ÐÓMAPµ¼º½

Recherche

C¨¦l¨¦brations du drapeau national ukrainien, ¨¤ Kiev, le 23 ao?t 2025. C¨¦l¨¦brations du drapeau national ukrainien, ¨¤ Kiev, le 23 ao?t 2025.   (ANSA)

Mgr Shevchuk: il y a grand espoir ¨¤ ce que la guerre en Ukraine prenne fin

Au moment o¨´ l'Ukraine c¨¦l¨¨bre son ind¨¦pendance, trois ans et demi apr¨¨s l'invasion russe, l'archev¨ºque majeur de Kiev Mgr Sviatoslav Shevchuk raconte aux m¨¦dias du Saint-Si¨¨ge les souffrances et les esp¨¦rances du peuple ukrainien. Le chef de l'?glise grecque-catholique exprime sa gratitude pour la solidarit¨¦ internationale et r¨¦affirme sa confiance totale en Dieu.

Svitlana Dukhovych ¨C Cité du Vatican

Ce dimanche marque le 34e anniversaire de l'indépendance de l'Ukraine vis-à-vis de l'ancienne Union soviétique. Le 24 août 1991, elle a été proclamée par un acte adopté par le Parlement ukrainien et, le 1er décembre de la même année, un référendum populaire l'a confirmée avec plus de 90% des voix. Ce fut un tournant qui changea également le rôle de l'Église grecque-catholique dans le pays, qui était clandestine jusqu'en 1989. Entretien avec son archeveque majeur, Mgr Sviatoslav Shevchuk.

Comment le rôle de l'Église grecque-catholique a-t-il évolué avec le rétablissement de l'indépendance de l'Ukraine en 1991?

Non seulement à l'époque de la clandestinité, pendant l'Union soviétique, mais aussi avant, même lorsqu'il n'existait pas de véritable État, l'Église était pour le peuple ukrainien la seule structure sociale qui le représentait. Il en a été ainsi pendant la Confédération polono-lituanienne, puis pendant l'Empire autrichien, l'Empire russe et enfin pendant la deuxième République de Pologne. Souvent, l'Église était la seule voix qui défendait le peuple ukrainien: elle était appelée à jouer un rôle qui revient normalement à l'État en ce qui concerne les droits des citoyens. L'Église grecque-catholique a toujours soutenu le désir du peuple de former son propre État, notamment afin de pouvoir confier les responsabilités civiles, dont elle s'était toujours chargée, à un véritable gouvernement. L'Église a joué un rôle très important dans l'histoire, en particulier au début du processus de dissolution de l'Union soviétique et aux débuts de l'État ukrainien indépendant. L'Église a continué à incarner les fondements de la doctrine sociale de l'Église, selon lesquels, même dans la nouvelle réalité d'un État indépendant, il restait fondamental de défendre la dignité de chaque personne humaine, de promouvoir le sens des responsabilités, le bien commun et sa propre identité.

 

Dans les années 1990, l'Église ukrainienne a joué un rôle fondamental dans la transformation de la société post-soviétique, c'est-à-dire d'une société post-coloniale à une société démocratique. Elle a véritablement joué le rôle de Mater et magistra, mère et éducatrice, formatrice de son propre peuple.

Le 24 août, jour où l'Ukraine célèbre son indépendance, marque également le troisième anniversaire et demi du début de l'invasion russe. Au cours de cette période dramatique, l'Église en Ukraine a constamment été aux côtés du peuple, lui offrant une aide humanitaire et spirituelle. Selon vous, qu'est-ce que l'Église elle-même a tiré de cette expérience?

Nous avons tiré de nombreuses leçons, mais nous avons peut-être encore besoin d'un peu de temps pour comprendre les événements qui, depuis le début de la guerre, ont bouleversé tous les citoyens ukrainiens. On peut toutefois mentionner certains phénomènes très importants. Tout d'abord, nous avons assisté à la formation d'une nouvelle société civile et politique. Mon prédécesseur, Lubomyr Husar, disait que les divisions en Ukraine ne sont pas dues à l'appartenance linguistique, ethnique ou confessionnelle, mais qu'elles opposent ceux qui aiment l'Ukraine et ceux qui la détestent. Cela est devenu évident depuis le début de cette guerre. C'est pourquoi cette invasion a révélé l'identité de notre peuple.

Il existe un autre phénomène très intéressant: cette nouvelle identité est inclusive. En effet, aujourd'hui, ceux qui se sentent Ukrainiens ne sont pas seulement ceux qui appartiennent à la nation ukrainienne en termes d'ethnie, de culture et de langue, mais aussi tous ceux qui défendent l'Ukraine indépendante: Juifs, musulmans de différentes nationalités, Ukrainiens, Russes, Polonais, Hongrois, Grecs, tous ceux qui vivent en Ukraine aujourd'hui défendent leur patrie et forment une identité ukrainienne inclusive. On ne dit jamais et on ne dira jamais à l'avenir: l'Ukraine pour les Ukrainiens. Personne n'a besoin que quelqu'un défende les droits des minorités ethniques ou religieuses en Ukraine. Cette identité inclusive a également une incidence sur le travail et le fonctionnement des Églises chrétiennes en Ukraine. Par exemple, dans le cas de l'aide humanitaire ou du service social de l'Église, nous le faisons en faveur de tous. Jamais, dans une paroisse grecque-catholique, on ne demande à celui qui demande de l'aide: «À quelle Église appartenez-vous? De quelle nationalité êtes-vous?». Cette solidarité, qui a toujours trouvé son fondement dans l'identité chrétienne, est aujourd'hui un phénomène qui englobe tout le monde et qui est véritablement le secret de la résilience ukrainienne et de notre capacité à résister à ces attaques très fortes venant de l'extérieur. Dans l'histoire, il arrive toujours qu'un peuple se sente plus uni lorsqu'il traverse une expérience commune.

