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Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

Passer d’une Église de missionnaires étrangers à une Église locale. Tel est le défi des jeunes Églises dans le monde, comme l’est celle du Cambodge. En nommant Mgr Pierre Suon Hangly comme vicaire apostolique coadjuteur de Phnom Penh le 28 juin, le Pape Léon XIV a posé un nouveau jalon dans ce processus initié dans le petit pays d'Asie du Sud-Est de 17 millions d'habitants. Une nouvelle accueillie avec «une grande joie» par l’actuel vicaire apostolique, Mgr Olivier Schmitthaeusler, qui avait demandé cette nomination.

Mgr Pierre Suon Hangly sera ordonné le 6 septembre et prendra ensuite la succession de l’actuel vicaire apostolique, d’origine alsacienne en France. «C’est désormais à l’Église locale de se prendre en charge», explique Mgr Schmitthaeusler, qui a ?uvré aux côtés de Mgr Hangly pendant de nombreuses années. Le nouveau vicaire a été vicaire général après des études à Paris et la charge de curé d’un secteur pastoral. Il était préfet apostolique de Kompong Cham depuis juillet 2022.

La reconstruction de l’Église cambodgienne

Un seul cambodgien a été nommé à la tête du vicariat apostolique de Phnom Penh: Mgr Salas en 1975. Mais trois jours après son ordination, les Khmers rouges s’emparent du pouvoir et Mgr Salas est envoyé en camp de travail où il mourra d’épuisement en 1977. Le premier geste symbolique des Khmers rouges sera d'ailleurs de détruire la cathédrale de Phnom Penh, devenue le symbole de l'impérialisme étranger, rappelle le prêtre des Missions étrangères de Paris. 

L’Église cambodgienne a été décapitée lors de ces années, «les cinq prêtres cambodgiens qui étaient présents sont décédés sous Pol Pot», explique Mgr Olivier Schmitthaeusler. Les missionnaires étrangers sont revenus en 1990, pour tout reconstruire, comme au temps des Actes des Apôtres.

«On a reconstruit cette Église en commençant déjà par la formation des communautés chrétiennes, avec les quelques chrétiens qui restaient d'avant Pol Pot, mais aussi les nouveaux chrétiens qui avaient été baptisés dans les camps de réfugiés», poursuit l’actuel vicaire apostolique. «Moi-même, j'ai commencé comme curé avec un chrétien en 2001, et maintenant il y a des centaines de baptisés catholiques cambodgiens qui sont nés de cette paroisse».  

Le dynamisme de l’Église locale

Pour Mgr Schmitthaeusler, «c'est le moment d’incarner cette nouvelle présence cambodgienne à la tête de l'Église» alors que les bancs des églises cambodgiennes se remplissent des petits-enfants des premiers chrétiens. Le dynamisme de l’Église s’illustre aussi par les près de 250 baptêmes par an dans tout le pays ainsi que les quelques ordinations sacerdotales. En 1995, un premier prêtre cambodgien a été ordonné, quatre en 2001 dont Mgr Pierre Suon Hangly, dix entre 2010 et 2025.

De plus, les différents offices diocésains, pour la catéchèse, pour la santé, pour la pastorale des jeunes, sont tous occupés par des laïcs cambodgiens. De nombreuses écoles catholiques forment les petits Cambodgiens, de même que plusieurs lycées et même une université.

«L'Église s'enracine»

La présence «discrète mais assez forte» de l’Église catholique au sein de la société cambodgienne s’est manifestée lors du décès du Pape François. Une cinquantaine de groupes officiels, politiques ou religieux sont venus rendre hommage au défunt Souverain pontife dans l’espace dédié fin avril 2025 par Mgr Schmitthaeusler.

«50 ans après ce qu'ont fait les Khmers rouges, avoir un vicaire apostolique fils du Cambodge, ça montre que l'Église s'enracine dans cette terre qui que le Seigneur a fécondée», se réjouit le vicaire apostolique en poste depuis 2010, et arrivé dans le pays en 1998.

Âgé de 55 ans, Mgr Olivier Schmitthaeusler assure qu’il va accompagner Mgr Hangly puis qu’il trouvera «de multiples façons de continuer à servir ici l'Église du Cambodge dans la formation, les retraites, l'animation…». L’âge de la retraite n’est donc pas encore arrivé pour celui qui se dit être «le troisième plus vieux missionnaire de Phnom Penh».