杏MAP导航

Entretien réalisé par Stefan von Kempis – Envoyé spécial à Tbilissi, Géorgie 

Arrivé comme missionnaire, Mgr Giuseppe Pasotto est devenu administrateur apostolique en 1996 et est évêque de Tbilissi/Tiflis depuis 2000. Il a largement contribué à la reconstruction des structures de l'Église catholique en Géorgie. Ce petit pays du Caucase possède de profondes racines chrétiennes. Sur ses 3,7 millions d'habitants, 84% sont orthodoxes. Les catholiques représentent un tout petit pour cent de la population, soit environ 35 000 personnes.

Que représente l'Église catholique en Géorgie?

C'est une Église minoritaire qui vit en contact permanent avec l'Église orthodoxe et avec d'autres confessions -de sorte que le premier but de notre vocation, de notre présence ici, est de créer une communion. C'est en quelque sorte la mission que le Saint-Père nous a donnée dès le début, depuis que nous sommes à nouveau présents ici, et ce depuis des siècles. Mais pendant la période communiste, elle s'était un peu affaiblie, puis nous l'avons reprise. Le thème de la communauté est donc important pour nous. En tant qu'Église, nous faisons partie d'une Église universelle; et puis nous menons de nombreuses activités d'éducation et de formation pour aider ce peuple, notre Église, mais aussi d'autres personnes, à aller de l'avant et à avoir une perspective plus large. L'université catholique de Tbilissi et Caritas, avec leurs nombreux projets, ont pour objectif de promouvoir un développement humain intégral- donc aussi la partie spirituelle.

Quelle est la perception de l'Église catholique en Géorgie?

L'Église catholique est présente en Géorgie depuis des siècles et, d'après mes observations, les Géorgiens voient en elle quelque chose de précieux - notamment parce que l'Église catholique représente un peu l'Europe, l'Occident, et la plupart des gens ici s'orientent vers l'Occident. En ce qui concerne les catholiques en Géorgie, ce sont en général des gens qui croient facilement et qui font confiance à Dieu. Ils sont religieux par nature. En outre, compte tenu de l'histoire qu'ils ont vécue, de nombreux catholiques géorgiens -peut-être contrairement aux orthodoxes- ont une vision plus large, qui dépasse le cadre de leur propre pays. En bref, la Géorgie est un petit pays, une petite réalité dans le monde, mais l'Église catholique aide à tout voir dans un cadre plus large.

Images de saints dans une ancienne église orthodoxe à l'extérieur de Tbilissi

Vous avez parlé de communion, mais les relations avec le monde orthodoxe qui vous entoure ne semblent pas toujours faciles. 

Non, elles ne sont pas simples. Je pense qu'ici, en ce moment, tout est un peu gelé. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de grandes difficultés, mais rien ne bouge... Aussi à cause du patriarche qui est âgé, donc c'est un peu l'attente. C'est difficile pour les catholiques, parce qu'il y a tellement de problèmes qui ne sont pas résolus, auxquels on ne veut pas toucher maintenant, dont la restitution de nos églises, mais surtout la question des sacrements. Notre baptême n'est pas reconnu comme un baptême valide, et donc les autres sacrements non plus.

Et la collaboration n'est pas non plus au rendez-vous: c'est-à-dire le fait de se sentir d'abord chrétien et seulement en premier lieu représentant de sa propre confession. En Géorgie, un catholique est parfois un peu comme un citoyen de seconde classe dans ce pays, parce que beaucoup de gens partent du principe que c'est le cas: celui qui est géorgien doit être orthodoxe, et si tu n'es pas orthodoxe, on peut te traiter comme quelqu'un de seconde classe, te discriminer ou même te persécuter... Ce sont les plus grandes difficultés en ce moment ici en Géorgie.

Église catholique de rite latin dans la capitale, Tbilissi

La Géorgie traverse actuellement un moment de troubles politiques. Comment l'Église catholique se positionne-t-elle?

L'Église catholique est considérée comme une Église liée à l'Occident, qui a donc un autre point de vue; ce n'est pas une Église qui regarde vers Moscou ou vers l'Est, mais qui regarde vers l'Ouest. En tant qu'Église, nous essayons de défendre certaines valeurs plutôt que de nous engager dans des querelles de clocher. Quelles sont les valeurs sur lesquelles nous pouvons construire une société? C'est l'effort que nous faisons, et ce n'est pas une chose facile. En ce moment, il s'agit surtout d'une logique de partialité et d'opposition, et c'est pourquoi des divisions sont apparues dans la société. On ne se demande pas quelle pourrait être la valeur sur laquelle on pourrait construire un pays. Nous n'avons pas fait de recommandation avant les élections [législatives d'octobre dernier], mais avons laissé à tous la liberté de choix. Il y a beaucoup de catholiques qui participent aux manifestations, mais il y en a aussi qui ne sont pas d'accord. Cela dit, nous nous efforçons de ne pas être partisans.

Le Pape François était ici à Tbilissi il y a quelques années, en 2016. Quels sont les fruits de ce voyage?

Deux Papes sont venus ici. Chaque visite du Pape est un cadeau, parce qu'elle fait bouger les choses, parce qu'elle rassemble les gens; même les non-catholiques s'intéressent alors à qui est le chef de l'Église catholique, les journaux en parlent -tout le monde est impliqué, et ce genre de chose est toujours un grand cadeau. Mais je suis convaincu qu'il ne faut pas juger les voyages d'un Pape à l'aune de leurs fruits concrets, car ils ne portent pas forcément des fruits, mais ils marquent en quelque sorte un chemin à suivre. Et c'est le plus beau des fruits! Un Pape montre lors d'un voyage quel chemin l'Église catholique veut emprunter, et cela ouvre alors peut-être quelques portes.