Cette guerre est une expérience commune, car les missiles russes ne font pas de distinction entre orthodoxes et catholiques, entre chrétiens, musulmans ou juifs. Nous sommes tous blessés par la guerre de la même manière. Et nous avons tous besoin de guérir de ces blessures. Cette expérience commune, bien que tragique, a donné à la nation ukrainienne l'occasion de grandir dans l'unité. Aujourd'hui, le jour de l'indépendance est vécu en Ukraine comme le jour de l'unité nationale qui conduit à la naissance d'un projet social commun pour le développement de l'Ukraine, pour l'après-guerre, pour une Ukraine qui sera certainement plus forte, avec une identité plus claire, réaffirmée par cette tragédie: une identité véritablement européenne.

Que pensez-vous des récentes initiatives internationales visant à mettre fin à la guerre en Ukraine?

Je sais que je reflète l'opinion du peuple: il y a un grand espoir que ces initiatives internationales, même au plus haut niveau des dirigeants mondiaux, puissent enfin mettre fin à cette guerre aveugle et absurde. Quand on dit que la guerre est «insensée», c'est exactement cela. Pour le peuple ukrainien, se défendre aujourd'hui est vraiment une question de vie ou de mort. Mais lorsque d'autres efforts, tels que diplomatiques, mais aussi économiques, s'ajoutent à la défense purement militaire, on devient de plus en plus capable de résister et de se défendre. De plus, ce que les gens ordinaires perçoivent, c'est que ces dernières années, surtout depuis le début de la guerre, nous n'avons jamais vu une pression internationale aussi forte sur la Russie pour qu'elle cesse de tuer des Ukrainiens. Au cours de la semaine dernière, nous avons vu tous les dirigeants des pays européens se joindre à notre président et se rendre à Washington pour soutenir les garanties de sécurité de l'État ukrainien. Cela nous fait comprendre que les dirigeants européens considèrent l'Ukraine comme faisant partie du continent sur le plan culturel et économique. L'Ukraine garantirait également à l'avenir la sécurité des frontières des pays européens. L'Ukraine fait déjà partie du phénomène européen et c'est maintenant en Ukraine que se joue l'avenir de l'Europe unie.

Nous sommes dans l'année jubilaire consacrée à l'espérance, et nous savons qu'il ne s'agit pas d'un simple optimisme. Quel est le fondement de l'espérance que l'Église est appelée à offrir à la société ukrainienne en cette période si dramatique de son histoire?

À tous ces efforts humains, y compris ceux au plus haut niveau international, nous, chrétiens, ajoutons toujours ce qui fait partie de notre identité chrétienne: la prière et la foi en Dieu. Nous ne comptons pas seulement sur les capacités et les forces humaines, nous faisons l'expérience que le Seigneur, la force divine, se manifeste aujourd'hui dans ce peuple blessé, ce qui est aussi le fondement et l'objet même de l'espérance chrétienne. Nous espérons en Dieu et ceux qui espèrent en Dieu ne seront jamais déçus. Cette espérance chrétienne est bien plus sûre que les pactes ou les accords humains. C'est pourquoi l'Ukraine prie. La foi en Dieu nous fait renouveler nos capacités humaines, surtout celle de faire le bien. Je voudrais rappeler à nouveau les paroles de mon prédécesseur, Lubomyr Husar, qui disait que lorsque nous faisons le bien, nous sommes très forts.

Ceux qui souhaitent aujourd'hui tester leur capacité à être forts peuvent y parvenir en faisant du bien à ceux qui en ont besoin, à leur peuple, à leur État. Faire le bien signifie aussi vaincre la fatigue, retrouver les forces humaines et chrétiennes qui sont en nous. C'est pourquoi, à ces efforts purement humains, le peuple ukrainien ajoute l'espérance chrétienne qui ne déçoit pas.

Souhaitez-vous ajouter autre chose?

Je profite de cette occasion pour remercier tout d'abord les peuples européens qui comprennent de plus en plus que tout ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine touche également leurs sociétés, leurs Églises, leurs projets pour une Europe sûre, une Europe de paix, une Europe de culture et de développement pour l'avenir. Je voudrais également remercier les chrétiens européens et du monde entier, car nous ressentons la grande solidarité des Églises locales du monde entier. Nous avons récemment reçu une lettre de la Conférence épiscopale brésilienne et également des Églises non catholiques, en particulier des Églises orthodoxes et protestantes.

Je remercie donc tous les chrétiens du monde, tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté qui nous témoignent leur estime, leur solidarité, de manière très concrète et très tangible, en participant à divers projets humanitaires pour soutenir l'Ukraine, y compris pour la future reconstruction de notre pays. Nous sommes reconnaissants à tous pour leurs prières, car nous savons que la prière est vraiment une force incroyable qui nous maintient en vie et nous aide à vivre dans ces conditions dramatiques.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester inform¨¦, inscrivez-vous ¨¤ la lettre d¡¯information en cliquant ici

24 ao?t 2025, 13:39