. Par exemple, au Caire, il y avait eu une fraternisation entre les jeunes musulmans et les jeunes chrétiens. Ces espoirs n'ont pas été suffisamment couronnés de succès, même s'ils n'ont pas été inutiles, loin de là.

On a tous suivi l'irruption de l'État islamique. Comment avez-vous vécu ces années au plus près des communautés chrétiennes qui ont souffert ?

Daesh, je l'ai surtout perçu en Irak parce que j'allais tout proche de sa limite d'influence. J'étais à moins de cinq kilomètres et j'ai rencontré les populations irakiennes et en particulier chrétiennes, qui ont été chassés de leurs maisons, de leurs villes, de leurs villages, d'une manière extrêmement brutale et extrêmement soudaine. L'État islamique a été vraiment un recul de civilisation, c'est à dire que réellement la vie humaine ne valait plus rien. Tout cela a été vraiment une chose effroyable. Cela a été pour les chrétiens l'occasion de vivre quelque chose d'extrêmement dur, mais je crois aussi d'extrêmement fort. Par exemple, nous pensons aux chrétiens de Qaraqosh, dans le nord de l'Irak, près de Mossoul. Quand Daesh a été neutralisé, Qaraqosh a été reconstruit, les églises de Mossoul ont été reconstruites. C'est aussi un chemin de reconstruction, de résurrection, et l'un des plus beaux signes de cette résurrection a été le voyage du Pape François en Irak, à Bagdad, mais aussi à Mossoul, à Qaraqosh, à Erbil. Ça a été un voyage tout à fait considérable. 

Durant toutes ces années, vous avez sillonné le Proche et le Moyen-Orient. Qu¡¯avez-vous appris de ces communautés chrétiennes?

C¡¯est toujours un peu un étonnement pour un latin, de faire l'expérience que l'Église catholique est composée de diverses Églises particulières et que l'Église latine n'est jamais que l'une de ces Églises particulières catholiques. Elles sont en communion avec le Pape, avec l'évêque de Rome, mais chaque Église a ses traditions, ses rites, son autorité propre. Dans une église orientale, il y a un synode des évêques, il y a une autorité avec un patriarche, Rome respectant ces autorités propres. Une deuxième chose est de voir comment le dialogue ?cuménique fonctionne concrètement, parfois davantage au niveau des fidèles qu'au niveau des hiérarchies. Ensuite, j¡¯ai découvert la richesse du dialogue interreligieux, qui est essentiellement au Moyen-Orient le dialogue avec les musulmans, même s'il y a aussi la question des fidèles juifs. Cette question des musulmans est une question extrêmement complexe et large. Parfois nous autres, en Europe, en France, nous risquons de la simplifier pour la caricaturer, soit pour dire que ça n'y a aucun problème avec les musulmans, ce qui n'est pas vrai, soit pour dire qu¡¯il y a des tas de problèmes et qu'il n'y a que des problèmes avec les musulmans, ce qui n'est pas vrai non plus. C'est une question complexe, en particulier l'islam sunnite et ses différentes mouvances. Il n'y a pas une autorité unique et par conséquent, il faut apprendre la complexité de l'islam. C'est une grande leçon et aussi une grande richesse parce que, dans cette complexité, vous voyez aussi des courants spirituels, mystiques qui sont tout à fait remarquables.

¡°Le Moyen-Orient est une caisse de résonance des tensions du monde entier¡±

Il y a ensuite la question monde politique, il est sous tension, mais parce que nous devons bien comprendre que le Moyen-Orient est un carrefour et que par conséquent, tout le monde veut essayer de se l'approprier. Le Moyen-Orient est une caisse de résonance des tensions du monde entier, même si le fait d'être carrefour, c'est aussi ce qui permet une grande richesse de civilisation. On a le sentiment, d'un point de vue chrétien, que la doctrine sociale de l'Église, qui est quand même une sorte de guide, de perspective d'actions des chrétiens est une doctrine qui a beaucoup été élaborée dans un milieu occidental. C'était la fin du XIX? siècle et le début du XX? siècle, c'était les luttes sociales entre le capital et le travail, le problème de l'entreprise. Cette doctrine sociale devrait selon moi être revue, repensée pour les sociétés du Moyen-Orient qui ont peut-être aujourd'hui d'autres questions, d'autres difficultés. Et puisque notre Pape a pris le prénom de Léon, je souhaiterais une grande encyclique de Léon XIV sur la doctrine sociale de l'Église appliquée au Moyen-Orient.

Ces chrétiens d'Orient ont parfois une image un peu fantasmée dans nos pays occidentaux, loin de ces terrains-là, au risque parfois de les instrumentaliser, avez-vous ressenti cela ?

Il ne faut pas les instrumentaliser, ça c'est très important. Nous ne sommes pas leurs protecteurs et nous n'avons pas à les instrumentaliser pour des débats occidentaux. Ce sont des gens qui ont une foi très profonde, même si elle ne se réfléchit pas comme chez nous. C'est un héritage reçu, mais un héritage pour lequel ils pourraient risquer la mort. Ces chrétiens sont aussi des gens profondément attachés à la famille, et nous devons réfléchir à cela, à voir combien cette force de la famille en Orient est vraiment un soutien pour les populations. Ce sont enfin des gens attachés à leur terre, et ceux qui doivent parfois partir en exil ont le c?ur brisé de quitter cette terre qu'ils aiment. Il n'y a pas un désir de fuite éperdue, s'ils doivent partir, c'est parce qu'ils y sont contraints et les responsabilités internationales et occidentales doivent aussi être mesurée de manière précise et responsable.

Vous avez aussi à la tête de l'?uvre d'Orient effectué de nombreuses missions en Ukraine, où la guerre se poursuit. Ça aussi, c'est quelque chose qui vous a marqué durant toutes ces années?

Ni mes collaborateurs, ni moi-même nous ne sommes revenus de nos voyages d'Ukraine inchangés et indemnes. On est toujours bouleversé par le courage et la foi du peuple ukrainien, qui est à la fois agressé très injustement et martyrisé. La Russie n'était menacée en rien du tout, c'est la propagande qui fait croire que la Russie pouvait être menacée. Personne n'avait l'idée de mettre un pied militaire en Russie, pour la raison simple que c'est une grande puissance nucléaire, et que l'on n'entre pas comme ça dans une puissance nucléaire.

Mgr Paascal Gollnisch, à Bagdad en 2021, lors du voyage du Pape François.
Mgr Paascal Gollnisch, à Bagdad en 2021, lors du voyage du Pape François.

 

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester inform¨¦, inscrivez-vous ¨¤ la lettre d¡¯information en cliquant ici

01 septembre 2025, 14:28