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Le Pape Fran?ois et Mgr David Macaire, archev¨ºque de Saint-Pierre et Fort-de-France, place Saint-Pierre. Le Pape Fran?ois et Mgr David Macaire, archev¨ºque de Saint-Pierre et Fort-de-France, place Saint-Pierre. 

Martinique: la m¨¦moire du Pape Fran?ois c¨¦l¨¦br¨¦e un mois apr¨¨s son d¨¦c¨¨s

Lundi de P?ques 21 avril ¨¤ 7:35 du matin, le Pape Fran?ois s'est ¨¦teint ¨¤ l'?ge de 88 ans. Un mois jour pour jour apr¨¨s son d¨¦c¨¨s, Mgr David Macaire, archev¨ºque de Saint-Pierre et Fort-de-France, ¨¦voque dans une interview accord¨¦e aux m¨¦dias du Vatican, le souvenir de l¡¯?attention particuli¨¨re? du Souverain pontife pour les Antilles et surtout sa ?proximit¨¦? aupr¨¨s des populations de la Martinique, qui depuis plusieurs ann¨¦es traversent une crise soci¨¦tale.

Entretien réalisé par Augustine Asta ¨C Cité du Vatican

«Pour faire avancer la famille, pour transformer la famille des Caraïbes. La faire avancer aujourd¡¯hui pour demain, c¡¯est-à-dire dans le présent pour l¡¯avenir. Et aujourd¡¯hui, pour comprendre le présent, vous devez savoir la décrire, savoir la comprendre pour affronter demain», avait déclaré le Pape François dans un message à l¡¯occasion de l¡¯Assemblée triennale des jeunes, organisée par la Conférence épiscopale des Antilles (AECYA) qui avait lieu en Martinique du 10 au 23 juillet 2018. À travers ce message le Souverain pontife avait alors voulu manifester sa préoccupation quant à l¡¯avenir de la jeunesse antillaise. Une préoccupation constante qui s¡¯est aussi démontrée au fil des ans.

Lors d¡¯un rassemblement place Saint-Pierre, le Pontife argentin avait tenu à s¡¯adresser particulièrement à la délégation venue de Martinique. «Je vous demande de briser les barrières qui vous séparent, et de prendre le risque de l'hospitalité. Confiez-vous au Christ par rapport à toutes vos souffrances, confiez-vous à l'Esprit-Saint, brisez les barrières qui vous séparent, et prenez le risque de l'hospitalité entre vous», avait lancé le Saint-Père. Pour Mgr David Macaire -nommé archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France par le Pape François le 7 mars 2015- ces paroles étaient «prophétiques». Car elles ont été prononcées précise-t-il, dans un contexte où la Martinique fait face depuis plus d¡¯une décennie à une crise sociétale.

«Le gros problème de nos îles des Antilles, en particulier de la Martinique, c'est qu¡¯on a bâti une société qui est l'antithèse de Laudato si', l'encyclique du Pape François. On a un mode de vie assez égoïste qui a été promu depuis une cinquantaine d'années, qui est absolument contraire à notre culture», avait surtout déploré Mgr Macaire, dans une autre interview accordée aux médias du Vatican le 26 septembre dernier, portant sur les manifestations contre la vie chère qui avaient secouées la Martinique. L¡¯archevêque espère que, le nouveau Pontife romain élu, Léon XIV, s'inscrira dans la continuité du Pape François et mettra en avant les principes de Laudato si' et des autres encycliques et textes du Pape argentin.

Entretien avec Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France.

Quel lien la Martinique a pu tisser avec le Pape François au fil des 12 années qu¡¯a duré son pontificat?

