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Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican 

Quelle symbolique spirituelle accorder au décès du Pape au lendemain de la Résurrection? Quel est le signe de ce kairos?

Je suis actuellement à Lisieux, près de Thérèse qu’il aimait tant. Elle disait "Aimer, c'est tout donner et se donner soi même". François s’est vraiment donné jusqu'au bout, nous l'avons vu encore lorsqu'il est allé voir les prisonniers Jeudi Saint, lorsqu'il a donné sa bénédiction à la Ville et au monde le jour de Pâques. Ce n'est pas une célébration liturgique, mais puisque Marie a été présente dans la Passion, le Samedi Saint lui est spécialement consacré, et tout de suite après avoir célébré la Résurrection de Jésus. Le lendemain, on peut contempler la Vierge Marie. Notre Pape François avait un immense amour pour la Vierge Marie. Il le montrait chaque fois, en particulier ses voyages. Il allait toujours prier à Sainte-Marie-Majeure pour confier ses voyages apostoliques. J’ai vraiment vu en ce jour la Sainte Vierge qui l'accueillait.

J'ai aussi pensé à saint Joseph, puisque notre Pape avait une immense dévotion à son égard. Il a voulu commencer son pontificat le 19 mars. Il nous a donné cette magnifique lettre apostolique, Patris corde. Il a rappelé aussi la piété populaire qui lui était si chère, et la piété populaire considère saint Joseph comme le patron de la bonne mort. Le Saint-Père a été accueilli par le Seigneur Jésus, mais aussi par la Vierge Marie et saint Joseph, puisque ses armoiries représentaient la Sainte Famille, donc symboliquement le soleil de Jésus, l'étoile, Marie, et puis le nard, dans l'héraldique hispanique, qui symbolise saint Joseph. Ce 21 avril, c'était aussi la fête d'un très grand saint et docteur de l'église saint Anselme de Cantorbéry, mort le 21 avril 1109.

L'octave de Pâques se télescope avec neuf jours de deuil. Quelle atmosphère cela confère-t-il? Comment le Pape François appréhendait-il le Ciel, la perspective d'éternité?

Comme consulteur pour les Causes de saints, je le vois vraiment dans cette lumière et je dois dire qu’à Lisieux, nous vivons ça vraiment avec Thérèse, dans la douleur bien sûr, de la mort d'un être cher, mais plus profondément, dans la joie de la Résurrection de Jésus et de tous ceux qui sont auprès de lui, et surtout la communion des saints.

Il a souvent parlé du ciel, et en particulier dans sa très belle exhortation apostolique sur Thérèse de Lisieux, "". En citant ces paroles «Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre», l'horizon du ciel était toujours présent. On voyait d'ailleurs en lui cette grande sérénité. On se rendait compte vraiment que le Saint-Père tenait à un fil et que le Seigneur l'a accueilli. J’étais à Rome au moment de la mort de Jean-Paul II et à celle de Benoît XVI, ces événements et ces journées de deuil vont être une grâce pour tout le peuple de Dieu. C'est le paradoxe de la joie et de la douleur. Saint Jean-Paul II est mort le samedi de l'octave de Pâques, donc la veille du dimanche de la Miséricorde. Les jours qui ont suivi, il y avait une joie très forte. C'était la joie du Ciel qui était là. Les jours qui ont précédé les obsèques, la joie de la Résurrection l'emportait sur la tristesse.

Si l’on pense même à la Vierge Marie, aux saintes femmes, aux apôtres de Jésus qui avaient été brisés de douleur dans la Passion, ils ont ensuite vécu cette joie de la Résurrection. Comme nous. Notre Saint-Père ne souffre plus. Le Seigneur l’accueille dans son Royaume. Nous continuons bien sûr de prier pour lui. Pastoralement, l’accent est mis sur l’action de grâce, tout ce que le Seigneur nous a donné par lui. Le Pape, en douze ans de pontificat, a tellement donné qu’il va continuer maintenant son intercession au Ciel, et va veiller sur la suite et sur celui que le Seigneur nous enverra après lui.

La joie du ciel se reflète sur la terre et dans son Magistère. Quelle était la relation du Pape à la joie, vertu chrétienne essentielle?

Il est extraordinaire que tous les grands documents du Saint-Père portent le nom de la joie: Evangelii gaudium, la joie de l'Évangile, Amoris Laetitia, la joie de l'amour, le texte sur la sainteté, Gaudete Exsultate, donc réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, le texte pour les universités catholiques Veritatis gaudium, la joie de la vérité. Et si on relit les textes de ces grands documents, bien sûr, le tout premier, mais aussi le tout dernier, j’insiste beaucoup sur la dernière encyclique du Saint-Père qui constitue un véritable testament spirituel. , l’encyclique sur le Sacré c?ur, très exactement l'amour humain et divin du c?ur de Jésus. C'est une merveille quand elle est sortie, on sentait que déjà le Pape était proche du ciel. Il faut la lire et la relire. Ses encycliques sociales, Laudato si’ et Fratelli tutti, proviennent de cet amour profond du c?ur de Jésus.

Dans quel climat spirituel peut se poursuivre le Jubilé de l'espérance sans la présence du pasteur qui l'a inauguré?

Cela tient en la présence de François au ciel et la promesse de Jésus faite à Pierre. Sur cette Pierre, je bâtirai mon Église. Le Seigneur va désigner celui qui lui succédera. On vit un moment un peu particulier, en attendant l'élection, c’est l'espérance de la vie de l'Église qui va continuer et dans laquelle le Seigneur va être présent. De même que le Concile Vatican II avait commencé avec saint Jean XXIII et a terminé avec saint Paul VI, ce jubilé qui a commencé avec le Pape François va se continuer et se terminer avec son successeur. C’est la belle continuité de la vie de l'Église. Il n'y a pas de rupture, il n'y a pas de discontinuité.

Vous êtes consulteur au dicastère pour la Cause des saints. Quelle était l'approche spécifique du Pape François de la sainteté?

Un des plus beaux documents du Pape François, c'est son exhortation apostolique à , l'appel à la sainteté dans le monde contemporain et son insistance sur les saints de la porte d'à côté. Il a souhaité montrer que la sainteté est accessible. Au-delà des saints canonisés, la sainteté dans la vie quotidienne, dans la vie ordinaire d'une mère de famille est une sainteté réalisable. C’est pour cela que sainte Thérèse de Lisieux était sa sainte la plus aimée, après la Vierge Marie et saint Joseph. C'était tout de suite la petite Thérèse qui venait.

Il l’aimait particulièrement, et c’est elle qui est citée le plus abondamment dans l'Encyclique sur le Sacré-C?ur. Ce chemin de la sainteté, la petite voie enseignée par Thérèse, accessible à tous. Il n'est jamais trop tard pour devenir un saint ou une sainte à l’exemple du bon larron, «le saint de la dernière minute». Le Pape a montré de façon nouvelle la sainteté comme l'horizon normal de la vie chrétienne, praticable et accessible pour tous les fidèles.