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Ouverture du Jubil¨¦ des familles ce vendredi 30 mai ¨¤ Rome. Ouverture du Jubil¨¦ des familles ce vendredi 30 mai ¨¤ Rome.  (ANSA)

Jubil¨¦: les AFC au service de toutes les familles fran?aises

Entretien avec Pascale Morini¨¨re r¨¦cemment r¨¦¨¦lue ¨¤ la t¨ºte des Associations familiales catholiques en France, ¨¤ l'occasion du Jubil¨¦ des familles, qui vient de d¨¦buter ¨¤ Rome. Engag¨¦es aupr¨¨s de toutes les familles unies, recompos¨¦es ou monoparentales, les AFC ?uvrent en France pour que la politique r¨¦inscrive la famille dans le paysage, sans quoi ?nous aurons un monde d'individus coll¨¦s les uns ¨¤ c?t¨¦ des autres?. Elle r¨¦affime leur engagement contre l'aide ¨¤ mourir, ?une loi pour les forts?.

Marie Duhamel ¨C Cité du Vatican

Le Jubilé des familles qui s¡¯est ouvert ce matin pour se conclure dimanche lors d¡¯une messe présidée à partir de 10h30 place Saint-Pierre par le Pape, est un temps de pèlerinage, on passe les Portes Saintes, avec la possibilité de se confesser. C'est également l¡¯occasion de vivre l¡¯universalité de l¡¯Église. Une grande rencontre des associations familiales catholiques en Europe se tient ainsi à Rome, en présence de la direction des AFC de France.

Dans un entretien accordé à Vatican News, Pascale Morinière qui vient d¡¯être réélue à la tête des Associations familiales catholiques, revient sur l¡¯opportunité de ce décentrement romain. Se sentant déjà encouragée par l¡¯attention portée par Léon XVI à la famille, elle raconte comment le pontificat du Pape François les a aidés à appréhender un changement de société déjà engagé en France, où 58% des enfants naissent hors mariage. Avec le soucis d¡¯accompagner toujours davantage les personnes les plus isolées, elle évoque leur ferme engagement contre le projet d¡¯«aide à mourir» qui est en cours d¡¯examen.

Quelle opportunité représente pour les AFC de France ce pèlerinage à Rome?

La France ou les Français se croient toujours un peu le centre du monde. Or à chaque fois que l¡¯on vient au Vatican, on se rend compte qu'on est un des éléments, et peut être pas le plus important. Cela nous permet d'avoir de ne pas nous cantonner à nos habitudes et d¡¯avoir une vision plus large pour notre pays, qui est celle de l'Église et du monde entier, catholique.

Je me souviens d'une rencontre avec le cardinal Stanis?aw Ry?ko (président du conseil pontifical pour les Laïcs de2003 à 2016), avant le mariage pour tous. Il nous avait dit «Vous êtes une voix qui crie dans le désert, mais s'il n'y a pas cette voix, elle va manquer». Si la France bascule sur cette question, la plupart des pays occidentaux basculeront, ce qui s¡¯est révélé être le cas. Aujourd'hui, nous avons un autre sujet, celui de la fin de vie. Et parce que nous sommes conscients du fait que la France, malgré tout, donne le ton pour un certain nombre de sujets, nous devons nous engager fortement, pour éviter aussi un effet d'entraînement au-delà de la France seule.

Nous reviendrons sur l'aide à mourir tout à l'heure, mais revenons sur cette vision plus large que vous offrent, dites-vous, vos passages à Rome. Pendant 13 ans, le Pape François a appelé à se mettre à l¡¯écoute des familles blessées, privilégiant le salut des âmes à celui de la doctrine. Comment avez-vous accueilli cette invitation? Est-ce que cela a modifié votre vision et la manière de travailler au sein de l¡¯AFC ?