C¡¯est le Pape François qui a été le tout premier à nommer deux cardinaux dans les Antilles. L'un a été électeur lors du récent conclave, le cardinal Chibly Langlois. L'autre, le cardinal Kelvin Edward Felix qui est mort le 30 mai 2024, à l¡¯âge de 91 ans. Il était de notre Conférence épiscopale des Antilles, et il était d'ailleurs un voisin, puisqu'il habitait dans l'île voisine de la Dominique et qu¡¯il avait été également archevêque de Sainte-Lucie. Le Pape François avait une attention particulière pour notre Église locale, régionale si j'ose dire, et c¡¯était quelque chose de fort pour nous. Parlant toujours de cette attention du Pape François, je rajouterais un petit détail. Une fois, le Saint-Père s¡¯était adressé à tous les Martiniquais sur la place Saint-Pierre. Il nous avait dit «qu'il nous fallait avancer avec le Christ à travers les ténèbres», ajoutant: «libérer la joie de vivre ensemble en brisant les barrières et en risquant l'hospitalité». °ä¡¯&±ð²¹³¦³Ü³Ù±ð;³Ù²¹¾±³Ù des paroles vraiment prophétiques pour ceux qui connaissent la situation de notre pays qui traverse une crise sociétale. Et j'avais été impressionné.

Que pensez-vous que la Martinique gardera ou doit garder comme héritage du magistère du défunt Pape?

C'est vrai qu¡¯il y¡¯a Evangelii gaudium mais aussi les autres encycliques comme tous les textes du Pape François sont remarquables. Par exemple Dilexit nos (ndlr- sur l¡¯amour humain et divin du c?ur de Jésus-Christ) est un autre texte qu'il faut absolument connaître. Que les pasteurs doivent connaître. Les hommes et les femmes de bonne volonté doivent s'imprégner de ces textes parce qu'ils sont remplis d'une sorte de de sagesse à la mode de François. Une sagesse à la fois discernée, profonde, avec beaucoup d'éléments, mais en même temps une sorte de bon sens sur comment doivent être nos paroisses, quelle devra être notre attitude pastorale, comment le monde doit se comporter envers les pauvres, envers les plus fragiles, envers la nature, l'environnement, mais aussi entre nous¡­

Le Pape lui-même était sensible, de par son histoire personnelle, à cette dimension simple et populaire du rapport à l'Église et du rapport à Dieu. Il y a un émoi très positif dans tous les secteurs de la société. Lorsque, lors de la prière pour le Jubilé, un des cardinaux a lu une intention de prière à propos de l'abolition de l'esclavage et du rôle du rôle de l'Église, cela a été fortement apprécié en Martinique. Jean-Paul II l'avait déjà fait en 1992. Et cela, même si nous avons fait un travail au sein de l¡¯Église avec des historiens pour répertorier tous les chrétiens, à travers toute l'histoire, qui se sont opposés à l'esclavage. Mais le fait que cela soit rappelé alors que la question est encore brûlante chez nous, encore aujourd'hui, 177 ans après, cela ça a eu un fort retentissement et donc ça restera dans le c?ur des populations de Martinique.

Qu'est ce qui, selon vous, a été fait durant le magistère du Pape François et qui, aujourd'hui encore, mériterait d'être valorisé?

Les Martiniquais sont bien conscients qu'ils sont loin d'être les plus pauvres au monde, puisqu'on est quand même le pays le plus développé de toute la Caraïbe. Nous vivons dans un pays en paix qui est plutôt dans l'abondance. La vie est chère en Martinique, parce que d'une certaine façon on s'est fait avoir idéologiquement par un Occident qui nous a vendu un mode de vie à l'occidental. C'est pour ça que Laudato si' est impressionnant, car le Pape nous donne une réponse dans cette encyclique. La vie est chère en Martinique parce qu'on veut vivre avec un mode de vie qui n¡¯est pas le nôtre, donc on est obligé de tout recevoir par bateau, par avion, etc. Notre façon de manger, de nous habiller ou de vivre tout simplement, fait que la vie est devenue chère. Et donc je trouve que le message le plus impactant du Pape François est sur cet impérialisme idéologique qui nous contraint à vivre comme si on était en Occident et à faire rêver nos jeunes. Et donc de devoir dépenser très cher pour pouvoir vivre dans ce mode de vie, qui pourrait être plus simple et dont nous serions beaucoup plus riches.

D'ailleurs, sur le plan personnel, quelle empreinte le défunt Pape aura eu sur votre ministère?

