Les ¨¦v¨ºques d'Ha?ti exhortent ¨¤ la reconstruction morale du pays
Xavier Sartre ¨C Cité du Vatican
Les évêques haïtiens dressent un tableau sans concession de la situation sécuritaire et politique dans laquelle se trouvent leur pays. Ils parlent de «chaos généralisé» et de «naufrage». Ils assistent «à une déchéance de la société et à une décadence des institutions», ils dénoncent «un État défaillant qui n¡¯assure plus ni la sécurité, ni la justice, ni le minimum vital pour son peuple», ils regrettent «un territoire morcelé, abandonné à la loi des armes et à la terreur des bandes armées», et ils décrivent «une population en fuite, déplacée, humiliée, appauvrie, blessée dans sa chair et son âme».
L¡¯épiscopat prend acte de «l¡¯effondrement de l¡¯ordre moral et de l¡¯ordre social», évoquant les lieux de culte profanés ces derniers mois, les sanctuaires violés et saccagés, le patrimoine historique et culturel vandalisé ou incendié. Autant d¡¯«acte» qui «frappent le c?ur vivant de notre peuple, sa conscience morale, sa capacité à espérer», affirme-t-il et qui sont «le signe d¡¯un peuple qui perd le sens de Dieu».
Le projet de constitution rejeté
C¡¯est dans ce contexte que l¡¯avant-projet de constitution a été présenté en mai dernier par le gouvernement de transition. Or, les évêques d¡¯Haïti considèrent que «l¡¯heure ne se prête pas au processus portant à l¡¯adoption d¡¯une nouvelle constitution», «la priorité est à la sécurité, à la paix et à la gouvernance pour le bien du peuple», la question de la constitution demandant «un très large débat portant à un vrai consensus national qui tient compte de la réalité historique, culturelle et sociale» du peuple haïtien.
Si le calendrier ne va pas, la solution proposée aux problèmes du pays ne convient pas non plus aux yeux de la CEH, puisque «le renouveau de la Nation ne viendra pas d¡¯un texte, aussi bien rédigé soit-il, s¡¯il n¡¯est porté par une conscience civique collective et renouvelée, une exigence morale partagée et une culture du dialogue et de la solidarité».
Dans ce texte, les évêques haïtiens voient certaines avancées, comme la volonté de moderniser l¡¯État, la reconnaissance de droits sociaux fondamentaux, la participation des femmes et des jeunes, la lutte contre la corruption, ce qui constituent «les bases d¡¯un projet national renouvelé, plus inclusif et plus juste».
Exhortation à l'engagement de tous
Mais la CEH souligne des «lacunes majeures qui risquent de fragiliser l¡¯équilibre démocratique» et qui sont contenus dans ce projet. Premier point, l¡¯absence de débat citoyen et d¡¯Assemblée constituante élue. La consultation est donc réduite au minimum. Ensuite, la conférence épiscopale relève que les pouvoirs du futur président seront renforcés, avec pour conséquence un affaiblissement des contre-pouvoirs législatif et judiciaire. Elle souligne aussi que proclamer des droits sans mécanisme de recours ne sert rien. Elle s¡¯inquiète en outre du modèle fédéraliste proposé, «qui risque de fragmenter l¡¯unité nationale». Enfin, le modèle de gouvernance apparait «institutionnellement complexe» et donc difficilement applicable dans un pays «aux capacités administratives et budgétaires limitées».
Les évêques haïtiens exhortent ainsi leurs fidèles à «travailler davantage pour bâtir non pas une constitution de rupture unilatérale, mais une charte fondatrice de l¡¯avenir commun», à s¡¯engager activement «dans la reconstruction morale et structurelle de notre société». «Résistons à la résignation, à la vengeance et à l¡¯anarchie» s¡¯exclament-ils car «il est encore temps d¡¯éviter l¡¯irréparable» même si «chaque jour de silence, d¡¯hésitation ou de duplicité est un jour de trop». «Trop de sang a coulé. Trop de familles sont détruites. Trop de jeunes ont perdu espoir».
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