Alors ça nous a aidés à évoluer. Il faut dire qu¡¯à ma génération, nous avons grandi dans une société française qui était globalement imprégnée de culture catholique, et qui, en quelques années, a complètement changé. La moitié d'une classe d'âge a été baptisée en l'an 2000. Et aujourd'hui, à peine un quart des Français est baptisé. On voit bien que les choses changent à toute vitesse. On ne peut plus se positionner avec une posture un peu dominante, prescriptrice et surplombante, mais on doit être à l'écoute de ce que vivent nos contemporains, qui ne partagent pas notre foi et ne vivent pas de la même manière que nous. Et donc pour pouvoir les accompagner, nous devons nous situer autrement, sans doute davantage en bons samaritains qu¡¯en prescripteurs ou en donneurs de consignes. Nous avons changé pour être davantage au service, en nous comportant en bons samaritains, en hôpital de campagne.

En France, les familles catholiques peuvent faire l'objet de préjugés et être stigmatisées, comment entrer en dialogue avec ces familles divorcées, recomposées, monoparentales, etc.

Cela se fait très naturellement. Ces familles-là viennent frapper à notre porte parce qu'on offre des services. Je pense par exemple aux services des «chantiers éducation» qui sont des ateliers entre parents, pères et mères, pour discuter des questions éducatives de manière très concrète. Il y a des pères seuls qui viennent frapper à la porte et qui nous disent «aidez-moi, je ne sais pas faire quand j'ai mes enfants». Au sein des associations familiales catholiques, il y a des familles qui se séparent et qui vivent cette douleur de l'implosion familiale et qui ont besoin aussi d'aide. Donc on ne va pas les chercher particulièrement, mais on a à c?ur d'être ouverts à toutes les réalités à la fois et de rendre compte de l'espérance qui est en nous à ceux qui nous en demandent raison, mais avec douceur et respect, c'est à dire aussi avec cette capacité d'accueillir toutes les réalités.

Il me semble que vous travaillez aussi auprès des jeunes catholiques, notamment sur la question du couple et du sacrement du mariage?

C¡¯est nouveau. Nous nous y sommes intéressés il n¡¯y a que quatre ou cinq ans, en nous rendant compte que les jeunes chrétiens, nos proches, étaient peut-être très formés au plan spirituel, mais beaucoup moins au plan de la doctrine sociale de l'Eglise, par exemple sur les questions d'anthropologie ou d'engagement dans la société. Ils nous ont réclamé qu'on leur parle aussi d'écologie. Un parcours de formation à la doctrine sociale de l'Église est en train d¡¯être mis au point. En ce sens, l'élection de Léon XIV a vraiment été un encouragement.

Et puis nous avons également lancé il y a deux ans les AFCélib¡¯ qui sont des week-ends de rencontre sympathiques, comme on peut faire avec des amis, pour permettre à des jeunes de 26 à 40 ans qui aimeraient bien trouver l'âme s?ur de se rencontrer.

Puisque c¡¯est également le Jubilé des grands-parents, comment les incluez-vous dans votre action? Favorisez-vous des collocations intergénérationnelles par exemple, pour lutter contre l¡¯isolement?

Nous n¡¯avons pas là d'engagement concret, mais ce que l'on porte beaucoup, c'est de dire que les familles sont responsables de ceux qui sont seuls. En France, un adulte sur six, vit tout seul, soit 17 % des Français. Aussi, ceux qui ont la chance de vivre en famille avec des relations interpersonnelles chaleureuses doivent être responsables de celui qui est seul chaque soir devant son assiette. C¡¯est le message d¡¯attention que nous portons. Évidemment, quelque chose ne va pas quand, dans nos familles on milite contre le suicide assisté, mais on ne va pas voir ses propres grands-parents.

Concernant le projet de loi sur l¡¯aide à mourir, comment comprenez-vous le résultat du vote solennel de la semaine passée à l¡¯Assemblée nationale?