J'ai créé en Martinique avec d'autres évidemment, une petite université où on forme les jeunes sur les principes de Laudato si'. On propose des licences dans le monde de la mer, des sciences numériques ou encore dans les sciences économiques et sociales. Et ça marche vraiment. Les jeunes reçoivent une formation de qualité et quand ils vont dans une université, ils ont de très bonnes notes. Car tout simplement Laudato si' évoque des principes de vérité, sur la société actuelle et le futur. D'autant plus qu'avec l'intelligence artificielle, il faut avoir un esprit qui s¡¯adapte, notamment pour nos jeunes, mais aussi pour nous plus anciens. Donc je crois que le Pape François nous a vraiment montré le vrai chemin à suivre de ce point de vue-là, et du point de vue pastoral également.

Le Saint-Père dans l'ascenseur avec Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France.
Le Saint-Père dans l'ascenseur avec Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France.

Sur un plan plus personnel, c¡¯est quand le Pape François lui-même m'a nommé évêque. Un jour, alors que j'étais au synode des jeunes. Je courais parce que j'étais en retard, et en passant devant l'ascenseur, je montais à pied, au niveau des escaliers, j'entends quelqu'un qui m'appelle «mais viens, viens, viens¡­ ». Et c'était le Saint-Père tout seul dans l'ascenseur qui m'appelait et me disait de venir prendre l'ascenseur avec lui. Ça paraît amusant et puis c'est normal en même temps, mais cette simplicité du Pape est un souvenir qui reste marquant à vie. Aussi quand il a reçu nos évêques de la Caraïbe, notre Conférence épiscopale dans son bureau, il n'a même pas regardé sa montre une seule fois. Il a pris tout son temps pour répondre à toutes nos questions et vraiment dans un dialogue fraternel et paternel et à chaque fois rempli de sagesse, avec une intelligence, une capacité à bien sûr à répondre à toutes les questions, à passer d'un sujet à l'autre, qui m'a réjoui et m'a impressionné. On est sorti de là en confiance pour la Sainte Église.

Les cardinaux ont donc élu le nouveau Pape, Léon XIV¡­Quelles sont les attentes de l'Église de Martinique?

Les attentes de l'Église locale pour nous sont celles des chrétiens d'abord, tout simplement ce dont nous avons besoin, si j'ose dire, parce qu'on est encore marqué par la personnalité du Pape François, c'est d'être soutenu, notamment dans une démarche comme celle de Laudato si'. Ce texte en particulier touche directement la vie sociale, sociétale et la vie ecclésiale. Nous vivons un moment où, à la fois notre société au sens large et l'Église amorcent vraiment un vrai tournant. Et dans nos sociétés antillaises, je pense à la Martinique en particulier, nous avons besoin de l'Église. Et la réponse à la fois du point de vue interne dans l'Église mais aussi pour la société toute entière, est dans Evangelii gaudium.

D¡¯un point de vue idéologique, concernant le nouveau Pape on n'a pas trop de crainte parce que c'est l'Esprit Saint qui conduit l'Église depuis 2000 ans, mais le défi pour lui sera l¡¯unité de l'Église. Cette unité, elle est mise en danger par les médias, les réseaux sociaux en particulier, où chacun pourrait partir dans son sens. Parce qu'aujourd'hui un fidèle qui est en Martinique ou en Afrique ou en France, il veut ne plus aller dans sa paroisse et préfère écouter le sermon qu'il trouve sur internet par exemple. Et donc il y a un vrai risque de manque de réalisme, de fuir le lieu où on peut fraterniser en réalité, pour tomber dans des fraternités virtuelles et des idéologies qui sont éphémères.

Encore une fois, la confiance n'est pas dans des hommes, mais de ce que Dieu fait à travers un homme et ce que Dieu a fait pour l'Église, pour le monde, à travers une personne. On a été surpris par le Pape François. On ne savait pas qui il était avant parce que les médias ne le connaissaient pas. Et puis nous non plus, finalement. On n'a pas du tout été surpris par le Pape Benoît XVI qui a été lumineux pendant toute son existence de cardinal et de Pape, bien entendu. Pourtant le Pape François nous a apporté la même lumière, avec un style différent. Donc je pense que le nouveau Pape nous apportera cette lumière avec son style particulier aussi.

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21 mai 2025, 07:51