Il y a un idéal d'émancipation et d'autonomie qui balaye tout le reste. Je dois pouvoir décider du tout de ma vie. C'est une vision théorique et idéologue de ce qu'est la vie humaine et ce que sont les relations sociales. Ça ne marche jamais comme ça. On est toujours interdépendants: on est issu d'une relation, on est tous fait pour la relation, même si on vit seul et c'est pour cette raison que l¡¯on souffre parfois quand on est seul. À ce titre, on ne peut donc pas indéfiniment promouvoir cette émancipation, au risque d'avoir une société complètement atomisée. On voit aujourd'hui la société française en difficulté. On l'a vu, je pense lors des émeutes des banlieues de 2023. On a vu que l'explosion des familles créait des jeunes en manque de repères, notamment paternels. Et on ne peut pas faire société de cette manière-là.

Ce qui est encourageant et le petit frémissement auquel on assiste en ce moment. Ceux qui ambitionnent de se présenter à la présidentielle évoquent les uns après les autres le sujet de la famille. Souvent par le biais de la natalité et de la démographie, moins en abordant les questions sociales, mais ça commence un tout petit peu à revenir alors que, jusqu'à présent, le «moi tout seul» était prédominant. C'est en partie ce qui explique cette loi de l'autonomie absolue. «Je dois pouvoir décider jusqu'au bout de ma vie» mais, encore une fois, ça ne marche pas comme ça. Quand on a un déficit intellectuel, qu¡¯on est extrêmement fragilisé par la pauvreté, la grande vieillesse, etc, on n¡¯est pas dans cet idéal des forts. Claire Fourcade, la présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, parle en effet d¡¯une loi pour les forts, tandis qu¡¯Alain Mink (ndlr, essayiste athée) parle d¡¯une loi pour Saint-Germain-des-Prés (ndlr, un quartier bourgeois du centre de Paris), c¡¯est-à-dire pensée par ceux qui maîtrisent toute leur vie mais la plupart du temps, ce n'est pas comme ça que ça se passe en toute fin de vie, on est interdépendants.

Comment continuer à témoigner de sa foi malgré des vents contraires?

C'est tout l'enjeu. Osez rendre compte de la vérité demande du courage parce que, étape après étape, depuis 70 ans, on a uniquement réussi en 1984, à repousser la loi sur l'école libre, mais tous les autres combats qu'on a menés, tous été perdus. Donc, si on envisage les choses sous le rapport du bras de fer, on ne va pas y arriver. En revanche, si on se dit que notre rôle c'est d'être sel de la terre, et ainsi de témoigner envers et contre tout, sans la charge de faire croire, c'est une bonne ligne de conduite. Cela laisse nos interlocuteurs libres de leurs réponses. Mais, dans ce temps où finalement tout s'obscurcit un peu, où il n'y a plus de verticalité, où l¡¯on ne sait pas pourquoi est faite la vie, on voit bien que l'Église est un phare dans ce désert actuel. J'en veux pour preuve le nombre de baptisés de Pâques qui augmentent chaque année. Je crois que l'Église continue d'attirer et continue d'être ce pôle de résistance et de propositions pour un humanisme complet, intégral, bien au-delà de sa seule sphère.

Vous allez rencontrer, vous allez entendre le Pape. Qu¡¯attendez-vous de Léon XIV?

Je me réjouis du fait que Léon XIV parle beaucoup de la famille, car quand on n'en parle pas, on la fait disparaître. C'est d¡¯ailleurs ce que je reproche aux politiques en France. Si on fait la même chose dans l'Église, la famille disparaît des préoccupations et, petit à petit, on aura un monde d'individus collés les uns à côté des autres. Je me réjouis que Léon XIV mentionne si souvent la famille. C'est important pour la réinscrire dans le paysage et rappeler qu'on est tous reliés les uns aux autres et qu'on vient tous, à un moment ou à un autre, d'une famille.

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30 mai 2025, 18:34